Pentecôte
16/C
Pourquoi toujours traduire le latin “Spiritus Sanctus” (ou le grec “Pneumo Agion”) par “Esprit-Saint”
? Ce serait plus beau et plus juste, me semble-t-il, de traduire par : “Souffle Saint”.
Si Dieu est à l'origine de tout, je
comprends bien que l'on puisse l'appeler “Père”.
S'il est ce Dieu qui a tout partagé de
notre vie comme un frère, lui qui nous a révélé son Père, j'aime bien
reconnaître en lui le “Fils”.
Mais s'il est ce Dieu qui demeure en nous
et nous donne la vie, pourquoi ne pas l’appeler habituellement le “Souffle
saint” ? Souffle de vie, Souffle de vie divine !
Le mot “esprit” me semble avoir une
consonance quelque peu cérébrale, aérienne, presque désincarnée. Alors que le
mot “souffle” prend tout de suite une dimension réaliste, physique, presque
charnelle, une dimension existentielle !
C’est d’ailleurs dans cette dimension que nous
le découvrons dans la Bible ; et cela, dès le livre de la Genèse où il est
question du "Souffle
créateur".
St Jean en avait bien pris
conscience : “Le vent souffle où il
veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où
il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du Souffle” (Jn 3,8).
Et pour cet évangéliste, la “première
Pentecôte” a lieu au Calvaire lorsque Jésus rend son Souffle ;
il rend son Souffle comme Principe de la création des cieux nouveaux et
de la terre nouvelle (Jn
19,30).
Et cette “première Pentecôte” annonce la “seconde
Pentecôte”, comme corrélation dans le mystère pascal du Christ : elle
se situe au soir du premier jour de la semaine lorsque le Christ ressuscité souffle
sur les apôtres pour les envoyer en mission (Jn 20,22).
La “troisième Pentecôte” sera celle
de la maison remplie d'un violent coup de vent, cinquante jours après Pâques,
celle que nous célébrons aujourd’hui.
Le souffle, comme le vent, est invisible.
Seuls sont visibles ses manifestations. St Paul l'explique très bien aux
Galates en leur décrivant quels sont les fruits du "Souffle Saint"
(Gal
5,22).
Nous connaissons bien les trois premiers : “amour,
joie et paix”. Mais les autres aussi sont importants : “patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi”.
Et pour ne reprendre que le premier fruit,
cela signifie que s'il y a de l'"amour" quelque part - je
pense bien sûr à l'amour véritable qui est engagement et non pas caprice -, le
"Souffle Saint" est là. Nous le disons, le chantons
particulièrement le Jeudi saint : “Là où
est l’amour (la charité), Dieu est présent”. L’un des moines, fr.
Christophe, mort à Tibhérine, en Algérie, écrivait dans l'un de ses poèmes : “Il y a de l'amour dans l'air... et je crois
bien que c'est Quelqu'un”.
Ne croyez-vous pas que la vie serait tout
autre si l'on s’évertuait à discerner tous les fruits de l'Esprit en nous et
autour de nous ?
Le malheur est que nous faisons le plus
souvent le contraire. Nous passons plus de temps à nous intéresser aux œuvres
du “Diviseur” qu'à celles de l'Esprit.
Pourtant, des “pentecôtes” ont lieu tous
les jours dans le cœur de beaucoup d’hommes. Et pas seulement dans l'Eglise,
même si nous y pensons davantage en Eglise !
L'Esprit de Dieu souffle toujours et
partout ; il est, a-t-on dit, le nom propre de la Grâce. Le Concile
Vatican II l'exprime d'une façon claire et solennelle : “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation
dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir
que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la
possibilité d'être associé au mystère pascal”, ce mystère qui sauve le
monde ! (L'Eglise
dans le monde§ 6).
L'Eglise n'est pas une institution comme
les autres.
Elle a bien été “instituée” par
Notre-Seigneur qui l'a fondée sur les douze Apôtres, à commencer par Pierre.
Mais ils ont été vite dispersés dans l'épreuve. Ils ont été passés au crible
comme le froment, selon une expression bien biblique (Luc 22,31). Ce n'est que
dans le Souffle promis et reçu que l’Eglise a repris Vie.
Aussi, aujourd’hui comme hier, les
chrétiens sont invités à contempler les œuvres de l'Esprit et à se
laisser envelopper par ce "Souffle Saint".
C'est lui qui nous donne et nous donnera de
vivre comme le Christ en nous rappelant tout ce qu'il nous a dit.
Il nous plongera dans cette Parole de Dieu
qu’est le Fils de Dieu venu en ce monde.
Il nous donnera le regard, le style de vie
et la force du Christ.
Il nous désencombrera de tout le
superficiel. Le Seigneur Jésus désirait des troupes légères : “N'emportez pas trop de choses pour la route”.
Nous en avons probablement trop ajouté à l'extérieur et aussi à l'intérieur de
nous-mêmes, ce qui entraîne parfois à cette suffisance du Souffle humain qui
s'oppose alors au Souffle divin. Mais le Souffle saint est le “Maître intérieur” et le “Père des pauvres”. C'est tout dire. Le
reste nous sera donné par surcroît.
Oui, il est le "Maître intérieur".
Par delà tous les commandements, toutes les prescriptions, toutes les manières
et comportements de vie, il y a ce "Souffle divin" qui nous
donne cette liberté dont parle souvent St Paul, la liberté des "enfants de
Dieu" : "Seuls, disait-il, sont enfants de Dieu, ceux qui se laissent
poussés, pressés - non pas tant par des prescriptions ou habitudes même
nécessaires, mais - par l'Esprit de
Dieu", par le Souffle divin !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire