Pentecôte
13/C
"Sans
le Saint-Esprit..., disait en 1972 le patriarche Athénagoras...
Sans le Saint
Esprit, Dieu est lointain, Jésus est dans le passé et l'Evangile reste lettre
morte...
Sans le Saint
Esprit, l'Eglise n'est qu'une simple Association, l'autorité une forme de
domination, la mission une vulgaire propagande...
Sans le Saint
Esprit, la liturgie est une conjuration des esprits, et la vie chrétienne une
morale esclavagiste...".
Oui, "sans
le Saint-Esprit", l'Eglise, toute communauté religieuse, toute famille
chrétienne ne revêtent qu'un caractère humain, vouées à l'échec, voire au chaos
et à l'anéantissement.
Mais qui est donc l'Esprit Saint ? Et d'abord pourquoi toujours traduire le
latin “spiritus sanctus” (ou le grec “pneuma agion”) par “Esprit-Saint”
? Ce serait plus beau et plus juste, me semble-t-il, de traduire par : “Souffle
saint”.
Si Dieu est à l'origine de tout, je comprends bien
que l'on puisse l'appeler “Père”. S'il est ce Dieu qui a tout partagé de notre
vie comme un frère, lui qui nous a révélé son Père, j'aime bien reconnaître en
lui le “Fils”. Mais s'il est ce Dieu qui demeure en nous et nous donne la vie,
pourquoi ne pas l’appeler habituellement le “Souffle
saint” ? Un "Souffle"
permanent. St Basile de Césarée écrivait : "Le Père est la "cause originelle", le Fils est la
"cause créative, le Saint Esprit est la "cause parachevante",
c'est-à-dire qu'il est présent en permanence du début à la dernière phase de la
création, présent à toutes les étapes et à tous es les aspects de la création !
Présent du début à la fin de ma vie voulue par Dieu créateur, sanctifiée par le
Christ... !
Le mot “Esprit” me semble donc avoir une consonance
quelque peu cérébrale, aérienne, presque désincarnée. Alors que le mot “Souffle” prend tout de suite une dimension
réaliste, physique, presque charnelle. Il est ressenti comme présence
permanente !
C’est d’ailleurs dans cette dimension que nous le
découvrons dans la Bible, et dès la Genèse où il est question du "Souffle
créateur". St Jean en avait bien pris conscience : “Le vent souffle où il veut : tu entends le
bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Il en est
ainsi de tout homme qui est né du Souffle” (Jn
3,8). Aussi, surtout chez les Pères orientaux, il est présenté comme "l'Esprit de Dieu", "l'Esprit
du Christ", "l'Esprit d'adoption, de vérité, de liberté, de sagesse,
de compréhension, d'humilité, de conseil, de puissance, de
connaissance..." !
Et pour l'évangéliste Jean, la “première
Pentecôte” a lieu au Calvaire lorsque Jésus rend son "Souffle" ; il rend son "Souffle" comme Principe de la création des cieux
nouveaux et de la terre nouvelle (Jn 19,30).
Et cette “première Pentecôte” annonce la “seconde
Pentecôte”, comme corrélation dans le mystère pascal du Christ : elle
se situe au soir du premier jour de la semaine lorsque le Christ ressuscité "souffle"
sur les apôtres pour les envoyer en mission (Jn
20,22).
La “troisième Pentecôte” sera celle de la
maison remplie d'un violent coup de vent, cinquante jours après Pâques, celle que
nous célébrons aujourd’hui.
Et il y aura même une autre pentecôte, avant
bien d'autres par la suite, sur des païens, chez le Centurion Corneille, à
Césarée, en présence de Pierre.
Le souffle, comme le vent, est invisible. Seuls
sont visibles ses manifestations. St Paul l'explique très bien aux Galates
en leur décrivant quels sont les fruits du "Souffle
Saint" (Gal 5,22). Nous
connaissons bien les trois premiers : “amour,
joie et paix”. Mais les autres aussi sont importants : “patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi”.
