23e
T.O. 18/B.
"Il fait entendre les sourds et
parler les muets !".
Cette exclamation achève le récit
d'une guérison miraculeuse opérée par Jésus en pays païen. Elle exprime la
réaction des témoins : "Tout ce
qu'il fait est admirable !"
Et la foule s'émerveille de la
puissance de cet homme ! C'est sans doute pour cela que Notre Seigneur a tenté
de cacher à l'entourage cette guérison. Car, dans ses miracles, la foule ne
voit qu'une preuve de puissance, alors que Jésus voudrait qu'on les
considère comme des signes de sa mission et qu'on en cherche le sens. Et
nous-mêmes, savons-nous interpréter les signes de Jésus ?
Les infirmités dont Jésus délivre
les hommes sont le symbole d'un mal plus profond.
Qu'est-ce qu'un sourd-muet ? C'est
un homme privé des moyens de communiquer les plus fondamentaux : il ne
peut entendre, ne peut s'exprimer ; il est enfermé en lui-même et ne
peut en sortir.
Or une telle infirmité symbolise
la situation du pécheur avec cette différence que le pécheur s'est enfermé
lui-même dans son "moi", dans son égoïsme.
- En péchant, il a refusé d'obéir
aux paroles de Dieu parce qu'il a refusé de les écouter comme l'expression
de son amour.
- En péchant, il a refusé de
répondre aux appels des hommes qui exprimaient leur besoin d'être aimés.
Il n'a voulu ni s'ouvrir à l'amour de
Dieu, ni s'ouvrir aux hommes en les aimant gratuitement. Il n'a voulu admettre
d'autre loi que son indépendance et son intérêt.
Cependant, si, captif de son
égoïsme, le désespoir le guette, le salut est encore possible, parce que
Dieu veut le délivrer.
C'est ce qu'exprimait la prophétie
du livre d'Isaïe que nous avons entendue. Cette prophétie annonçait aux exilés
que pas même les handicapés, les aveugles, les sourds, les boiteux ne seront
exclus du retour à Jérusalem, dans la Patrie.
Mais c'est Jésus qui donne à la
prophétie sa vraie réalisation… "Ouvre-toi", dit Jésus au
sourd-muet. Mais ces mots, en fait, expriment le but réel de la mission du
Christ : rétablir les communications là où le péché les avait interrompues !
Et notre baptême est le signe de
cette action du Christ dans le cœur de ceux qui croient en lui : les baptisés
doivent être, sont des gens "ouverts",
"ouverts" à Dieu par la
foi
avec laquelle ils se mettent à son écoute,
"ouverts" aux hommes par
l'amour
avec lequel ils cherchent, en les servant, à leur communiquer leur expérience
de l'amour de Dieu !
De plus : non seulement le baptême
ouvre le baptisé, mais il l'introduit dans une Communauté que l'ouverture doit
caractériser. Comment cette Communauté, qui est l'Eglise, pourrait-elle se
refermer sur elle-même, elle dont tous les membres ont entendu le Christ leur
dire :
Ouvre-toi au Père
dont je suis le Fils, aux hommes dont je suis le frère. Ouvre-toi au
Père qui m'a envoyé, et aux hommes à qui je t'envoie.
A chacun des croyants revient donc
la responsabilité du visage de l'Eglise. Chacun des membres de l'Eglise doit
être ouvert aux autres ; chacun doit veiller à ce que, dans la Communauté dont
il est membre, il y ait une réelle communication entre tous les membres, et
qu'aucun clan ne se forme et que personne ne soit exclu.
A cette communion, à cette
communication il y a, certes, bien des obstacles. Le principal est sans doute
celui dont St Jacques nous parle (2de lecture) : l'argent, la richesse
quelle qu'elle soit !
En cela, St Jacques se fait l'écho
du Seigneur qui a dit, de façon explicite et répétée, combien l'asservissement
à l'argent, à la richesse s'opposait au service
de Dieu. - Pour un supplément d'argent, on oublie si facilement Dieu ! -
Dans cette lecture, St Jacques décrit
une assemblée liturgique ; riches et pauvres y sont accueillis ensemble. Mais
la place d'honneur est réservée aux riches. Une telle scène ne se produirait
plus de notre temps, dans nos assemblées du dimanche où, heureusement, tous
voisinent sur un pied d'égalité, égalité devant Dieu.
Mais faut-il en conclure que la
leçon donnée par St Jacques ne soit plus actuelle ? Car ses paroles ne visent
pas uniquement le comportement des fidèles dans l'assemblée liturgique. Au delà
de cet exemple très significatif, c'est l'esprit des Communautés chrétiennes,
des chrétiens eux-mêmes qui est mis en question.
Car la richesse ne vient pas
uniquement de l'argent. Il existe une certaine richesse de l'intelligence,
de l'instruction, des relations, de la réputation, de sa profession…
Et le monde honore spontanément les diverses formes de richesses. St Jacques ne
veut pas que l'esprit du monde pénètre les chrétiens et qu'on retrouve entre
les frères du Christ les préséances, les préférences, les considérations de
personnes que les gens du monde pratiquent entre eux.
En définitive, que doivent
ambitionner tous les chrétiens ?
N'est-ce pas simplement ceci : Que
leur commune présence au sacrifice du Christ, mort pauvre sur la croix,
- les dépouille de l'attachement à
quelque richesse que ce soit,
- suscite en eux une égale estime mutuelle,
- les provoque à l'ouverture aux
autres et à la justice dans toute la mesure du possible.
Au sortir de la messe, nous avons
l'habitude de nous saluer sans qu'il y ait - je l'espère - esprit de clan ou
acception de personne. Mais durant toute la semaine, est-ce vraiment notre
attitude au point que l'on puisse dire de nous comme du Christ : "Tout ce qu'il fait est admirable : il
fait entendre les sourds et parler les muets", c'est-à-dire il ouvre
les cœurs à Dieu et aux autres.
Alors, le Royaume de Dieu ne serait
pas loin !
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