samedi 22 septembre 2018

Comme un enfant !


25e Dimanche du T.O. 18/B 

Tandis que Jésus annonçait : "Le Fils de l'homme sera livré aux mains des hommes", les disciples discutaient entre eux pour savoir qui était le plus grand !

Contraste saisissant entre cette préoccupation sordide des disciples et cette perspective de la croix pour Jésus. Tandis qu'ils se demandent auquel d'entre eux est réservée la première place, le Christ se prépare à prendre la toute dernière.
             
Alors Jésus fait venir au milieu d'eux un enfant : "Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille". St Matthieu est plus explicite : "Celui qui se fait petit comme cet enfant, voilà le plus grand dans le Royaume des cieux". (Mth 18.4).

On accepte facilement cette parole de Notre Seigneur en notre temps qui accorde beaucoup d'importance à l'enfant - importance que soulignait, par exemple, Victor Hugo : "Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit  à grands cris".
- L'enfance, c'est la nostalgie d'une période sans soucis.
- L'enfance, c'est la gaieté, la spontanéité, l'exubérance de vie. Et la souffrance d'un enfant - surtout si elle est causée par l'homme - est un scandale.
- L'apparition de l'enfant transforme l'amour d'un couple en faisant de deux époux un père et une mère.  Merveille ! Et cette apparition de l'enfant nous apparente à Dieu-Créateur !

Mais les Anciens - et surtout dans la civilisation juive - soulignaient davantage les défauts de l'enfant : son inconscience parfois cruelle, son inconstance, ses désirs capricieux, son audace facilement téméraire, sa franchise proche de l'insolence, son ignorance…, bref son immaturité.

Ni le Christ, ni le Nouveau Testament dans son ensemble, n'ignorent cette ambiguïté de l'enfance.
Notre Seigneur voulant exprimer un jugement sévère sur les gens de sa génération, dira : "A quoi ressemblent-ils ? Ils ressemblent à ces enfants assis sur une place et qui s'interpellent les uns les autres…". (Lc 7.12).

Et St Paul situera nettement l'enfance, en tant que telle, dans sa vérité d'imperfection :  "Lorsque j'étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant. Une fois devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était le propre de l'enfant" (I Co. 13.11).
Pour l'Apôtre, notre vie présente, avec sa connaissance limitée, est comparable à un état d'enfance, au regard de l'éternité où, connaissant alors comme nous sommes connus, nous serons pour ainsi dire dans l'état adulte…

Et le livre des Proverbes avait été encore plus net : "Quittez la sottise de l'enfance, et vous vivrez !" (9.6).

Aussi vaut-il mieux chercher l'explication de la parole de Notre Seigneur non d'après les qualités ou défauts de l'enfant (sujet très discutable), mais plutôt d'après sa situation radicale et inévitable d'un être justement imparfait, incomplet.
             
Alors, l'enfance apparaît inévitablement comme un temps de dépendance, de croissance et de formation.

1. Dépendance.  -  L'enfant ne peut se suffire à lui-même; sa survie ne peut être assurée que par d'autres. En cela, l'enfant est l'image vivante de la condition de créature face au Créateur. Comme l'enfant reçoit l'être et la vie de ses parents, ainsi la créature reçoit-elle de Dieu "la vie, le souffle et toute le reste" (Actes 17/25). -
N'est-ce pas la grande tentation de l'homme que de refuser cette dépendance, de se croire autonome ? Et peut-être aujourd'hui plus qu'hier, parce que les progrès de la science étourdissent l'homme du 20e s., l'empêchant d'accepter cette attitude primordiale de dépendance. Le refus de cette dépendance n'est-il pas la cause du premier comme de tous les péchés.
Pourtant, le Christ, Dieu parmi les hommes, est l'exemple vivant de cette dépendance filiale à l'égard de son Père ?  Sans doute, en lui, nous faut-il "renaître d'en haut" (Cf. Jn 3.1-16) et accepter cette dépendance d'"enfant de Dieu" pour participer véritablement à la propre filiation du Christ et pouvoir dire comme lui : "Abba, Père". ?

2. Croissance - L'enfance est aussi croissance ; et cela irrésistiblement. Nos sciences l'affirment : l'enfance, stade nécessaire, doit être aussi un stade dépassé sans retour et sans regret, sinon l'adulte sera un éternel enfant. Mais qui dit croissance dit exigence, effort, discipline, mutation.

Grandir, c'est, là encore, un aspect essentiel de la vie chrétienne.
St Paul le dit en toutes ses lettres ; nous devons "grandir dans le Christ" (Ephes 4/15), "grandir dans la foi" (2 Thes 1/3), dans l'amour et la connaissance de Dieu (Col 1/10), et cela de plus en plus : "nous vous engageons à faire des progrès de plus en plus" (1 Thes 4/10) jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble… à l'état adulte, à la taille du Christ dans sa plénitude.( Cf Eph 3/19-Col 2/9-10 etc). C'est pour cela que le Christ nous a comme "plantés" telles des plantes nouvelles.
Portons-nous des fruits nouveaux pour le Royaume de Dieu?

La vie chrétienne, comme la vie naturelle, ne peut être qu'une exigence de croissance et de tension vers un état spirituel adulte qui nous assimile au Christ !

3.  Formation -   L'enfant est essentiellement celui qui ne sait pas, qui doit apprendre, être initié à la vie, à ses exigences, être formé à la liberté et à la responsabilité ; il doit accepter d'avoir sa volonté forgée, son jugement formé, sa conscience éclairée et son intelligence meublée.

En cela encore, il peut et doit être l'image de notre vie dans le Christ et de notre relation à Dieu. Le croyant est celui qui accepte d'être instruit par Dieu, donc de ne pas tout savoir, de ne pas être capable de tout juger. Le croyant, c'est celui qui est capable de s'en remettre à un plus grand que lui - le Christ -, à un plus sage que lui, à un plus savant que lui. Sans doute est-ce cela "recevoir le Royaume comme un enfant".

Dépendre, grandir, apprendre. Trois aspects de nos vies chrétiennes que l'évocation de l'enfant nous rappelle.
Puissions-nous comme nous le demande le Christ, devenir vraiment des enfants sous ce triple aspect. -
Prions : Que Dieu nous donne une âme d'enfant qui nous fera accéder au Royaume du Père.

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