dimanche 1 mai 2016

Absence - Présence !

6e Dimanche de Pâques 16

Cet évangile fait partie du discours d'adieu de Jésus, le jeudi au soir, veille de sa mort. Les amis de Jésus sont “bouleversés et effrayés”, selon la remarque de Jésus. Mais ce soir “unique” où Jésus annonce son départ, n'est-il pas le symbole de la situation typique dans laquelle se trouvent tous les hommes face au problème de Dieu ?

Les Apôtres, ce soir-là, se demandent ”où va Jésus”. Ils ne savent pas le chemin pour” le rejoindre”. 
Les hommes ne savent toujours pas ! Et nous-mêmes ? - Et l'humanité continue toujours à se poser ces lancinantes questions : “Où est Dieu ?” - “Comment l'atteindre ?” L’actuelle indifférence religieuse n’est sans doute pas une position très réfléchie, mais plutôt une position “de fait” devant la difficulté réelle de “rencontrer” Dieu. Et nous-mêmes, souvent, nous laissons Dieu de côté... comme s'il n'existait pas ! Bien plus, l'impression d'être parfois devant un silence, le “silence de Dieu” a découragé tant de nos prières que nous finissons par ne plus prier.

Ecoutons aujourd'hui Notre Seigneur avec l'oreille de notre cœur : "Je m'en vais... et je reviens...", dit-il !   Absence - présence tout à la fois !
Ce passage d'évangile de ce jour est justement présenté par Jean comme la réponse de Jésus à une question d'un Apôtre, Jude : “Seigneur, comment se fait-il  que tu ne te manifestes qu'à nous, et non pas au monde?”

Les juifs, (comme nous-mêmes parfois et nos contemporains), se faisaient de Dieu une idée de “puissance”. On attendait alors (et on attend toujours) un Dieu qui se montre un peu plus, un messie politico-puissant, qui triompherait de ses ennemis et résoudrait facilement problèmes, ennuis, questions.
D'ailleurs, les Apôtres eux-mêmes, à plusieurs reprises, ont demandé à Jésus de jouer ce rôle “royal”, triomphant. Telle est la conception que, parfois, nous nous faisons de Dieu.

Or, Jésus s'est montré tout autre. Dieu, en Jésus, s'est révélé divinement respectueux de la liberté de ceux qu'il aime. L'amour ne “force” pas, ne contraint pas. Toujours, Jésus propose : “si tu veux...”. Dans une de ses paraboles, il mettra en scène un “père” qui laisse partir loin de lui son enfant. Et il sera toujours en attente de son retour...

L'infinie discrétion de Dieu, qui ne s'impose à personne, est une des caractéristiques de son amour. Le même évangéliste Jean représente Dieu, dans son apocalypse, sous les traits de “l’ami qui vient un soir frapper à notre porte, et qui attend, dehors, qu'on lui ouvre, pour entrer et prendre le repas en tête à tête avec nous”. (Apc. 3/20).

1) Aussi, évoquant son futur état de ressuscité, Jésus parle, de manière assez curieuse, de “présence-absence” :“Je m'en vais, et je reviens...”. Par là, ne veut-il pas évoquer l'une des expériences les plus universelles de l'amour ? Quand on aime quelqu'un, ne nous arrive-t-il pas, même en son absence physique, de nous surprendre à lui parler, comme s'il était là..., de “sentir” sa présence, alors qu'il est absent.
La présence de Dieu doit être de ce genre-là, plutôt que du genre “théophanie bruyante au milieu des éclairs et du tonnerre”, comme ce fut le cas pour Moïse et les Hébreux au désert. Mais c'était alors comme un premier langage de Dieu pour mieux réveiller la conscience humaine errante et dévoyée. Mais Dieu n'agit pas toujours ainsi tellement il veut respecter notre conscience intelligente !
Il nous faut donc, d'abord, abandonner l'idée naturelle que nous nous faisons de Dieu..., renoncer à Lui attribuer spontanément ce rôle dominateur, si pratiqué entre les hommes ! Il ne se manifestera pas spectaculairement, comme le Lui demandait Jude..., il est “l'ami” qui part et qui revient, l'ami qui frappe à la porte et attend..., sans forcer la porte !

2) Et Jésus ajoute : “Si quelqu'un m'aime... nous viendrons chez lui...”. Il s'agit donc d'une présence aimante, de cet amour dont parle si souvent St Jean ! Une présence d'amour !
Voilà la seule manifestation que Dieu a décidé de faire. Il vient habiter au cœur de ceux qui l'accueillent et croient en lui. Autrement dit, il ne sera reconnu comme présent que par ceux qui l'aiment... comme sont présents à nos vies les absents que nous aimons... ! Pour tous les autres, Dieu semble, de fait, absent !

