6e
Dimanche de Pâques 16
Cet
évangile fait partie du discours d'adieu de Jésus, le jeudi au soir, veille de
sa mort. Les amis de Jésus sont “bouleversés
et effrayés”, selon la remarque de Jésus. Mais ce soir “unique” où Jésus
annonce son départ, n'est-il pas le symbole de la situation typique dans
laquelle se trouvent tous les hommes face au problème de Dieu ?
Les
Apôtres, ce soir-là, se demandent ”où va
Jésus”. Ils ne savent pas le chemin pour”
le rejoindre”.
Les
hommes ne savent toujours pas ! Et nous-mêmes ? - Et l'humanité continue
toujours à se poser ces lancinantes questions : “Où est Dieu ?” - “Comment
l'atteindre ?” L’actuelle indifférence religieuse n’est sans doute pas une
position très réfléchie, mais plutôt une position “de fait” devant la difficulté
réelle de “rencontrer” Dieu. Et nous-mêmes, souvent, nous laissons Dieu de
côté... comme s'il n'existait pas ! Bien plus, l'impression d'être parfois
devant un silence, le “silence de Dieu” a découragé tant de nos prières
que nous finissons par ne plus prier.
Ecoutons
aujourd'hui Notre Seigneur avec l'oreille de notre cœur : "Je m'en vais... et je reviens...", dit-il ! Absence - présence tout à la fois !
Ce
passage d'évangile de ce jour est justement présenté par Jean comme la réponse
de Jésus à une question d'un Apôtre, Jude : “Seigneur,
comment se fait-il que tu ne te
manifestes qu'à nous, et non pas au monde?”
Les
juifs,
(comme nous-mêmes parfois et nos contemporains), se faisaient de Dieu une idée de
“puissance”. On attendait alors (et on attend toujours) un Dieu qui se montre un peu plus,
un messie politico-puissant, qui triompherait de ses ennemis et résoudrait
facilement problèmes, ennuis, questions.
D'ailleurs,
les Apôtres eux-mêmes, à plusieurs reprises, ont demandé à Jésus de jouer ce
rôle “royal”, triomphant. Telle est la conception que, parfois, nous nous
faisons de Dieu.
Or,
Jésus s'est montré tout autre. Dieu, en Jésus, s'est révélé divinement
respectueux de la liberté de ceux qu'il aime. L'amour ne “force” pas, ne
contraint pas. Toujours, Jésus propose : “si
tu veux...”. Dans une de ses paraboles, il mettra en scène un “père” qui
laisse partir loin de lui son enfant. Et il sera toujours en attente de son
retour...
L'infinie
discrétion de Dieu,
qui ne s'impose à personne, est une des caractéristiques de son amour. Le même
évangéliste Jean représente Dieu, dans son apocalypse, sous les traits de “l’ami qui vient un soir frapper à notre
porte, et qui attend, dehors, qu'on lui ouvre, pour entrer et prendre le repas
en tête à tête avec nous”. (Apc. 3/20).
1) Aussi, évoquant
son futur état de ressuscité, Jésus parle, de manière assez curieuse, de “présence-absence”
:“Je m'en vais, et je reviens...”. Par là, ne veut-il pas évoquer l'une
des expériences les plus universelles de l'amour ? Quand on aime quelqu'un, ne
nous arrive-t-il pas, même en son absence physique, de nous surprendre à lui
parler, comme s'il était là..., de “sentir” sa présence, alors qu'il est
absent.
La présence
de Dieu doit être de ce genre-là, plutôt que du genre “théophanie bruyante au
milieu des éclairs et du tonnerre”, comme ce fut le cas pour Moïse et les
Hébreux au désert. Mais c'était alors comme un premier langage de Dieu pour
mieux réveiller la conscience humaine errante et dévoyée. Mais Dieu n'agit pas
toujours ainsi tellement il veut respecter notre conscience intelligente !
Il
nous faut donc, d'abord, abandonner l'idée naturelle que nous nous faisons de
Dieu..., renoncer à Lui attribuer spontanément ce rôle dominateur, si pratiqué
entre les hommes ! Il ne se manifestera pas spectaculairement, comme le Lui
demandait Jude..., il est “l'ami” qui
part et qui revient, l'ami qui frappe à la porte et attend..., sans forcer la
porte !
2) Et Jésus ajoute : “Si
quelqu'un m'aime... nous viendrons chez lui...”. Il s'agit donc d'une présence
aimante, de cet amour dont parle si souvent St Jean ! Une présence
d'amour !
Voilà
la seule manifestation que Dieu a décidé de faire. Il vient habiter au cœur de
ceux qui l'accueillent et croient en lui. Autrement dit, il ne sera reconnu
comme présent que par ceux qui l'aiment... comme sont présents à nos vies les
absents que nous aimons... ! Pour tous les autres, Dieu semble, de fait, absent
!
