dimanche 28 septembre 2014

Repentir - miséricorde divine - Pardon

T.O. 26 Dimanche - 

Pour la plupart d'entre nous, nous commençons par répondre à Dieu comme le second des deux fils que l'évangile nous présente aujourd'hui. Nous lui disons : oui ! Comment pourrions-nous faire autrement ? Nous nous sentons responsables et du côté de ceux qui sont généreux pour s'engager pour Dieu, pour son Royaume. Il existe en nous, depuis toujours peut-être, comme un réflexe de générosité, que nous tenons presque comme un bien héréditaire, transmis de père en fils, et qui nous autorise, semble-t-il, à nous classer, sans examen véritable, du côté du bien, du côté de ceux qui se dévouent pour la bonne cause.

Mais cette générosité, apparemment sans faille, ne suffit pas à Jésus ; à cette droiture, presque naturelle, il manque quelque chose. Cette droiture naturelle est trop consciente d'elle-même, s'appuie sur elle-même, mais se referme aussi sur elle-même. Elle ne s'est pas encore heurtée à ses propres limites, n'a pas encore fait le tour de ses impossibilités. Elle ne s'est pas encore brisée dans un échec.

C'est pourquoi Jésus insiste sur le premier des deux fils : celui qui a commencé par faillir et dont la vie restera à jamais marquée par cet échec initial. Celui dont la générosité a été blessée dès le début, et qui a dû rentrer petitement, pauvrement, par la porte du repentir. Celui qui a dû se tenir devant Jésus, brisé dans son amour-propre et mendiant le pardon. C'est sur cette attitude que Jésus insiste : l'attitude de celui qui a commencé par dire non, mais qui, s'étant repenti, est allé quand même, comme à la dérobée, travailler dans la vigne.

Ceux qui ont trouvé la porte du repentir n'ont plus de générosité à eux. Toute leur générosité vient désormais du regard de pardon que le Seigneur, un jour, a posé sur eux. Et ceux-là savent ; ceux-là peuvent, ceux-là osent. Ils sont désormais les premiers : Zachée, le publicain ; Marie, la pécheresse ; et ce merveilleux inconnu que nous vénérons sous le vocable du bon larron. Ayant trouvé la porte du repentir, ils nous précèdent dans le Royaume.

Trouver la porte du repentir, ce n'est pas seulement un chemin qui nous conduit vite au Royaume de Jésus.  Mais c'est le seul chemin. Il n'y en a pas d'autre. Il nous faut tous passer par la porte du repentir, tôt ou tard, sans quoi il n'y aurait pas de part pour nous au Royaume, comme pour Pierre qui s'entêtait à ne pas vouloir être lavé par Jésus, au soir du Jeudi Saint. Il nous faut prendre garde, nous aussi, de ne pas nous entêter dans notre générosité, de ne pas demeurer prisonnier de nos œuvres, de notre bonne volonté, de nos réussites. Jésus ne peut pas nous abandonner ainsi à notre seule générosité. Il s'ingénie à nous sauver, à organiser notre vie de telle façon qu'il ne nous reste que peu de choses pour nous glorifier, et même que tout semble perdu pour nous, qu'il n'y ait plus que sa miséricorde.

Nous résistons longtemps à cette "ruse divine", si je puis dire. Nous voudrions sauver la face, mais un jour, au moment où notre générosité coutumière vient de nous trahir une bonne fois, nous nous retrouvons soudain dans le champ de la miséricorde, mêlés aux derniers des pécheurs, à ceux et celles qui précéderont les justes au Royaume. C'est alors seulement que nous savons vraiment rendre grâces et pleurer de joie en reconnaissant l'amour infini de Dieu.

