Baptême de
Notre Seigneur 14/B
Nous sortons à peine des fêtes de Noël ; et la liturgie de ces
derniers jours, en nous invitant à célébrer la "Sainte Famille" et l'"Epiphanie",
nous gardait sous le charme de l'"Enfant-Jésus" !
Aujourd'hui, avec les premiers versets de St Marc, il y a véritablement
un changement ! L'annonce de la "Bonne Nouvelle" commence avec le
récit du "Baptême de Jésus" par Jean-Baptiste ! Cette fois,
pour Jésus, le passage au Jourdain est comme une "nouvelle
naissance".
- Il est l'homme parfait qui émerge des eaux pour
s'adresser aux autres hommes.
- Il est surtout l'ambassadeur du Père, qui, après avoir reçu,
pour ainsi dire, ses "lettres de créance", va commencer son
ministère !
Oui, le Baptême pour Jésus, fut en quelque sorte "un nouveau
départ", comme une "nouvelle naissance"... "A cette époque,
Jésus, venant de Nazareth, ville de Galilée, se fait baptisé par Jean dans le
Jourdain" (Mc 1-9).
C'est ainsi que, dans les premiers versets de son récit, St Marc
n'a pas peur de nous rappeler que Jésus s'est soumis à un baptême de repentance
! Et nous pouvons y voir comme une continuation de l'Incarnation. Car Jésus se
veut tout à fait "solidaire" de ce peuple qu'il vient sauver. "Bien que sans péché, il s'est
identifié au péché", dira St Paul, pour racheter les hommes du
péché.
Oui, Jésus descend dans ce fleuve dont le nom "Jourdain"
veut dire "descente". Il descend en ce fleuve qui descend des monts
de l'Hermon (2.800 m) jusqu' au lieu le plus bas du globe, lieu des habitants
de Sodome et Gomorrhe dont les péchés ont été ensevelis sous les eaux de la Mer
Morte (- 400 m). Il descend dans ce fleuve "descente" pour prendre
sur Lui les péchés de Sodome et de Gomorrhe c'est-à-dire du monde entier et renaître
à Dieu, pour Dieu et avec tous les hommes ! Lui, de condition
divine, dira encore St Paul, il n'a pas craint de s'anéantir, prenant la
condition de l'homme, et de l'homme pécheur !
Ainsi son enfouissement dans les eaux du Jourdain exprime à quel
point il est en lien avec ceux qu'il est venu sauver. Ce Baptême de repentance
est un geste d'amour rédempteur envers les hommes, et les hommes les
plus pauvres, les plus pécheurs.
Dès lors, pendant tout son itinéraire terrestre, Jésus ne sera
jamais l'homme qui reste sur la rive, comme un spectateur. Il ira, il sera toujours
avec les pauvres, les malades, les pécheurs ! Il est comme l'un d'entre eux ! Les
plus grands commentateurs des évangiles ont qualifié l'attitude de Jésus envers
les derniers des exclus, les déshérités de toutes sortes par des expressions
très imagés.
Il avait :
- "un intérêt inédit pour
ce qui est perdu" (l'anglican Dodd + 1973)
- "une
préférence pour les déshumanisés" (Léonardo
Boff, Brésilien + 1080)
- "une
tendance à aller vers le bas" (Bloch +
1955)
- "une prédilection
pour les faibles" (Manuel
Fraijo, Jésuite espagnol)
- "une
vie en mauvaise compagnie", faisant bon accueil aux exclus de toutes sortes, aux publicains,
prostituées... etc
Bien sûr, nous savons tout cela "intellectuellement"...
! Mais que de réflexions seulement, de démarches missionnaires auraient, de nos
jours, à s'inspirer du geste du Christ ! Nous sommes parfois si peu
"solidaires" de nos frères, ces exclus humainement ou
spirituellement, alors que nous prétendons - pourtant - vouloir les voir
"naître", "renaître" à Dieu !
On ne convertit pas avec de bonnes intentions, avec des
raisonnements assenés avec quelque suffisance... A la suite de Jésus et de tous
les missionnaires (tel Siméon Berneux, fêté en notre diocèse), à la suite d'une
carmélite, telle Ste Thérèse de Lisieux, on ne convertit que ceux qu'on aime.
