6e Dimanche de Pâques. 13/C
- (Jn 14.23 sv)
Le
passage de l'Evangile que nous venons d'entendre fait partie du discours de
Jésus au cours du dernier repas pris avec ses disciples. Ce sont des paroles
d'adieu ! C'est son testament !
Juste avant d'être arrêté et conduit à la
mort, Jésus console et réconforte ses apôtres. Il les éclaire sur son propre
mystère ; Il les éclaire sur la vie qui sera désormais la leur après son départ.
Oui,
c'est bien d'un testament dont il s'agit !
C'est
pourquoi ces paroles de Jésus sont d'un grand prix pour nous ;
- elles définissent notre vie
chrétienne dans ce qu'elle a de plus profond.
-
Elles affirment que le Christ est toujours vivant ; il est présent, mais
invisiblement.
-
Elles proclament que ces paroles qu'il nous a laissées sont signes de sa
présence ; et c'est pourquoi nous devons les méditer, les approfondir avec
ferveur, pour devenir plus profondément disciples.
"Si quelqu'un m'aime, il restera
fidèle à la parole".
Un
peu avant, Jésus avait dit dans le même sens : "Celui qui s'attache à mes commandements et qui les observe, voilà
celui qui m'aime !".
"Si quelqu'un m'aime…" - celui qui m'aime !". Il s'agit d'aimer
! Il s'agit d'aimer le Christ ! Aimer le Christ, non pas seulement croire (intellectuellement) en lui, mais l'aimer. "Pierre, m'aimes-tu ?", avait
demandé Jésus à son premier apôtre ! Le Seigneur pose cette question à chacun
d'entre nous.
Et
cet amour que le Christ réclame de nous ne doit pas être, bien sûr, un
enthousiasme passager, sentimental. Il est essentiellement union des
vouloirs et don de soi. Il se manifeste authentiquement dans des œuvres,
dans des faits, sinon il n'est pas sincère, il n'est pas vrai. L'amour secret
du cœur doit faire ses preuves par une obéissance, une fidélité de tous les
jours, de toute la vie, aux commandements du Seigneur. "Celui qui s'attache à mes commandements et qui les observe...
!".
"Les
commandements" ou ici, dans l'évangile, "la Parole", c'est d'une
façon générale,
tout ce qu'il faut
faire,
tout ce qu'il faut
attendre,
tout ce qu'il faut
endurer aussi.
En
un mot, c'est la volonté du Seigneur sur nous. "Que ta volonté soit faite", Seigneur. Ce n'est pas là
seulement une formule de prière, c'est avant tout une exigence de vie !
Etre
fidèle à sa Parole, c'est accepter, aimer cette volonté, en faire la règle de notre
vie. Et être ainsi fidèle, c'est la preuve que l'on aime.
Mais
l'on devine combien un tel amour est exigeant, infiniment plus que des lois ou
des règlements. Notre vie chrétienne de doit pas être un simple assujettissement
à des prescriptions imposées du dehors ; elle doit être un amour qui répond
à un amour, un amour qui répond à l'amour de Dieu pour nous.
Je
prendrai un exemple facile et commun. Nous remplissons aujourd'hui l'obligation
de participer à la messe dominicale. C'est bien une "obligation".
Mais celui qui a compris ce que c'est qu'être chrétien, viendra participer à
l'Eucharistie non pas tant pour satisfaire à une obligation - bien réelle certes
- mais parce qu'il aime le Seigneur, qu'il a réalisé en profondeur
- ce
qu'est l'Eucharistie
- qu'il
a besoin de cette rencontre avec le Christ dans ses paroles et son Eucharistie,
- qu'il
a besoin aussi, sans cesse, de la rencontre avec ses frères chrétiens avec
lesquels il construit le "Corps du Christ".
Cela
change tout : il ne s'agit plus d'un simple acte d'obéissance imposé, mais d'un
acte de charité qui jaillit spontanément du fond du cœur, qui engage
tout l'être, toute la personne. La véritable obéissance chrétienne est un acte
d'amour : "Obéir, c'est aimer", disait Ste Bernadette, sinon
toute croyance n'a pas grande valeur.
Et
cette obéissance rend parfaitement libre, car alors c'est de nous-mêmes,
spontanément, que nous nous portons à ce qui nous est demandé : nous y sommes
entraînés par un élan d'amour.
Mais
en même temps, cet amour nous lie très profondément. Le chrétien qui aime
vraiment le Seigneur ne s'appartient plus. "Charité" et "don
de soi" sont nécessairement liés. Le chrétien est l'affranchi du
Christ, mais aussi - c'est St Paul qui l'affirme (I
Co.7.22) - "l'esclave du
Christ", ce qui faisait dire à une chrétienne de notre temps (Madeleine
Delbrel) : "Le chrétien est un
captif", captif de son amour pour
Dieu et de son amour des autres.
Ce
n'est pas qu'on puisse aimer Dieu sans avoir été d'abord attiré, aimé par lui.
St Jean le dit formellement : "Nous,
nous aimons Dieu parce que, Lui, le premier, nous a aimés !" (I Jn 4.10,19). Si nous aimons Dieu, c'est par ce que Dieu nous
aime et que nous croyons à cet amour premier et total. Mais celui qui aime est
aimé davantage à mesure qu'il témoigne plus d'amour.
Ainsi,
le Père aime le disciple aimant. Et le Christ l'aime aussi : "Je l'aimerai et je me manifesterai à
lui". - "Nous établirons chez lui notre demeure !".
Le
Père et le Fils sont inséparables. Lorsque le Père vient, il ne peut venir
qu'avec son Fils. Et leur lien - leur lien d'Amour -, le Saint-Esprit, est toujours présent là où ils
sont.
Ainsi
le cœur du disciple devient comme un sanctuaire où vivent et agissent les
Personnes divines, où il vit et agit en elles.
Mystère
bien profond, insondable, qui nous aveugle par son excès de lumière, mais dont
nous devons prendre conscience toujours davantage. Ces grandes réalités sont
pour nous, si nous leur ouvrons notre âme. A la fidélité du disciple aimant est
assurée une vie d'intimité personnelle et de communion avec Dieu révélé dans
les profondeurs de sa vie trinitaire. Car "Dieu
et Amour" en lui-même !
Et
de cette vie d'intimité avec Dieu nait la joie et aussi la paix, cette
paix promise par le Christ : "C'est
la paix que je vous donne, ma paix ;
mais ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne".
Qui
ne désire du fond du cœur la paix ? L'homme est, naturellement, inquiet,
anxieux, angoissé même, aujourd'hui surtout.
Mais
la paix que donne le monde est toujours précaire, fragile, vulnérable. Nous en
avons fait, nous en faisons souvent l'expérience. Elle repose sur de fausses
assurances, de fausses promesses.
La
paix véritable vient de Dieu. C'est le calme surnaturel, la sérénité de ceux
qui sont à Dieu et se reposent en Lui, qui se savent conduits et guidés par
Lui. Quelles que soient les vicissitudes de leur vie, les épreuves qu'ils
traversent, ils peuvent demeurer dans cette paix profonde parce qu'ils sont sûrs de Dieu
!
Et
ils peuvent aller chantant joyeusement :
"La charte du Seigneur est sûre. Elle
rend sage le simple !" (Ps 19.18).
"Tous ses préceptes sont sûrs !" (Ps 118.7)
"Dès lors, "je suis sûr de voir les bienfaits du Seigneur
!" (Ps 27.13).
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