Le saint Curé d’Ars avait bien compris cela : “Le plus grand plaisir de Dieu est de nous pardonner !“ - “Ce n’est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon ; mais c’est Dieu lui-même qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui !“. - “Nos fautes, disait-il encore, sont des grains de sable à côté de la grande montagne des miséricordes de Dieu !“. Dieu est comme le berger qui porte la brebis retrouvée ; bien plus, il devient, en Jésus, l’agneau qui porte le péché du monde !

Croire à l'infinie miséricorde de Dieu, à son pardon absolu, c'est notre seul salut ! Nous sommes si faibles, pauvres, pécheurs ; nous sommes tellement "pure vacuité", disait le P. Sertillanges, que Dieu est notre seul recours, selon l'expression des psaumes ! Dieu faisait comprendre à Catherine de Sienne : Tu es celle qui n'est pas ; je suis Celui qui suis ! Si tu gardes en ton âme cette vérité, jamais l'ennemi ne pourra te tromper ; tu échapperas à tous ses pièges, tu acquerras sans difficulté toute grâce, toute vérité, toute clarté !".

Ce qui est merveilleux dans la Bible, c'est que Dieu prend toujours les hommes tels qu'ils sont et là où ils en sont. Et, grâce à son pardon incessant, gratuit, il les amène peu à peu à la perfection, à cette perfection d'être "à son image, à sa ressemblance", dès maintenant et pour l'éternité !

Cependant, il faut souligner que l’’Evangile nous montre ce que la prise de conscience du don et du pardon de Dieu pour chacun de nous doit avoir pour conséquence : nous devons être pour les autres ce que Dieu est pour nous ; nous comporter avec les autres avec la même gratuité que Dieu a manifestée pour nous !
Nous avons tous des sentiments de culpabilité qui continuent à traîner au fond de notre conscience ; le meilleur moyen de les exorciser est de nous comporter pour le prochain comme Dieu s’est comporté avec nous. “Lorsque tu vas présenter ton offrande à l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens  présenter ton offrande”. (Mt 5, 23-24). "Dieu pardonne beaucoup, a-t-on dit, sauf à ceux qui ne savent pas pardonner !". Et le Saint Curé d’Ars disait encore de façon assez catégorique : “Le Bon Dieu ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné : c’est la loi !“.

Je crois que nous avons tous un effort à faire pour rétablir la hiérarchie des valeurs. Les meilleurs auteurs spirituels disent que le meilleur moyen de se débarrasser des scrupules et de nous faire pardonner les fautes que nous commettons tout au long de notre existence, est d’adopter pour les autres le comportement de bienveillance, d’accueil, et de gratuité de Dieu à notre égard, de faire pour eux ce que Dieu a fait pour nous. C'est alors que nous ressemblons à Dieu. Car si l'erreur, la faute sont humaines, le pardon, lui, est divin.

Ceux qui pardonnent véritablement sont souvent des êtres qui ont été eux-mêmes blessés. Mais, plutôt que d’étendre la contagion du mal qu’on leur a fait, ils l’arrêtent à eux-mêmes ! Ils en épuisent le venin. Au lieu de garder des poings serrés prêts au pugilat, ils ouvrent les mains pour toute générosité. Et la bonté finit par submerger la souffrance et la rancune.
Cette “transmutation“ qui s’accomplit souvent dans le secret est l’acte à la fois le plus humain et le plus divin…, le plus rédempteur ! Ceux qui pardonnent, non seulement transfigurent leurs propres blessures grâce au rayon divin du soleil de Pâques, mais contribuent à guérir la plaie qui court toujours sur le visage de l’humanité et qui la défigure depuis les origines : la violence ! 

Le repas eucharistique où le Seigneur nous accueille est d'abord celui des pauvres, des pécheurs pardonnés. Ceux qui sont encombrés de leur générosité, de leurs œuvres se sont déjà excusés ; le Seigneur les renvoie les mains vides. Mais ceux qui crient du fond de leur misère, et qui, malgré cette misère, gardent soif de sainteté, le Seigneur les accueille et les comble de son amour. C'est le seul acte chrétien qui sauve !

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