Jeudi ap. Epiphanie (I
Jn 4.11-18)
"Dieu, personne ne l’a jamais vu !
Mais, si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous !". Ainsi
donc, Il nous faut nous exercer à aimer, mais à aimer de l’amour même de
Dieu. Ce qui parfois et même souvent très différent de l'amour humain ! “Aimez-vous les uns
les autres comme je vous ai aimés“, disait Jésus. Et le
Christ nous a aimés de l’amour même qu’il recevait de son Père dans l’Esprit
Saint. "Nous
reconnaissons, ajoute St Jean, que nous demeurons en Dieu, et lui en nous,
à ce qu'il nous donne part à son Esprit !".
La
première réflexion de l'apôtre est importante : “Dieu, personne ne
l’a jamais vu, contemplé !“. Et c’est vrai ! La
contemplation de Dieu en plénitude, ce sera pour "le Jour", "le Jour
Unique" (héb. : erad), comme disent le
prophète Zacharie et l'Apocalypse, c'est-à-dire "le Jour éternel",
comme nous disons facilement. Ce sera entrer dans le "Jour de Dieu" !
Alors, “nous
le verrons tel qu’il est, comme lui nous voit sans cesse !“.
Et
pourtant, nous parlons de la "Vie contemplative" des moines, moniales,
des prêtres ou de tel ou tel chrétien : “C’est un contemplatif“,
dit-on alors. Mais il faut s’entendre. La “vie contemplative“ ici-bas ne
procure pas la “vision“ de Dieu ; elle donne des moyens qui nous
préparent, qui nous forment à la plénitude de la contemplation au
ciel : “Voir Dieu comme il nous voit !“. Et il est bien logique que
si nous désirons “voir Dieu“, nous devons prendre déjà les moyens qui nous
conduisent à cette vision céleste.
Et
parmi ces moyens,
+ Il y a d’abord la prière liturgique,
et principalement, au cœur de cette prière, l'Eucharistie qui célèbre, chante
proclame la présence même de Dieu en Jésus Christ. Jamais nous ne sommes plus
près de Dieu que lorsque nous entendons le Célébrant dire : “Ceci est mon Corps !“. Nous ne
mesurons pas suffisamment alors que le ciel descend sur terre. C'est une
continuation du mystère de l'Incarnation et du mystère de Pâques ! Avec
l'Eucharistie, c'est tout à la fois Noël et Pâques ! Ce que Dieu dit, il le
fait en même temps, toujours, comme aux jours de la Création, selon le livre de
la Genèse. Mais, là, ce que Dieu fait, il nous le dit ! Et cette présence
divine accommode peu à peu l’œil de notre foi qui perçoit déjà ce que l’œil
charnel ne peut voir ici-bas !
Et tout le reste de la liturgie ne prend de
valeur que par rapport à cette “vision de foi“. Toute la liturgie est centrée
sur cette “contemplation de Dieu“ qui se rend présent à nous !
+ Un des grands moyens, à la suite de la
liturgie, est l’écoute et la proclamation de la "Parole de Dieu"
(dans toute la Bible). Personnellement, j’aime bien cette expression que l’on
trouve surtout à la fin du Deutéronome : Quand Moïse transmettait la
“Parole de Dieu“, il parlait, est-il dit, “sur
les lèvres de Dieu“ (al
pi Adonaï).
Et si nous prenions conscience de cette place éminente que nous avons quand
nous lisons ou - bien davantage - quand nous proclamons la “Parole de
Dieu“ ! Finalement la table de la Parole est aussi importante que la table
eucharistique. Si nous en prenions suffisamment conscience !
+ Mais il y a encore bien d’autres moyens
qui nous préparent à “voir Dieu“. Il y a, bien sûr, la Prière personnelle
sous toutes ses formes. Par ce moyen, le chrétien appelle Dieu à “demeurer“
déjà en lui… Beaucoup, parmi ceux que la vie accapare, connaissent ce que l’on
appelle couramment “la prière du pèlerin russe“ : cette élévation
de tout son être vers Dieu de façon extrêmement courte mais fréquente. Et, très
souvent, j'ai constaté qu'à ceux qui s'adonnent à cette prière simple et
facile, Dieu se fait, un jour ou l’autre, très proche !
+ Et puis, il ne faut surtout pas exclure
de notre “vie contemplative“ ici-bas nos diverses activités elles-mêmes.
Elles peuvent nous préparer à “voir Dieu comme il nous voit sans cesse“, si
nous savons les accomplir en union avec Dieu. Les affaires très temporelles
peuvent devenir spirituelles. A une responsable de Communauté qui se plaignait
fort des tracas matériels de sa charge, Ste Catherine de Sienne - une contemplative
qui fut parfois très active - répondit : “Les
choses ne sont temporelles qu’autant qu’on le veuille bien. Vous trouvez votre
activité bien temporelle ! Rendez-la spirituelle avec l’Esprit-Saint en
vous !“ Avec
l'Esprit-Saint en vous ! Tout est là !
Ici-bas, nous avons donc des moyens qui
nous préparent à la contemplation de “Dieu face à face“. Ce sont des moyens
très précieux ! Mais il ne faut jamais prendre un moyen pour une fin.
C’est fréquent cela, même chez des Religieux ! C’est ce que j’appelle facilement
“l’inversion sacrilège“ : mettre l’homme avant Dieu. Le péché d'orgueil,
toujours ! Les moyens disposent à recevoir Dieu, nous préparent à la vision de
Dieu. Mais Dieu seul donne Dieu !
Et St Jean va ensuite insister sur le grand
moyen de la “Vie contemplative“, qui, immanquablement, nous prépare à “voir
Dieu“ : la charité fraternelle, essayer d’aimer comme Dieu aime, à
l'exemple du Christ lui-même. Si nous nous essayons d’aimer vraiment de cette
façon, alors "Dieu demeure en nous !". Dieu se laisse déjà
voir !
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