Ascension
2013
Les cérémonies d'aujourd'hui sont assez longues et
fatigantes ; aussi vais-je m'efforcer d'être court et divertissant..., en vous
proposant une parabole :
Un jour, un homme fit un songe ; et les songes
sont parfois instructifs !
Il se trouve soudainement, sans savoir pourquoi,
couché sur une banquette dans un compartiment de chemin de fer. Reprenant ses
esprits, il s'assied et prend conscience que le train roule, roule… Sous ses
yeux, un paysage dévide ses images... un paysage inconnu.
Mais il n'est pas
seul : d'autres voyageurs occupent le wagon. Il ne sait s'il doit avoir peur ou
avoir confiance. Il se décide à les interroger. Tous sont dans son cas : ils se
sont réveillés là, sans savoir pourquoi, sans savoir où va le train.
Fébrilement, il parcourt les voitures, en avant, en arrière : même réponse
partout... Personne ne sait. Que faire ?
Normalement, "le cœur de l'homme choisit sa route", dit le livre des
Proverbes (16.9). Et "où donc est la route du bonheur ?", demandait déjà
Jérémie (6.16). Que faire ? Que font les
autres ? Ils s'occupent. Et leurs occupations ont du sens, parfois de l'intérêt
: ils lisent, s'amusent, bavardent, mangent... ; un grill express semble
avoir tout prévu pour la consommation. Leurs occupations ont du sens. Mais
c'est le voyage qui n'en a pas, c'est leur présence en ce train.
Vous l’avez compris, ce train, c’est celui de
notre existence ! Nous sommes tous embarqués ainsi ! Nous n'avons
pas demandé à vivre. Et notre conscience s’éveille peu à peu en constatant que
nous “roulons”, à grande allure, vers... Oui, vers quoi, au fait ? "Quel est donc mon but pour persister à
vivre ?", demandait Job, le souffrant !
Et dans ce train du monde, je ne puis ni freiner,
ni descendre, ni retourner en arrière. Est-ce pour le meilleur ? Pour le pire ?
Et tous les autres avec moi ? Où ce train nous conduit-il ? Où s'achemine
l'histoire humaine ? Et notre propre histoire ? - Beaucoup se contentent de se laisser vivre. Tant pis si la vie est sans
raison et sans but. Mais peut-on se contenter de cette réponse ? Aujourd'hui
écoutons la réponse que Dieu nous fournit à travers l'événement de la fête d'aujourd'hui.
L’Ascension et tout l’Evangile nous répètent que la
vie de Dieu, c'est d'aimer. La vie de Dieu, c'est de déborder d'amour, et donc
de créer, pour aimer plus, pour partager avec l'homme tout ce qu'il est : Dieu
veut faire de l'homme une image de ce qu’il est lui-même ! Il veut
que le train des hommes arrive jusqu’à lui !
Oui, l'homme a vocation d'être "dieu", "en entrant en communion avec la
nature divine", comme l'a écrit si audacieusement S. Pierre (2 P 1,4). Au cœur même de sa nature humaine,
tout homme a cette possibilité, cet appel... ! Tout homme est
"programmé" de Dieu, comme le gland est programmé du chêne qu'il est
capable de devenir ! L'homme a été “fabriqué” pour s'ouvrir un jour sur
l'infini de Dieu. Telle est la direction du train. Vers Dieu ! Par lui, avec
Lui et en Lui !
Et remarquons que le prix du train est entièrement
gratuit. L’homme n’est rien, de lui-même. "Il
est pure vacuité", disait le P. Sertillange. - "Tu es celle qui n'est pas, disait Dieu à Catherine de
Sienne ; Je suis Celui qui suis !". Le voyageur que nous sommes part de rien pour
son aventure vers l'infini, vers Dieu. Notre condition native ne comporte, en
elle-même, ni l'amitié de Dieu, ni la participation à Sa vie.
Aussi, cette destinée inouïe, parce que divine, ne
se revendique pas, ne se conquiert pas, ne s'arrache pas. On ne peut se faire
Dieu, on ne peut que se "laisser faire", dans un "oui"
plein d'humilité, d'obéissance, et de reconnaissance, le "oui" du
baptême qui doit se prolonger tout au long de notre voyage !
Oh ! Certes ! Malgré notre consentement
plus ou moins conscient à ce voyage, le train de la vie n’est pas toujours très
confortable. Il y a moult arrêts, lenteurs, fatigues… voire accidents divers.
Le mal, - l’heure du mal, le malheur - nous guette parfois, peut-être même
souvent.
Mais il y a un grand réconfort, car parmi les
voyageurs, il y a quelqu’un qui sait où l’on va, qui encourage, qui
explique, qui guérit, entraîne…
Le Christ est là, Dieu qui s’est fait homme,
qui s’est fait voyageur comme nous. Lui aussi a pris le train de la vie
humaine.
Et si nous le cherchons bien, nous le trouvons
parmi les passagers, car il prend désormais visages multiples. Et l’on sait,
avec lui, que là où est le mal, "là
où le péché a proliféré, la grâce a surabondé", comme dit St Paul (Rm 5.20). Cette grâce fait notre bonheur ;
elle nous entraîne irrésistiblement vers le but du voyage.
Non seulement le Christ nous entraîne, mais il fait
de chacun de nous des entraîneurs. Avec son aide, nous pouvons, à notre tour,
aider, réconforter, nous entraider. Loin d’être indifférents aux autres
voyageurs, nous devenons de plus en plus solidaires les uns des autres, pour
donner sens au voyage. Et toutes nos occupations dans le train de la vie
deviennent, aux moments les plus pénibles comme aux moments les plus heureux,
des moyens de nous unir solidement en ce grand voyage de la vie.
Oui, nous sommes embarqués. Où allons-nous ? Vers
Dieu qui est Amour, comme aimait à le répéter St Jean ; et notre moyen de
parvenir au but, c’est d’aimer ! Aimer Dieu, et nous aimer les uns les
autres ! C'est le seul commandement du Seigneur. C'est la seule consigne
du train de la vie !
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