lundi 23 mai 2016

"Mathématique céleste !"

Sainte-Trinité 2016

Fête de la Sainte Trinité ! La Trinité, si l'on s'en tient à cette formule - la formule d'un nombre -, comment imaginer qu'elle puisse évoquer une fête ? Il y a d’autres fêtes qui nous parlent davantage : Noël, Pâques, et même la Pentecôte ! Oui, mais... la Trinité ?

Et la formule apprise au catéchisme n'arrange rien : “Un seul Dieu en trois personnes”. Formule à résonance abstraite qui décourage l'émotion, la piété.

Bien davantage, si la doctrine de la Trinité se met à avoir l'air d'une mathématique céleste : 3 = 1, comme l’on dit en souriant, si croire à la Trinité, c'est croire simplement en un Dieu divisible par trois, il n'y a pas de quoi faire la fête.
Cependant, au delà de ces plaisanteries faciles, les artistes et notamment les peintres se sont essayés, avec talent souvent, à évoquer le mystère dans cette complexité trinitaire ! Mais aucune image, aucun tableau ne suffisent à dissiper le brouillard.

Alors, comment comprendre ?
Pour nous y aider, il faut d'abord dire et retenir que le mystère de la Sainte Trinité, avant d'être un dogme, fut et est toujours une expérience, celle des apôtres d'abord, celle des premiers chrétiens, et aussi l'expérience des chrétiens d'aujourd'hui, la nôtre.

L’expérience des apôtres ! Ils avaient hérité, bien sûr, de la foi de leur peuple, du peuple Juif. Une foi en un Dieu Unique qui s'était affinée au long des siècles si marquée par le polythéisme ambiant. Ils croyaient en ce Dieu Unique et le priaient en toute confiance, redisant les mots des psalmistes : Dieu est notre rocher, un abri, une forteresse, un chemin, une lumière. L’expérience des apôtres, c'était d'abord cela.

Puis, ils ont fait une autre expérience. Pendant trois ans, ils ont partagé la vie de Jésus. Impossible de résumer leur découverte. Retenons seulement qu'après la mort de Jésus, se souvenant de la manière dont il avait vécu, de la façon dont il était mort en aimant, en pardonnant, se souvenant des mystérieuses apparitions où ils l'avaient revu vivant, ils ont acquis la certitude que Jésus n'était pas seulement un prophète comme les autres, mais qu'il était “Seigneur” ("Kurios" disaient-ils, mot que l’on n'adressait qu’à Dieu). Ils ont osé croire et dire que Dieu lui-même s'était rendu visible dans l'existence de cet homme, son Fils. Quand il parlait, quand il agissait, c'était Dieu qui parlait et qui agissait.

Bien plus, ils furent persuadés que le Christ était encore et toujours avec eux par son Esprit qu'il leur avait promis en les quittant, cet Esprit qui leur donnait la force de proclamer son Nom partout, en dépit des difficultés.

Voilà l’expérience des apôtres en Dieu, Père, Fils, Esprit ! Une expérience avant d’être une définition ! Il est d’ailleurs à noter que le mot “Trinité” n'a jamais été prononcé, ni par les apôtres, ni parmi les premières générations chrétiennes, ce qui ne les empêchait pas de célébrer avec foi Dieu Père, Fils et Esprit.

C'est à la fin du 4ème siècle seulement qu'on a parlé de Trinité. Pourquoi ? Il a bien fallu, à cause des hésitations, à cause des erreurs sur la personne de Jésus et sur l'Esprit-Saint, traduire ce mystère dans un langage humain qui ferait référence.

Après de nombreuses péripéties, la foi des chrétiens se formule et se fixe au concile de Nicée et au concile de Constantinople.
A Nicée (325), on affirme que Jésus n'est pas une créature mais qu'il est vraiment Dieu, “Fils de Dieu”.
A Constantinople (351), on affirme que Dieu est “une seule nature en trois personnes”. Et c’est de ce Concile que l’on a hérité notre “Je crois en Dieu…”.

Notions, concepts, formules théologiques sont utiles pour traduire le mystère en langage de référence. Mais nous, nous sommes, nous devons être comme les apôtres. Notre foi en la Sainte Trinité, avant d'être un dogme et une formulation théologique, est une expérience, l'expérience des apôtres, une expérience transmise et relue par les générations chrétiennes.

Ainsi, nous ne prononçons pas souvent le mot de “Trinité”, mais nous prononçons souvent les noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Et quand un enfant de trois-quatre ans s’essaye à faire son signe de croix, il commence, lui aussi, à faire cette expérience du mystère de Dieu Père, Fils et Esprit, de Dieu qui se révélera à lui aussi de plus en plus.

Nous-mêmes, n’hésitons pas à revisiter ce signe de croix que nous faisons tous, reconnaissons-le, trop machinalement, en y voyant bien la croix mais pas toujours la Sainte Trinité.

Je ne sais pas où j'ai lu ce très beau commentaire mais je vous le livre:
- Au nom du Père, la main sur le front, le siège de notre intelligence. Et c'est de là que part notre vie. Nous affirmons, comme le faisaient déjà les apôtres, que le Père est source de la vie.
- Au nom du Fils, la main pratiquement sur le cœur, lieu symbolique de l'amour humain. Nous affirmons que le Fils nous a aimés jusqu'à vivre notre vie d'homme, jusqu'à donner sa vie. C'est l'Incarnation que nous affirmons ainsi, irréductible originalité de l'expérience chrétienne.
- Au nom du Saint-Esprit, la main d'une épaule à l'autre. C'est l'Esprit qui nous aide à porter témoignage du Christ dans tous les horizons du monde.
- Amen. Oui, j'y crois, c'est vrai, c'est solide comme un rocher, comme une pierre. J'y crois dur comme pierre.

Oui, nos prières, nos célébrations débutent par ce signe de la Sainte Trinité, parce que notre prière s'adresse au Père, au Fils et au Saint-Esprit, chaque jour, chaque dimanche, à la messe.

Et voyez : qu’est-ce qui fait le lien entre nous tous ici rassemblés ce matin ? On le dit dès le début de la messe : nous sommes rassemblés “au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit”. Et nous croyons qu’ainsi le Christ est au milieu de nous. “Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, a dit Jésus, je suis au milieu d'eux”.
La Prière Eucharistique célèbre bien la mort et la Résurrection du Christ, mais elle est adressée au Père, par Jésus et dans l'Esprit. Nous communierons tout à l'heure pour nous unir au Christ et c'est au Père que nous demanderons “qu'ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l'Esprit-Saint en un seul Corps”.

Oui, le dogme peut nous sembler quelquefois complexe, mais notre expérience de croyant, même si elle balbutie souvent, ne nous trompe pas. “Dis-moi comment tu pries, je te dirai ce que tu crois”, disent les théologiens. Eh bien, nous prions le Père, le Fils et l'Esprit-Saint.

Avec la Trinité, nous entrons dans un pays aux dimensions humaines et divines tout à la fois, aux dimensions si diverses et multiples que l’Eternité même ne pourra tarir notre émerveillement.

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