Si le chrétien n'est pas en pleine sympathie (au sens propre du monde :
"souffrir avec") avec le monde, s'il n'éprouve pas en lui-même les
aspirations, les anxiétés du monde, s'il ne laisse pas grandir en son être le simple
sens humain, jamais il ne réalisera en lui-même la symbiose avec le Christ.
Parce que le Christ est le "médiateur entre le Ciel et la terre" (Teilhard de Chardin), entre ce qui est au plus élevé (Dieu) et ce qui est au plus bas (l'homme pécheur).
Oui, on ne convertit que ceux qu'on aime..., même s'ils nous
apparaissent, au premier abord, peu sympathiques. Oh ! Certes, nous songeons
souvent à "convertir nos frères" ! Mais, sommes-nous descendus, comme
le Christ, avec eux, dans les eaux du Jourdain... pour pouvoir les aimer
véritablement tels qu'ils sont et là où ils en sont, avec leurs défauts !
Oui, Jésus est bien descendu au plus bas du monde !
Mais alors, "du Ciel,
une voix se fait entendre : C'est Toi, mon Fils bien-aimé ; en Toi j'ai
mis tout mon amour !". Et Jésus "voit
le Ciel se déchirer et l'Esprit descendre sur Lui comme une
colombe". (Mc1.lO)
Ces images, j'en conviens, doivent nous déconcerter ; notre siècle
est davantage friand de formules scientifiques que de vision qui semble
poétique ! Pourtant, à cause de cela,
allons-nous passer à côté de cette présence de l'Esprit, si vitale pour
la vie du Christ et la nôtre ?
Ici, comme au début de la Création où l'Esprit planait sur les eaux
.., comme au temps de l'Annonciation à Marie, l'Esprit de Dieu est présent
au baptême de Jésus !
Et l'Esprit, c'est toujours l'Esprit des commencements, des
"nouveaux départs", de toutes les naissances... L'Esprit est une
force divine qui fait naître, surgir, vivre ! C'est Celui dont la prophétie
d'Isaïe avait annoncé la venue : "Voici
mon serviteur que je soutiens, mon Elu que j'ai moi-même en faveur, j'ai mis
mon Esprit en lui" (Isaïe 42;1).
Oui, le Baptême de Jésus révèle en quelque sorte sa mission et
celle de l'Esprit-Saint : pour sauver les hommes, le Père leur envoie son Fils
Unique, pour qu'il en fasse d'autres fils guidés, animés comme Jésus, par l'Esprit-Saint
qui peut "renouveler la face de la
terre", qui peut "renouveler
toutes choses", Ce sera ce même Esprit qui agira en Pierre, Paul, les
Apôtres .., et en chaque chrétien pour annoncer le Règne de Dieu.
C'est l'occasion de nous demander : l'Esprit-Saint a-t-il
encore une place dans notre vie de disciples de Jésus ou est-il devenu le
grand absent ? Nous aide-t-il dans la vie concrète à nous situer comme des fils
de Dieu qui aiment à prendre sans cesse de "nouveaux départs", opérer
des "naissances" permanentes ?
Notre Baptême, pensons-nous parfois, appartient au passé ... Alors
que des joies, des peines, des évènements petits ou grands, de nouvelles
situations pourraient nous amener à "naître à nouveau", à prendre
un nouveau départ, avec l'Esprit de Dieu !
"Moi,
le Seigneur, dit Dieu par le prophète Isaïe, je t'ai appelé selon la justice,
je t'ai pris par la main…" (Is. 42.6)
C'était vrai pour le peuple juif, exilé à Babylone ...
C'était vrai pour Jésus, le premier d'entre les hommes, sur les
bords du Jourdain.
C'est vrai encore pour nous, depuis notre baptême.
Que l'Esprit-Saint vienne sur nous tous, ce matin, et nous
incite dans un nouveau départ, à proclamer chaque jour par notre vie : "Un
Seul Seigneur, une Seule Foi, un Seul Baptême, un Seul Dieu et Père !".
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