8.
T.O. Lundi-Mardi - (Mc 10.17-31)
Nous savons que St Marc dont nous lisons
l'évangile tout au long de l'année en le "temps ordinaire" fut le
disciple de St Pierre. Or Simon, le futur chef des apôtres, se souviendra
longtemps de ce moment où, d'après St Jean (1.42), il fut présenté à Jésus par son frère
André. Il se souvient bien : "Jésus
le regarda et lui dit : 'Tu es Simon ! Désormais, tu t'appelleras
Pierre'". Littéralement, il est dit : "Jésus regarda en lui", ce qui le transforme au point de
devenir tout autre : Simon devient Pierre !
Pierre se souviendra à jamais de ce regard
de Jésus. Il se souvient des regards de Jésus. Aussi, son disciple Marc note
assez souvent ces regards pénétrants de Jésus dont Pierre devait lui parler.
- Déjà on devine l'attitude habituelle de
Jésus quand il enseignait : "Il parcourait
du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui..." (Mc 3.34).
- Un jour de sabbat, Jésus veut guérir un
homme à la main desséchée. Les pharisiens n'approuvent nullement. Et Marc note
: "Jésus, promenant sur eux un
regard de colère, navré de
l'endurcissement de leur cœur..." (Mc 3.5)
Hier dans l'évangile, Marc note en très peu
de lignes les regards de Jésus à propos du jeune homme riche :
- "Jésus
fixa sur lui son regard et l'aima !" C'est le même mot que St
Jean emploie à l'occasion de regard posé sur Simon, lors de sa rencontre avec
Jésus : "Jésus regarde en lui".
- Mais, à l'inverse du
futur chef des apôtres, le jeune homme détourne son regard. Il ne se laisse
pas regarder par le Fils de Dieu qui l'aime ! Comment cela peut-il se faire ? C'est le
mystère de notre liberté ! Le jeune homme choisit. Il choisit l'héritage de la
vie terrestre - avec tristesse, est-il dit cependant - et renonce à l'"héritage de la Vie éternelle",
comme il le demandait pourtant à Jésus !
- Le regard de Jésus fut
certainement voilé de peine et de tristesse : "Jésus regarda autour de lui et dit : 'Comme il sera difficile à ceux qui
possèdent des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu' !".
- Etonnés, les disciples demandent : Mais alors, "qui peut être sauvé
?". Jésus les regarde et répond : "Pour les hommes c'est impossible, mais pas pour Dieu ! Car tout
est possible à Dieu !".
"Tout
est possible à Dieu !". Pour cela il faut accepter d'être totalement "regardé"
par Jésus - un regard qui va "à l'intérieur de nous-mêmes", au
plus intime de nous mêmes et qui sollicite notre foi, notre confiance.
+ Lors des promesses étonnantes faites à
Abraham et Sara au début des temps, il leur est demandé : "Y-a-t-il une chose trop prodigieuse pour Dieu ?" (Gen 18.14).
+ A la "plénitude des temps",
c'est-à-dire à l'accomplissement des promesses lors de l'Incarnation, l'ange
rappelle à Marie : "Rien n'est
impossible à Dieu !"' (Lc 1.37).
Mais il faut bien comprendre : le "possible"
de Dieu ne peut se réaliser que dans l'"impossible" de
l'homme. Il faut que l'homme se détache des biens de ce monde et - par voie de
conséquence - du regard admiratif des hommes ; il faut que l'homme se
détache de lui-même, du regard admiratif, suffisant qu'il se porte à
lui-même, pour accueillir pleinement et totalement le regard du Seigneur. C'est
ce qu'il y a de plus difficile : quand on est trop "plein" de
soi-même, il n'y a plus de place pour le regard aimant de Dieu, et encore moins
pour le regard suppliant de ses frères.
"Ne
rien préférer à l'amour du Christ", demande St Benoît. La vie chrétienne, à
la suite de Pierre et de tous les apôtres, consiste à se laisser regarder
d'amour. La vie chrétienne est d'abord consentement plénier au regard
d'amour de Dieu, se laisser regarder par Jésus, et, aussitôt, avec
une humble et vraie tendresse, aimer et regarder à son tour.
Même si c'est parfois difficile, surtout au
début, dit St Benoît - il s'agit là,
peut-être, de ces persécutions dont parle l'évangile -, nous goûtons peu
à peu, dès ici-bas, à une plénitude de vie qui ne peut s'expliquer. Et nous
témoignons comme Sirac le Sage (lecture) : "Donne
au Très-Haut à la mesure de ses dons, d'un regard généreux selon tes
ressources. Car le Seigneur sait rendre, il te rendra sept fois plus !".
Et Notre Seigneur précise : Dieu te donnera "le
centuple, en ce temps déjà... et, dans le monde à venir, la Vie éternelle
!".
En ce sens François de Sales avait raison :
"La vie, c'est le temps de chercher
Dieu - 'chercher sa face', disent les psaumes, son regard -, la mort, le temps de le trouver, l'éternité,
le temps de le posséder".
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