Cette
affirmation de Jésus est la dernière et la suprême révélation de toute la
Bible. Dans quelques minutes, Jésus va se taire. On va le tuer. Mais
auparavant, dans une dernière confidence, il révèle ce que toute l'Écriture annonçait,
prophétisait, proclamait : les fils d'Adam, même pécheurs, sont appelés à
devenir “demeure de Dieu”. “Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera,
et nous viendrons chez lui, et nous irons demeurer auprès de lui.”
Les
juifs, à travers le Temple de Jérusalem, éprouvaient sincèrement une présence
réelle de Dieu. Leur attachement au Temple exprimait cette conviction d'être devant
la “shekinah”, la “présence ineffable” de Dieu.
Mais
nous savons que Dieu n'est pas d'abord présent dans les pierres que nous lui
édifions, dans nos églises. Le vrai Temple, celui qui “fut détruit et relevé en trois jours”
(Jn
2/19),
c'est le “Corps” du Christ. En
Jésus habitait ”corporellement la
divinité” (Col.
2/9).
Qui voyait Jésus voyait le Père (Jn 12/45). Jésus a vraiment réalisé une “présence
réelle” de Dieu, comme le Temple de Jérusalem ne l'avait jamais pu
Mais
ici, l'évangile va encore plus loin, en nous disant, en osant nous dire, qu'à
partir de son départ, la présence de Jésus sera assurée par les
chrétiens, par ceux qui l'aiment. Les croyants deviennent, doivent
devenir les nouveaux lieux de la ”présence
de Dieu”... la nouvelle ”demeure” de
Dieu !
3) Et Jésus ajoute encore
: “Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle
à ma parole... “
La
présence d'une parole vécue !
Si
Jésus a fait allusion à la présence de “l'ami”, de celui qui aime, il prend
maintenant une autre expérience humaine toute simple. Entre ceux qui s'aiment, il
y a dialogue, écoute, parole, il y a communication spirituelle. Rien de
pire, pour nos amours humaines, que certains silences qui durent et durent
encore ! C'est ainsi, hélas, que l'amour meurt parfois.
En
faisant allusion à sa parole, écoutée, accueillie, aimée, Jésus nous donne une
des clefs de toute vie chrétienne. La parole de Jésus, (Evangile), la parole de
Dieu, (la
Bible)...
sont comme des sacrements de la présence de Dieu. ”Notre cœur n'était--il pas brûlant, tandis qu'il nous parlait en
chemin.?”, s'exclamaient les disciples d'Emmaüs. C'est un fait : nous n'avons pas la présence physique, humaine de
Jésus, mais, pour qui l'aime, quelle merveille d'avoir sa pensée, sa parole
!
Notons
toutefois que Jésus ne parle pas seulement d'une parole reçue intellectuellement...
C'est déjà bien, certes, mais non suffisant ! Il parle d'une parole ”à laquelle on est fidèle”,
d'une parole mise en pratique ; d'une parole qui, étant vécue, rend
réellement présent, concrètement, celui qui la prononce. Vivre “selon une
parole” d'un autre, c'est, pour ainsi dire, le rendre présent à travers nos
propres comportements qui correspondent à ce qu’il pense.
De
plus, la “parole” de JÉSUS n'est pas
seulement une chose..., un son, mais quelqu'un ! ”L'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.”
Jésus
parti, il y a un autre qui vient prendre le relai de la” parole”, une sorte de répétiteur divin, l'Esprit. Ainsi, nous ne
sommes pas seulement devant l'accueil global et abstrait d'une pensée, d'une
parole : il y a une personne qui est là, et qui, vivant en nous, nous la redit.
J’évoquais,
au début, l'impression que nous avons d'un Dieu absent Et je faisais
l'hypothèse que l’indifférence religieuse est la conséquence comme naturelle de
cette “absence”.
Si
nous ne pouvons combler pleinement cette absence, du moins, aujourd’hui,
sachons écouter Jésus qui nous révèle les moyens que nous avons d'entrer en
contact avec le Père :
-
c'est une question d'amour, nous a-t-il dit... : "Si quelqu'un m'aime...".
- et,
ajoute-t-il, si vous n'éprouvez pas ma présence, passez donc un peu de temps à méditer
ma parole... ! Et si vous m'aimez, vous aurez ce souci de communier à mes
paroles... Ne vous attendez pas à une présence bruyante et éclatante : écoutez...
écoutez, ne faites pas de bruit... je suis là au plus intime... je demeure en
vous... !
-
c'est une présence “spirituelle”, en ce sens qu'il s'agit de la présence
de mon Esprit - l'Esprit-Saint - en vous !.
Finalement,
Dieu ne cesse d'être présent. Mais,
c'est peut-être nous qui, pour Lui, sommes absents !
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