Et pour ne reprendre que le premier fruit, cela signifie
que s'il y a de l'amour quelque part - je pense à l'amour véritable qui est
engagement et non pas caprice évanescent de l'affectif -, le "Souffle saint" est là. Nous
le disons, le chantons surtout le Jeudi saint : “Là où est l’amour (la charité),
Dieu est présent”. (Ubi caritas et amour, Deus ibi est !").
L’un des moines, fr. Christophe, mort à Tibhérine, en Algérie, écrivait dans
l'un de ses poèmes : “Il y a de l'amour
dans l'air... et je crois bien que c'est Quelqu'un”.
Ne croyez-vous pas que la vie serait tout autre si
l'on s’évertuait à discerner tous les fruits de l'Esprit en nous et autour de
nous ? Le malheur est que nous faisons le plus souvent le contraire. Nous
passons plus de temps à nous intéresser aux œuvres du “Diviseur” qu'à celles de
l'Esprit. "Sans le Saint-Esprit,
Dieu est lointain", disait le patriarche Athénagoras.
Or, les “pentecôtes” ont lieu tous les jours dans
le cœur de beaucoup d’hommes. Et pas seulement dans l'Eglise, même si nous le
situons davantage en Eglise ! L'Esprit de Dieu souffle toujours et
partout ; il est, a-t-on dit, le nom propre de la grâce. Le Concile
Vatican II l'exprime d'une façon claire et solennelle : “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation
dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons
tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la
possibilité d'être associé au mystère pascal”, ce mystère qui sauve le
monde ! (L'Eglise
dans le monde de ce temps, § 6).
L'Eglise n'est pas une institution comme les
autres. Elle a bien été “instituée” par Notre-Seigneur qui l'a fondée sur les
douze Apôtres, à commencer par celui qui est Pierre. Mais ils ont été vite
dispersés dans l'épreuve. Ils ont été passés au crible comme le froment, selon
une expression bien biblique (Luc 22,31).
Ce n'est que dans le "Souffle"
promis et reçu que l’Eglise a repris Vie.
Et, aujourd’hui comme hier, les chrétiens sont
invités à contempler les œuvres de l'Esprit et à se laisser envelopper par ce "Souffle Saint". C'est lui qui
nous donne et nous donnera de vivre comme le Christ en nous rappelant tout ce
qu'il nous a dit.
Il nous plongera dans cette Parole de Dieu qu’est
le Fils de Dieu venu en ce monde.
Il nous donnera le regard, le style de vie et la
force du Christ.
Il nous désencombrera de tout le superficiel. Le
Seigneur Jésus désirait des troupes légères : “N'emportez pas trop de choses pour la route” disait-il. Nous en
avons probablement trop ajouté à l'extérieur. Mais le "Souffle Saint" est le “Maître intérieur” et le “Père des
pauvres”. C'est tout dire. Le reste nous sera donné par surcroît.
Aussi, n'hésitons pas à prier l'Esprit-Saint"
!
Lorsque Jésus commençait à prier, St Luc note : "Il tressaillit de joie sous l'action
de l'Esprit-Saint" (Lc 10. 21)...
Et alors il annonce : "... Combien
plus votre Père du ciel donnera-t-il l'Esprit-Saint à ceux qui l'en prient
!" (Lc 11.13).
Prions aujourd'hui avec ces formules que la
liturgie a retenues :
- "Viens,
Esprit-Saint, viens en nos cœurs, viens Consolateur !
- Toi l'envoyé du Dieu Très haut, Tu
t'es fait pour nous le défenseur !
Tu es l'Amour, le feu, la source
vive, Force et douceur de la grâce du Seigneur
- Mets en nous ta clarté ; Répands
en nous l'amour du Père,
- Donne-nous ta vigueur éternelle.
Hâte-toi de nous donner la paix
Afin que nous marchions sous ta conduite !
- Fais-nous voir le visage du
Très-Haut et révèle-nous celui du Fils
Et Toi, l'Esprit commun qui les rassembles,
Viens en nos cœurs : qu'à jamais
nous croyons en toi !
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