8.
T.O. Mercredi (Mc 10.32-45)
Hier et avant-hier, d'après l'évangile de
Marc, Jésus avait été extrêmement clair : pour le suivre - pour être son
disciples, pour être chrétien -, il nous faut tout quitter : non
seulement les richesses de ce monde et la considération qu'elles peuvent
susciter ("vends tout ce que tu as et
donne-le aux pauvres"), mais se quitter soi-même. Il faut se quitter
soi-même, "se vider
soi-même", comme disait St Paul à propos du Christ : "Lui de condition divine..., il s'est
dépouillé ("ékénôsen"
: il se vida)...",
rappelant ainsi l'expression d'Isaïe (53.12b) selon les Septante : "Il a vidé son âme dans la mort". Oui, "il s'est dépouillé, abaissé, devenant
obéissant jusqu'à la mort" (Phil. 2.7-8).
Mais s'il faut aller jusque là, ce n'est
nullement dans un esprit d'anéantissement, de destruction qui serait
incompréhensible ; mais c'est pour mieux être "capax Dei",
avoir la capacité d'être rempli de la richesse de Dieu, de son amour, de
sa force... St Paul souligne souvent ce paradoxe de la condition chrétienne : Avec
la grâce du Christ, dit-il, "ma
puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse...". - "C'est lorsque je suis faible que je
suis fort !" (2
Co. 12.9-10).
"De sorte, dit-il encore, que "notre
corps semé corruptible ressuscite incorruptible ; semé méprisable, il
ressuscite éclatant de gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de
force..." (I
Co. 15.42).
C'est ce qu'annonçait Notre Seigneur dans
l'évangile d'hier : "Celui qui aura
tout quitté à cause de moi recevra, en ce temps déjà, le centuple, et, dans le
monde à venir, la Vie éternelle !". Jésus est donc très clair. Et cet
enseignement, il le vivra lui-même totalement en son mystère pascal, en sa
Pâques, ce "passage" de mort à vie !
Mais les apôtres semblent n'avoir pas
compris.
Ils comprennent bien que Jésus parle d'un Royaume. Mais ils l'envisagent à la
façon très humaine ! Ainsi, Jacques et Jean, se sentent comme "premiers
ministrables" en ce Royaume à venir, ce qui provoque la jalousie des
autres apôtres qui s'imaginent, eux aussi, en bonne place !
Aussi, Jésus, sans se fâcher de leur manque
d'intelligence - ce qu'il leur reprochera plusieurs fois avec force -, précisera
de façon lapidaire : "Celui qui veut
devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera
l'esclave de tous". Il s'agit non pas à rechercher à être servi, mais
au contraire, à servir, à l'exemple du Seigneur lui-même : "donner sa vie en rançon pour la multitude" ! Ce que nous
célébrons en toute Eucharistie !
J'avais noté naguère que le pape Jean-Paul
II avait bien souligné cet enseignement du Christ : "Ces paroles du
Christ, disait-il, indiquent quel est le chemin qui conduit à la grandeur
évangélique... C'est la voie que le Christ lui-même a parcouru jusqu'à la
croix..., un itinéraire d'amour et de service qui bouleverse toute logique
humaine... : Etre serviteur !"
Il parlait ainsi à l'occasion de la
béatification de Mère Térésa (19.10.03). Aussi, après avoir rappelé : "Qui veut être grand parmi vous doit se
faire serviteur...", il ajoutait : "La
vie de Mère Térésa est un témoignage de la dignité et du privilège que revêt le
service rendu humblement... ; elle a choisi non seulement d'être la plus
petite, mais la servante du plus petit. Sa grandeur réside dans sa capacité à
donner sans compter, à donner jusqu'à souffrir... Sa vie a été une existence
radicale et une proclamation audacieuse de l'Evangile", de notre
évangile d'aujourd'hui !
Elle voulait être signe de l'amour de Dieu,
de la présence de Dieu, de la compassion de Dieu, rappelant ainsi la valeur et
la dignité de chaque enfant de Dieu, créé pour être aimé et aimer. Ainsi
amenait-elle les âmes à Dieu et Dieu aux âmes. Et lorsque les moments
devenaient très difficiles, elle s'agrippait avec plus de ténacité à la prière
devant le Saint-Sacrement.
Soyons tous à son école, disait le pape
Jean-Paul II. Lors de sa béatification, on l'a représentée ainsi : d'une main,
elle tenait la main d'un enfant ; et de l'autre, elle égrenait un chapelet.
Prière et action. Image emblématique : être à la fois tourné vers Dieu et
tourné vers le pauvre ! Notre Pape
François ne fait que reprendre cet enseignement...
Et puisque nous sommes à la fin du mois de
Mai, du mois de Marie, je vous rapporte, pour terminer, une anecdote que j'ai
lue récemment :
Il s'agit d'un voyageur qui prend l'avion à
Chicago. "Deux religieuses, dit-il, s'avançaient dans le couloir de l'avion, vêtues de simples habits
blancs bordés de bleu. Je reconnus aussitôt le visage familier de l'une
d'elles... Les deux religieuses s'arrêtèrent et je réalisai que mon voisin de
siège allait être Mère Téresa.
Comme les
derniers passagers s'installaient, Mère Teresa et sa compagne de voyage
sortirent leurs chapelets. Je remarquai que chaque dizaine était formée de
grains de couleurs différentes. Mère Téresa m’expliqua par la suite que les
dizaines représentaient différentes parties du monde. Elle ajouta : "Je
prie pour les pauvres et les mourants sur chaque continent."
Les deux
femmes se mirent à prier de façon presque audible, comme un murmure. Bien que
je me considère comme un catholique peu religieux, je me joignis à cette prière
presque sans m'en rendre compte. Mère Teresa se tourna vers moi, et à ce moment
son regard m'envahit d'un sentiment de paix. "Jeune homme,"
demanda-t-elle, "vous récitez souvent le chapelet ?" - "Non, pas
vraiment", avouai-je. Elle me prit la main, tout en me scrutant des yeux.
Puis elle me sourit. "Eh bien, vous le ferez maintenant." Et elle
déposa son chapelet dans mes mains. (…).
Depuis cette
rencontre inattendue dans l'avion, ma vie a changé. (…) J'essaie maintenant de
me souvenir de ce qui compte vraiment. Ce n'est pas l'argent, ni les titres
ou les biens, mais la façon dont on aime les autres". C'est tout l'enseignement de
notre évangile !
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