T.O. 27e
Dimanche
"Frères,
ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l'action de grâce,
priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes". A première vue, cette formule de
Paul paraît étonnante. Il s'adresse à une communauté en difficulté, une
communauté persécutée et voilà qu'il insiste sur la paix du cœur.
Mais n'est-ce pas c'est l'écho même de la parole du Seigneur après
sa résurrection : "Ne craignez pas,
c'est moi". C'est une invitation à s'en remettre à la puissance
invraisemblable du Seigneur qui nous entoure de partout et qui commande notre
vie, malgré, parfois, les contradictions apparentes. [Et aujourd'hui, elles
semblent bien nombreuses !]
Car "Dieu est
Amour", aimait à répéter St Jean. Et il y a même beaucoup de psychologie
amoureuse dans la portrait passionné que l'Ecriture nous donne de Dieu. Le
cantique d'Isaïe est tellement une déclaration d'amour : "Mon bien-aimé avait une vigne…" - Oui, Dieu crée, ne cesse de créer; Dieu a
choyé sa vigne et ne cesse pas de la choyer. Dieu a donné la terre et le monde
entier, notre intelligence et nos sens, la beauté et le plaisir. Tout ! Il nous
donne tout. Car "Dieu est amour",
non pas comme un bienfaiteur condescendant ou supérieur. Dieu est Amour par un
immense désir qui veut tout nous donner et nous construire nous-mêmes "à son image et ressemblance".
Oui, entre Dieu et nous, c'est une histoire d'amour comme il est dit dans le
chant de la vigne du prophète Isaïe…
Mais nous refusons parfois, souvent même, cet amour qui veut nous
rendre saints, nous attacher à tout ce qui est "pur et juste, comme dit Paul, à tout ce qui est digne d'être aimé et honoré, tout ce qui s'appelle
vertu et qui mérite des éloges…".
Oui, nous refusons, et cela va jusqu'à tuer en nous-mêmes l'Envoyé de
Dieu, son propre Fils que nous jetons hors de cette vigne que Dieu a planté
pour nous.
Et Matthieu, aujourd'hui, nous livre, dans sa parabole, le mystère
de cette vigne. Nous y trouvons ce refus constant au cœur de l'homme d'accepter
le mystère du Seigneur et de s'engager. Les vignerons qui ne sont que des
serviteurs sont impitoyables face à leur maître. Ils tuent ceux qui arrivent
pour travailler à cette vigne, jusqu'au Fils. Voilà pourquoi Jésus conclut : "La pierre qu'ont rejetée les
bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C'est là l'œuvre du Seigneur,
merveille à nos yeux". La pierre rejetée, la pierre méprisée, la
pierre qu'on met de côté sans qu'on s'occupe d'elle : voilà le mystère du
Seigneur pour le bien de sa vigne.
Il n'y a pas de plus grande chose à annoncer : "La pierre qu'ont rejetée les
bâtisseurs est devenue la pierre d'angle". Cette pierre, c'est le
Christ, cette pierre qu'on a rejetée, qu'on rejette avec mépris comme si le
Christ n'avait aucun sens. Mais le Christ est devenu, devient la pierre qui
donne sens à tout. Elle est "l'œuvre
de Dieu, une merveille à nos yeux".
Comme Isaïe, nous devons chanter le chant de la vigne : "Je chanterai pour mon ami le chant du
bien-aimé à sa vigne". Cette vigne que le Seigneur a faite, c'est le "Corps
du Christ" - tête et membres -. Sans lui nous ne pouvons rien faire. Nous
sommes les sarments du cep, comme dit Jésus par ailleurs, nous sommes les
sarments que Dieu veut absolument pour sa vigne. Le Seigneur nous demande
d'entrer dans ce mystère de participation à sa vigne, de porter du fruit, du
fruit en abondance. Nous avons à être le fruit de la vigne que le Seigneur a
cherché tout au long de l'Ancien Testament et qu'il n'a pas suffisamment
trouvé. "Il en attendait de beaux
raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?".
Nous avons à demander d'être dans le Christ des êtres baptisés,
c'est-à-dire des êtres qui s'appuient sur cette pierre angulaire pour que
l'édifice grandisse. Nous sommes des êtres pris pour cette œuvre, pour cette
construction. La vie chrétienne n'est pas simplement une pratique plus ou moins
développée. C'est l'expérience du Royaume de Dieu, de ce Royaume qui nous est
donné, de cette pierre qui est vraiment la pierre angulaire, la pierre du
sauvetage du monde. Le monde est bâti sur la pierre angulaire, et quand le
Seigneur a construit le monde, c'est dans le Christ qu'il a tout construit. "Tout fut par lui", dit St
Jean.
Demandons au Seigneur d'entrer dans ce mystère de construction de
l'Eglise - "Corps mystique du Christ", comme on l'a dit -, de
participer à cette construction et, pour que cela se fasse, de croire vraiment
que la construction de l'Eglise est quelque chose d'inouï, que c'est la réalité
première.
Par-delà toutes les apparences contradictoires à travers le monde,
autour de nous et parfois en nous-mêmes, par-delà tous les empires et tous les
états, ce qui compte dans le mystère de Dieu, c'est la construction sur cette
pierre angulaire, le Christ. Il n'y a rien d'autre. Le Seigneur n'a d'yeux que
pour cela, il n'a d'yeux que pour son Fils.
Demandons-lui de nous voir dans son Fils, de nous regarder dans
son Fils, alors nous pourrons nous aussi le regarder dans son Fils. Ce sera
notre joie, noire paix, et le Seigneur nous prendra au plus profond de
nous-mêmes et nous serons un peuple qui porte du fruit, un fruit qui demeure,
le fruit de la charité, le fruit de la Vie éternelle.
Oui, Dieu crée, ne cesse de créer, de planter sa vigne à nous
donnée, transmise… En somme, Dieu n'a
jamais cessé, et apparemment il ne cesse pas encore maintenant d'aimer sa vigne
et de s'en plaindre, de la choyer et de la détruire, d'en espérer et d'en être
déçu.
Cela vaut du peuple d'Israël, dans la prophétie d'lsaïe, cela vaut
des contemporains de Jésus, et cela vaut, aujourd'hui de l'Eglise et, pour en
venir à quelque chose de plus personnel, cela vaut de vous et de moi.
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