24e
Dimanche du T.O. 18/B -
L'Evangile souligne souvent l'attitude
déconcertante de Notre Seigneur.
Et aujourd'hui, nous comprenons
facilement la réaction de Pierre lorsqu'il entend la première annonce de la
passion.
Jusqu'alors Jésus avait annoncé la
venue du Royaume de Dieu, règne de justice, de paix, d'amour. Et tous
pouvaient s'accorder sur ce langage. Mais voici que Jésus parle désormais de souffrir,
de subir le pire des supplices. Et Pierre proteste ; c'est logique. Nous
aurions fait comme lui !
Alors, Jésus, lui, ne peut que
réagir : inconsciemment, son apôtre remet en cause sa fidélité à la mission
reçue de Dieu son Père.
- Pour annoncer jusqu'au bout son Evangile,
- pour annoncer que Dieu aime tout
homme sans distinction,
- pour annoncer que tous
les hommes sont appelés à s'aimer,
- pour transmettre
l'amour de Dieu-Père et combattre la haine,
Jésus est prêt à affronter aussi
bien les chefs juifs que les autorités romaines.
Et il s'en remet à son Père de son
destin final quoi qu'il lui en coûte.
Or, Pierre devient, par sa
réaction, un tentateur
- comme Satan l'avait été au début
de l'humanité,
- comme Satan l'avait été auprès de
Jésus, dans le désert, au début de son ministère, de sa vie publique.
Aussi, en bon disciple,
Pierre doit encore
apprendre, et surtout accepter de renoncer à ses rêves d'un
Messie
triomphal, oublier ses
vues personnelles pour accueillir celles de Jésus sur un Royaume qui ne sera
pas de ce monde.
A celui qui lui disait : "Nous, nous avons tout laissé pour te
suivre !" (Mth 19.27), Jésus
demande d'abandonner encore ce qui
lui reste, c'est-à-dire son moi intérieur, fougueux et trop attaché à des
ambitions humaines.
Ce sera pour Pierre un long chemin
(comme pour nous !).
Lors de la passion de Jésus, Pierre
sera éprouvé et épuré par l'expérience douloureuse de sa lâcheté.
Même la victoire de Pâques sera pour
lui autant une épreuve de sa foi qu'un signe de réconfort et de paix. C'est
seulement à la Pentecôte que, éclairé, fortifié par l'Esorit-Saint, il percevra
la grandeur de cette fidélité que Jésus lui avait demandé en le sollicitant : "Suis-moi !" (comme il sollicite
tout disciple !) Alors, il demeurera fidèle jusqu' au martyre, comprenant
parfaitement la vérité de cette mystérieuse parole : "Qui perd sa vie pour
moi, la gagne !"
En accueillant, ce matin, ces
paroles de Jésus, nous sommes invités à réfléchir sur notre fidélité à
suivre Jésus.
Reconnaissons-le : en chacune de nos
vies se succèdent des "hauts et des bas". - Nous vivons des moments
de foi vive, de clarté ; et nous aussi, nous nous écrions : "Seigneur, tu es le Fils du Dieu vivant!""
- Nous traversons aussi des heures de doute, de découragement ou de
contestation.
Or, la fidélité appelle à la
persévérance à travers années et circonstances
diverses ! Le
temps,
les événements éprouvent,
usent, remettent en cause bien des choses. L'institution du mariage, par
exemple, qui, pourtant, doit être le signe de l'Alliance entre Dieu et les
hommes, est souvent
remise en question
: "Pourquoi nous marier?", demande-t-on, puisque nous ignorons ce que, plus tard, seront nos sentiments".
De même on conteste l'engagement définitif du prêtre, du religieux. "Le monde change, dit-on, les hommes aussi et même l'Église !
Alors comment s'engager pour toujours ?"
Oui, la
question est bien celle-ci : A quelle fidélité Dieu nous appelle-t-il ?
L'Évangile répond : face à la
contestation de Pierre, il nous montre surtout la fidélité de Jésus,
- fidélité à la mission reçue
de Dieu, son Père !
- fidélité envers ses disciples,
fidélité envers ses amis. Et c'est peut-être cette fidélité que nous devons
bien remrquer.
Lors de la dernière apparition du
Seigneur au bord du lac de Tibériade, trois fois Jésus demande à Pierre: "M'aimes-tu ?" Évidemment il lui offre ainsi le moyen
d'effacer son triple reniement, mais il ne lui fait aucun reproche. Au
contraire il le confirme dans sa mission : "Sois
le berger de mon troupeau". Oui, Jésus reste fidèle ! J'aime cette parole
de St Jean : "Même si notre cœur
nous accuse, Dieu est plus grand que notre coeur et il discerne tout !"
(I Jn
3.20)
Lorsque le Christ choisit quelqu'un
pour en faire son ami, son choix est irréversible et, quand c'est nécessaire,
son pardon demeure toujours offert. St Paul écrira : "Si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se
renier lui-même" (2
Tm 2.13).
Et l'Évangile nous enseigne encore
que Dieu, toujours, se sert de l'histoire et du temps. Pierre n'a pu comprendre
l'ampleur de la mission de Jésus qu'au fur et à mesure qu'il en vivait lui-même.
Plus il en vivait, plus il comprenait que sa fidélité à Dieu ne consistait pas
à rester tourné vers le passé glorieux d'Israël, mais, au contraire, à s'ouvrir
sur l'avenir que Jésus voulait lui faire découvrir. Une fidélité ouverte sur
l'avenir, c'est ce qu'on appelle l'espérance. Le pape François aime
à le souligner.
Il en est de même pour nous. Nous
devons vivre de cette fidélité pleine d'espérance, même si nous ne connaissons
qu'une faible partie de ce que l'amour de Dieu a projeté pour chacun de nous.
En vérité, ni les jeunes qui se
marient, ni les parents qui accueillent leur enfant, ni les jeunes religieux
qui consacrent leur vie par des vœux ne savent pas exactement à quoi ils
s'engagent.
Mais ils en savent assez pour
faire confiance à Dieu, à l'avenir que Dieu leur prépare. - Leur fidélité n'est
pas une crispation sur ce qu'eux-mêmes ont pu rêver à leur point de
départ, mais elle devient une ouverture
à tout ce que Dieu veut déployer dans leur vie.
Voilà la fidélité évangélique : une ouverture pleine
d'espérance, malgré parfois les circonstances contradictoires du moment !
Et cette espérance est toujours possible, car elle s'enracine dans la force du
Christ qui, toujours, pardonne et sauve.
Et cette force, si nous la demandons, ne saurait nous manquer !
"Ce
n'est pas la profondeur de notre misère qui compte, disait le Cal Journet, c'est la profondeur de notre espérance".
Et Péguy faisait merveilleusement dire à Dieu : "La foi que j'aime le mieux, c'est l'espérance..., cette petite fille
qui se tient entre ses deux grandes sœurs" - la foi et la charité -. "On ne prend pas garde à elle, mais
c'est elle, la petite, qui entraîne tout". Aussi, le pape Paul VI
aimait à demander : "Homme, où est
ton espérance ?".
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