vendredi 9 janvier 2015

Voir Dieu !

Jeudi ap. Epiphanie                                                              (I Jn 4.11-18)

"Dieu, personne ne l’a jamais vu ! Mais, si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous !". Ainsi donc, Il nous faut nous exercer à aimer, mais à aimer de l’amour même de Dieu. Ce qui parfois et même souvent très différent de l'amour humain ! “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés“, disait Jésus. Et le Christ nous a aimés de l’amour même qu’il recevait de son Père dans l’Esprit Saint. "Nous reconnaissons, ajoute St Jean, que nous demeurons en Dieu, et lui en nous, à ce qu'il nous donne part à son Esprit !".

La première réflexion de l'apôtre est importante : “Dieu, personne ne l’a jamais vu, contemplé !“. Et c’est vrai ! La contemplation de Dieu en plénitude, ce sera pour "le Jour", "le Jour Unique" (héb. : erad), comme disent le prophète Zacharie et l'Apocalypse, c'est-à-dire "le Jour éternel", comme nous disons facilement. Ce sera entrer dans le "Jour de Dieu" ! Alors, “nous le verrons tel qu’il est, comme lui nous voit sans cesse !“.

Et pourtant, nous parlons de la "Vie contemplative" des moines, moniales, des prêtres ou de tel ou tel chrétien : “C’est un contemplatif“, dit-on alors. Mais il faut s’entendre. La “vie contemplative“ ici-bas ne procure pas la “vision“ de Dieu ; elle donne des moyens qui nous préparent, qui nous forment à la plénitude de la contemplation au ciel : “Voir Dieu comme il nous voit !“. Et il est bien logique que si nous désirons “voir Dieu“, nous devons prendre déjà les moyens qui nous conduisent à cette vision céleste.

Et parmi ces moyens,

+ Il y a d’abord la prière liturgique, et principalement, au cœur de cette prière, l'Eucharistie qui célèbre, chante proclame la présence même de Dieu en Jésus Christ. Jamais nous ne sommes plus près de Dieu que lorsque nous entendons le Célébrant dire : “Ceci est mon Corps !“. Nous ne mesurons pas suffisamment alors que le ciel descend sur terre. C'est une continuation du mystère de l'Incarnation et du mystère de Pâques ! Avec l'Eucharistie, c'est tout à la fois Noël et Pâques ! Ce que Dieu dit, il le fait en même temps, toujours, comme aux jours de la Création, selon le livre de la Genèse. Mais, là, ce que Dieu fait, il nous le dit ! Et cette présence divine accommode peu à peu l’œil de notre foi qui perçoit déjà ce que l’œil charnel ne peut voir ici-bas !
Et tout le reste de la liturgie ne prend de valeur que par rapport à cette “vision de foi“. Toute la liturgie est centrée sur cette “contemplation de Dieu“ qui se rend présent à nous !

+ Un des grands moyens, à la suite de la liturgie, est l’écoute et la proclamation de la "Parole de Dieu" (dans toute la Bible). Personnellement, j’aime bien cette expression que l’on trouve surtout à la fin du Deutéronome : Quand Moïse transmettait la “Parole de Dieu“, il parlait, est-il dit, “sur les lèvres de Dieu“ (al pi Adonaï). Et si nous prenions conscience de cette place éminente que nous avons quand nous lisons ou - bien davantage - quand nous proclamons la “Parole de Dieu“ ! Finalement la table de la Parole est aussi importante que la table eucharistique. Si nous en prenions suffisamment conscience !

+ Mais il y a encore bien d’autres moyens qui nous préparent à “voir Dieu“. Il y a, bien sûr, la Prière personnelle sous toutes ses formes. Par ce moyen, le chrétien appelle Dieu à “demeurer“ déjà en lui… Beaucoup, parmi ceux que la vie accapare, connaissent ce que l’on appelle couramment “la prière du pèlerin russe“ : cette élévation de tout son être vers Dieu de façon extrêmement courte mais fréquente. Et, très souvent, j'ai constaté qu'à ceux qui s'adonnent à cette prière simple et facile, Dieu se fait, un jour ou l’autre, très proche !

+ Et puis, il ne faut surtout pas exclure de notre “vie contemplative“ ici-bas nos diverses activités elles-mêmes. Elles peuvent nous préparer à “voir Dieu comme il nous voit sans cesse“, si nous savons les accomplir en union avec Dieu. Les affaires très temporelles peuvent devenir spirituelles. A une responsable de Communauté qui se plaignait fort des tracas matériels de sa charge, Ste Catherine de Sienne - une contemplative qui fut parfois très active - répondit : “Les choses ne sont temporelles qu’autant qu’on le veuille bien. Vous trouvez votre activité bien temporelle ! Rendez-la spirituelle avec l’Esprit-Saint en vous !“  Avec l'Esprit-Saint en vous !  Tout est là !

Ici-bas, nous avons donc des moyens qui nous préparent à la contemplation de “Dieu face à face“. Ce sont des moyens très précieux ! Mais il ne faut jamais prendre un moyen pour une fin. C’est fréquent cela, même chez des Religieux ! C’est ce que j’appelle facilement “l’inversion sacrilège“ : mettre l’homme avant Dieu. Le péché d'orgueil, toujours ! Les moyens disposent à recevoir Dieu, nous préparent à la vision de Dieu. Mais Dieu seul donne Dieu !

Et St Jean va ensuite insister sur le grand moyen de la “Vie contemplative“, qui, immanquablement, nous prépare à “voir Dieu“ : la charité fraternelle, essayer d’aimer comme Dieu aime, à l'exemple du Christ lui-même. Si nous nous essayons d’aimer vraiment de cette façon, alors "Dieu demeure en nous !". Dieu se laisse déjà voir !

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