lundi 22 septembre 2014

Projet et contre projet !

T.O. 15 Lundi - Ecouter, voir le projet de Dieu

On le sait : les livres sapientiaux ont recueilli les sentences que la mémoire d'un "peuple de l'oreille" a glanées au cours de son histoire mouvementée, en réfléchissant à son passé religieux et au contact de diverses civilisations.

Ces livres émettent souvent des recommandations pour un "bien-vivre-ensemble". Et nombre d'entr'elles peuvent être encore observées avec grand bénéfice. On peut dire que c'est la sagesse des anciens qui nous est transmise, à l'exemple d'un père de famille très aiment à l'égard des siens : "Mon fils, est-il dit, n'oublie pas mon enseignement" qui n'est finalement que l'enseignement de Dieu, de la Loi divine !

Jésus ne nous présente-t-il pas Dieu lui-même comme un Père très aimant, comme véritablement "Notre Père" !
Et St Benoît en transmettant ses consignes (sa "Règle") commence ainsi : "Ecoute, ô mon fils ; tends l'oreille de ton cœur !".

Et c'est dans ce même esprit qu'il faut accueillir les sentences de l'évangile, comme celle que nous avons entendue et qui, de prime abord, est quelque peu déconcertante : "Soyez attentifs à la manière dont vous écoutez, car, si quelqu'un possède, on lui donnera ; et si quelqu'un ne possède rien, on lui enlèvera même ce qu'il croit posséder !".

La formule semble exprimer finalement une expérience de tous temps, de tous lieux : il faut faire valoir son bien sous peine de le perdre. "C'est en forgeant que l'on devient forgeron", disons-nous. Faute de travailler, le risque est grand de tout perdre. Et cette sentence se vérifie en tous domaines : matériel, artistique, intellectuel... et aussi, et surtout peut-être, dans le domaine spirituel.

Car en notre évangile, il est fait référence à un bien spirituel qui nous est donné pour éclairer notre vie : la lampe dont il est question, n'est-elle pas la lumière de la foi, cette "Lumen fidei" dont nous a magnifiquement parlé le pape François en son encyclique. Cette "Lumière" nous a permis, nous permet de "rencontrer Dieu" - je dirais de "faire l'expérience intime de Dieu" -, de rencontrer Dieu et de rencontrer nos frères en Jésus, Dieu fait homme.
Et si nous ne tenons pas ferme en cette foi, en cette "rencontre avec Dieu", nous ne pourrons nous maintenir, disait déjà le prophète Isaïe (7.9) dans un jeu de mots célèbre que rappelle le pape (ta'aminu - ta'aménu) : "Si vous ne tenez pas fermes (dans la foi) vous ne pourrez tenir", vous ne vous maintiendrez pas !
Et le prophète dira de ceux qui, finalement, laissent de côté la lampe de la Lumière divine :
- Ils regardent sans regarder : ce sont des aveugles, totalement !
- Ils entendent sans comprendre : ce sont des sourds totalement !
Oui, ils ont tout perdu. "Celui qui ne possède rien, disait St Luc, qui ne possède plus cette lumière, on lui enlèvera même ce qu'il croit posséder". Car, déjà, il n'a plus rien !

Aussi, St Marc, dans un contexte semblable (parabole du semeur) conclura : "Faites donc attention à ce que vous entendez" (4.23). Et pour St Marc, l'objet de l'attention, c'est l'enseignement du Seigneur, sa Parole, qui exige grande attention. St Luc nous dit aujourd'hui : "Faites donc attention à la manière dont vous écoutez !"

Si tous les évangélistes insistent ainsi sur la façon d'écouter, sur la manière d'accueillir la "Lumière" de Dieu - la foi -, c'est qu'il y a grand danger de distraction, - de "divertissement", disait Pascal -, danger d'autant plus grand qu'il peut être sournois, danger de tout perdre.

Toute la Bible nous avertit. Il suffit de remonter au début de l'humanité pour s'en convaincre.
Vous savez sur quel fond de tableau commence l'histoire d'Abraham,  notre "Père dans la foi"..., c'est-à-dire l'histoire de chacun de nous :
L'humanité - l'homme créé pourtant "à l'image de Dieu" - s'est comme désintéressée de Dieu, n'a pas écouté, et même a élaboré comme une sorte de contre-projet à celui de Dieu. Il y a un symbole extrêmement impressionnant, dans la Bible, que l'on retrouve tout le temps : "faire des briques !". "Faisons des briques et construisons une tour...". C'est la fameuse tour de Babel. "Faisons des briques !" (nilbenah levenim) (Gen 11.3). On retrouve cela avec les pyramides d'Égypte.

Dieu a éternellement un projet ; il met l'homme en marche vers une ville dont il est, Lui seul, "l'architecte et le fondateur" (Heb 11.10) ; et cette ville sera faite de pierres précieuses, dit St Jean. - C'est la Jérusalem nouvelle décrite par l'Apocalypse (Apoc 21.11sv), cette "Jérusalem", but de notre pèlerinage terrestre !
Et au lieu d'écouter, de rentrer dans le projet de Dieu avec enthousiasme, foi, espérance et amour, l'homme élabore des contre-projets : il "fait des briques !".
On est fait pour les épanouissements de la fécondité (humaine et divine tout à la fois) et voilà que nous tombons dans les esclavages de la production : "faire des briques !" Et encore des briques !
Or, nous sommes tous tentés d’échanger cette logique de fécondité contre la production, l’esclavage de la production : "faire des briques" !

Et on peut faire des briques en étant curé, par exemple si on ne pense qu'à ce que l'on fait, à ce que l’on élabore, à ses plans, ses idées, ses projets et que l’on oublie de... prier tout simplement ! Au lieu de mettre Dieu au centre !

On peut "faire des briques" quand on prêche, quand on "fait" des "retraites" ; on est tellement pris par son action, son art oratoire, ses idées, par le plan des prédications diverses… etc, ce qui est, certes, très nécessaire. Mais, en fait, on risque toujours d'élaborer son système à soi et d'adorer l’œuvre de ses mains..., de sa tête, de son intelligence !

On peut "faire des briques" lorsque l'on est moine, moniale, de faire grande attention à la manière de chanter (si nécessaire), mais en oubliant finalement de louer Dieu véritablement (même s'il y a quelques fausses notes !)... Il y a une façon d'organiser ses journées, son travail en observant parfaitement la "Loi", les préceptes, les traditions, comme les pharisiens au temps de Notre Seigneur, et d'oublier de reconnaître Dieu en toutes choses !
Bref, on peut admirer, promouvoir la beauté architecturale de sa cathédrale en oubliant totalement le Saint-Sacrement !
C'est ce que j'appelle facilement "l'inversion sacrilège" ! On oublie Dieu !

Et alors que ce passe-t-il ? Au lieu de remonter vers son Créateur dans un grand élan d'action de grâces, de convergence eucharistique où il trouve son harmonie, l'homme retombe dans le chaos, dans la multiplicité du chaos qui disperse, distrait et nous entraîne au néant. C'est l'histoire de la tour de Babel à répétition.

Aussi St Luc nous redit aujourd'hui : "Soyez attentifs à la manière dont vous écoutez, car, si quelqu'un possède, on lui donnera, et si quelqu'un ne possède rien, on lui enlèvera même ce qu'il croit posséder !".

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