Sainte-Trinité
2016
Fête de la Sainte Trinité ! La Trinité, si l'on
s'en tient à cette formule - la formule d'un nombre -, comment imaginer qu'elle
puisse évoquer une fête ? Il y a d’autres fêtes qui nous parlent davantage :
Noël, Pâques, et même la Pentecôte ! Oui, mais... la Trinité ?
Et la formule apprise au catéchisme
n'arrange rien : “Un seul Dieu en
trois personnes”. Formule à résonance abstraite qui décourage l'émotion, la
piété.
Bien davantage, si la doctrine de la
Trinité se met à avoir l'air d'une mathématique céleste : 3 = 1, comme l’on dit
en souriant, si croire à la Trinité, c'est croire simplement en un Dieu
divisible par trois, il n'y a pas de quoi faire la fête.
Cependant, au delà de ces plaisanteries
faciles, les artistes et notamment les peintres se sont essayés, avec talent
souvent, à évoquer le mystère dans cette complexité trinitaire ! Mais aucune
image, aucun tableau ne suffisent à dissiper le brouillard.
Alors, comment comprendre ?
Pour nous y aider, il faut d'abord dire et
retenir que le mystère de la Sainte Trinité, avant d'être un dogme, fut et est
toujours une expérience, celle des apôtres d'abord, celle des premiers
chrétiens, et aussi l'expérience des chrétiens d'aujourd'hui, la nôtre.
L’expérience des apôtres ! Ils avaient
hérité, bien sûr, de la foi de leur peuple, du peuple Juif. Une foi en un
Dieu Unique qui s'était affinée au long des siècles si marquée par le
polythéisme ambiant. Ils croyaient en ce Dieu Unique et le priaient en toute
confiance, redisant les mots des psalmistes : Dieu est notre rocher, un abri,
une forteresse, un chemin, une lumière. L’expérience des apôtres, c'était
d'abord cela.
Puis, ils ont fait une autre expérience.
Pendant trois ans, ils ont partagé la vie de Jésus. Impossible de
résumer leur découverte. Retenons seulement qu'après la mort de Jésus, se
souvenant de la manière dont il avait vécu, de la façon dont il était mort en
aimant, en pardonnant, se souvenant des mystérieuses apparitions où ils
l'avaient revu vivant, ils ont acquis la certitude que Jésus n'était pas
seulement un prophète comme les autres, mais qu'il était “Seigneur” ("Kurios"
disaient-ils, mot que l’on n'adressait qu’à Dieu). Ils ont osé croire et dire
que Dieu lui-même s'était rendu visible dans l'existence de cet homme,
son Fils. Quand il parlait, quand il agissait, c'était Dieu qui parlait et qui
agissait.
Bien plus, ils furent persuadés que le
Christ était encore et toujours avec eux par son Esprit qu'il leur avait
promis en les quittant, cet Esprit qui leur donnait la force de proclamer son
Nom partout, en dépit des difficultés.
Voilà l’expérience des apôtres en Dieu,
Père, Fils, Esprit ! Une expérience avant d’être une définition ! Il
est d’ailleurs à noter que le mot “Trinité” n'a jamais été prononcé, ni par les
apôtres, ni parmi les premières générations chrétiennes, ce qui ne les
empêchait pas de célébrer avec foi Dieu Père, Fils et Esprit.
C'est à la fin du 4ème siècle
seulement qu'on a parlé de Trinité. Pourquoi ? Il a bien fallu, à cause des
hésitations, à cause des erreurs sur la personne de Jésus et sur
l'Esprit-Saint, traduire ce mystère dans un langage humain qui ferait
référence.
Après de nombreuses péripéties, la foi des
chrétiens se formule et se fixe au concile de Nicée et au concile de
Constantinople.
A Nicée (325), on affirme que Jésus
n'est pas une créature mais qu'il est vraiment Dieu, “Fils de Dieu”.
A Constantinople (351), on affirme que Dieu
est “une seule nature en trois personnes”.
Et c’est de ce Concile que l’on a hérité notre “Je crois en Dieu…”.
Notions, concepts, formules théologiques
sont utiles pour traduire le mystère en langage de référence. Mais nous, nous
sommes, nous devons être comme les apôtres. Notre foi en la Sainte Trinité,
avant d'être un dogme et une formulation théologique, est une expérience,
l'expérience des apôtres, une expérience transmise et relue par les générations
chrétiennes.
Ainsi, nous ne prononçons pas souvent le
mot de “Trinité”, mais nous prononçons souvent les noms du Père, du Fils et du
Saint-Esprit. Et quand un enfant de trois-quatre ans s’essaye à faire son signe
de croix, il commence, lui aussi, à faire cette expérience du mystère de Dieu
Père, Fils et Esprit, de Dieu qui se révélera à lui aussi de plus en plus.
Nous-mêmes, n’hésitons pas à revisiter ce
signe de croix que nous faisons tous, reconnaissons-le, trop machinalement, en
y voyant bien la croix mais pas toujours la Sainte Trinité.
Je ne sais pas où j'ai lu ce très beau
commentaire mais je vous le livre:
- Au nom du Père, la main sur le
front, le siège de notre intelligence. Et c'est de là que part notre vie. Nous
affirmons, comme le faisaient déjà les apôtres, que le Père est source de la
vie.
- Au nom du Fils, la main
pratiquement sur le cœur, lieu symbolique de l'amour humain. Nous affirmons que
le Fils nous a aimés jusqu'à vivre notre vie d'homme, jusqu'à donner sa
vie. C'est l'Incarnation que nous affirmons ainsi, irréductible originalité de
l'expérience chrétienne.
- Au nom du Saint-Esprit, la main d'une
épaule à l'autre. C'est l'Esprit qui nous aide à porter témoignage du Christ
dans tous les horizons du monde.
- Amen. Oui, j'y crois, c'est vrai, c'est
solide comme un rocher, comme une pierre. J'y crois dur comme pierre.
Oui, nos prières, nos célébrations débutent
par ce signe de la Sainte Trinité, parce que notre prière s'adresse au Père, au
Fils et au Saint-Esprit, chaque jour, chaque dimanche, à la messe.
Et voyez : qu’est-ce qui fait le lien
entre nous tous ici rassemblés ce matin ? On le dit dès le début de la
messe : nous sommes rassemblés “au
nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit”. Et nous croyons qu’ainsi le
Christ est au milieu de nous. “Quand deux
ou trois sont réunis en mon Nom, a dit Jésus, je suis au milieu d'eux”.
La Prière Eucharistique célèbre bien la
mort et la Résurrection du Christ, mais elle est adressée au Père, par Jésus et
dans l'Esprit. Nous communierons tout à l'heure pour nous unir au Christ et
c'est au Père que nous demanderons “qu'ayant
part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l'Esprit-Saint
en un seul Corps”.
Oui, le dogme peut nous sembler quelquefois
complexe, mais notre expérience de croyant, même si elle balbutie souvent, ne
nous trompe pas. “Dis-moi comment tu
pries, je te dirai ce que tu crois”, disent les théologiens. Eh bien, nous
prions le Père, le Fils et l'Esprit-Saint.
Avec la Trinité, nous entrons dans un pays
aux dimensions humaines et divines tout à la fois, aux dimensions si diverses
et multiples que l’Eternité même ne pourra tarir notre émerveillement.
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