Cette affirmation de Jésus est la dernière et la suprême révélation de toute la Bible. Dans quelques minutes, Jésus va se taire. On va le tuer. Mais auparavant, dans une dernière confidence, il révèle ce que toute l'Écriture annonçait, prophétisait, proclamait : les fils d'Adam, même pécheurs, sont appelés à devenir “demeure de Dieu”. “Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, et nous viendrons chez lui, et nous irons demeurer auprès de lui.”

Les juifs, à travers le Temple de Jérusalem, éprouvaient sincèrement une présence réelle de Dieu. Leur attachement au Temple exprimait cette conviction d'être devant la “shekinah”, la “présence ineffable” de Dieu.
Mais nous savons que Dieu n'est pas d'abord présent dans les pierres que nous lui édifions, dans nos églises. Le vrai Temple, celui qui “fut détruit et relevé en trois jours”  (Jn 2/19), c'est le “Corps” du Christ. En Jésus habitait ”corporellement la divinité” (Col. 2/9). Qui voyait Jésus voyait le Père (Jn 12/45). Jésus a vraiment réalisé une “présence réelle” de Dieu, comme le Temple de Jérusalem ne l'avait jamais pu

Mais ici, l'évangile va encore plus loin, en nous disant, en osant nous dire, qu'à partir de son départ, la présence de Jésus sera assurée par les chrétiens, par ceux qui l'aiment. Les croyants deviennent, doivent devenir les nouveaux lieux de la ”présence de Dieu”... la nouvelle ”demeure” de Dieu !

3) Et Jésus ajoute encore : “Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole... “
La présence d'une parole vécue !
Si Jésus a fait allusion à la présence de “l'ami”, de celui qui aime, il prend maintenant une autre expérience humaine toute simple. Entre ceux qui s'aiment, il y a dialogue, écoute, parole, il y a communication spirituelle. Rien de pire, pour nos amours humaines, que certains silences qui durent et durent encore ! C'est ainsi, hélas, que l'amour meurt parfois.

En faisant allusion à sa parole, écoutée, accueillie, aimée, Jésus nous donne une des clefs de toute vie chrétienne. La parole de Jésus, (Evangile), la parole de Dieu, (la Bible)... sont comme des sacrements de la présence de Dieu. ”Notre cœur n'était--il pas brûlant, tandis qu'il nous parlait en chemin.?”, s'exclamaient les disciples d'Emmaüs. C'est un fait : nous n'avons pas la présence physique, humaine de Jésus, mais, pour qui l'aime, quelle merveille d'avoir sa pensée, sa parole !

Notons toutefois que Jésus ne parle pas seulement d'une parole reçue intellectuellement... C'est déjà bien, certes, mais non suffisant !  Il parle d'une parole ”à laquelle on est fidèle”, d'une parole mise en pratique ; d'une parole qui, étant vécue, rend réellement présent, concrètement, celui qui la prononce. Vivre “selon une parole” d'un autre, c'est, pour ainsi dire, le rendre présent à travers nos propres comportements qui correspondent à ce qu’il pense.

De plus, la “parole” de JÉSUS n'est pas seulement une chose..., un son, mais quelqu'un ! ”L'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.”

Jésus parti, il y a un autre qui vient prendre le relai de la” parole”, une sorte de répétiteur divin, l'Esprit. Ainsi, nous ne sommes pas seulement devant l'accueil global et abstrait d'une pensée, d'une parole : il y a une personne qui est là, et qui, vivant en nous, nous la redit.

J’évoquais, au début, l'impression que nous avons d'un Dieu absent Et je faisais l'hypothèse que l’indifférence religieuse est la conséquence comme naturelle de cette “absence”.

Si nous ne pouvons combler pleinement cette absence, du moins, aujourd’hui, sachons écouter Jésus qui nous révèle les moyens que nous avons d'entrer en contact avec le Père :
- c'est une question d'amour, nous a-t-il dit... : "Si quelqu'un m'aime...".
- et, ajoute-t-il, si vous n'éprouvez pas ma présence, passez donc un peu de temps à méditer ma parole... ! Et si vous m'aimez, vous aurez ce souci de communier à mes paroles... Ne vous attendez pas à une présence bruyante et éclatante : écoutez... écoutez, ne faites pas de bruit... je suis là au plus intime... je demeure en vous... !
- c'est une présence “spirituelle”, en ce sens qu'il s'agit de la présence de mon Esprit - l'Esprit-Saint - en vous !.

Finalement, Dieu ne cesse d'être présent.   Mais, c'est peut-être nous qui, pour Lui, sommes absents !

Aucun commentaire: