2ème
Dimanche de Pâques - 2016 - "Mon Seigneur et mon Dieu !"
Nous connaissons l'apôtre Thomas à cause,
surtout, de son refus obstiné de croire à la résurrection de Jésus.
C’est le récit que l’on vient d’entendre.
Mais l'évangile de Jean nous le montre
aussi quelques semaines auparavant déjà désabusé,
sceptique et terre à terre. Lorsqu'il apprend que Jésus veut retourner vers
Jérusalem où ses ennemis l’attendent, il dit aux autres disciples, avec
mauvaise humeur : “Et bien, allons-y nous
aussi et mourons avec lui !”. Un humour un peu noir quand même !
Mais cela nous est fréquent, à nous aussi !
Thomas admirait Jésus, il l'aimait
certainement, mais il n'arrivait pas à croire en sa mission de Messie
Sauveur.
Un peu plus tard, au soir du Jeudi Saint, Jésus
raconte une petite parabole : celle de cette "Maison du Père" où il
va se rendre le premier pour préparer la place à ses amis. C'est une
parabole du mystère de Pâques. Et Jésus de conclure : “Vous connaissez le chemin”. Alors Thomas - encore lui - objecte
brutalement, avec agacement : “Nous ne
savons même pas où tu vas, comment pouvons-nous connaître le chemin ?”. Il
prend les paroles de Jésus au plus court et il refuse d'ouvrir son intelligence
à ce qui se trouve hors de ses perspectives habituelles de simple pêcheur
galiléen. Cela aussi nous est fréquent !
Oui ! Thomas est un homme de bon sens à qui
on ne peut en conter facilement. Alors il n'est pas étonnant de le retrouver
après Pâques refusant de croire jusqu'à ce que le Ressuscité lui-même vienne
à sa rencontre et lui arrache ce cri qui résume toute la foi chrétienne
: “Mon Seigneur et mon Dieu !”.
Souvent Dieu, quand il entre dans une âme, opère une radicale inversion de
valeurs.
Et nous aujourd'hui, où en sommes-nous ?
Vous le savez, même parmi ceux qui
s'estiment chrétiens, beaucoup sont comme Thomas, attachés à un apparent
"bon sens" qui ne laisse place qu'à une foi fragile et une espérance
courte.
Ils voient surtout en Jésus un souvenir
émouvant, un personnage admirable, mais comme on admire une grande figure du
passé, comme on peut faire mémoire d'un défunt valeureux. Mais, en réalité, ils
n'attendent rien de lui. Pour eux il n'est pas véritablement le Messie Sauveur.
Aussi s’engager totalement à la suite de
Jésus manque de “bon sens”, d’un “bon sens” à la mode. Et il est bien vrai
qu'aujourd'hui s’engager à la suite de Jésus est un risque en notre monde
actuel. Et beaucoup, désabusés comme Thomas, vont répétant à sa suite, avec
quand même une certaine fidélité conservée depuis l'enfance : “Et bien, suivons Jésus, et mourons avec
lui !”.
Et finalement, ils ne savent pas si bien
dire ! Car il est vrai qu'avec Jésus, c’est une mort assurée à bien des valeurs
actuelles du monde. Une mort digne et estimable sans doute, mais une mort quand
même,... pense-t-on inconsciemment.
C'est alors qu'il faut demander la grâce
pascale, une grâce toujours renouvelable : car pour vivre avec cette foi
demandée par le Ressuscité à Thomas : “Ne
sois plus incrédule mais croyant !”, il ne suffit pas de croire que Jésus
est mort d'une manière exemplaire. Pour vivre avec le Messie Sauveur, nous
avons besoin non d'un mort mais d'un vivant ! C'est un vivant que nous
prions, c'est à l'amour d'un vivant que nous voulons répondre.
Et seul celui qui a dit : “Je suis le chemin, la vérité et la vie”
(Jn
14.6)
peut donner sens à notre vie de chaque jour par-delà les signes de mort en
notre monde d’aujourd’hui et par-delà la mort elle-même, parce que Lui, Jésus,
a vaincu la mort.
Notre monde est ravagé par tant de conflits,
de haines et de guerres. Seule la puissance de vie du Ressuscité peut
nous libérer du désespoir et de la mort. Seule elle peut faire de nous des
lutteurs aptes à servir nos frères comme Lui les a servis et aimés jusqu'au
bout. Son amour n'a pas été celui d'une mondaine bienséance spirituelle, très
éloignée souvent d'une véritable foi !
Telle est bien le fondement de notre foi et
nous nous réjouissons de partager l'assurance de Paul lorsqu'il s'écrie : “Pour moi, vivre c'est le Christ. Ressuscité
des morts, le Christ ne meurt plus... Et nous, nous vivons avec lui, nous
sommes vivants pour Dieu en Jésus Christ” (Rm 6.8-9). Et nous sommes
heureux d'entendre le Christ nous dire à l'oreille de notre cœur, comme à celui
de St Jean quand il écrivait son Apocalypse : "Je suis le Vivant !".
Cependant, il faut l'admettre en toute
modestie : ce n'est pas toujours avec l'assurance victorieuse de St Paul que
nous pouvons reconnaître ce "Vivant", mais souvent avec les lenteurs
et les perplexités de Thomas, dans les tâtonnements, les clairs-obscurs,
l'aridité d'une foi où, à certaines heures, l'ombre semble l'emporter sur la
lumière.
Nous sommes alors, diversement et tour à
tour, comme Jean et Pierre devant le tombeau vide : Jean a cru, dit l’évangile,
mais sans rien voir d'autre qu'un linceul. Pierre, lui, a attendu jusqu'au soir
que l'évidence s'impose à lui.
Nous aussi, il nous faut souvent prendre
patience sans nous départir de notre attachement profond au Christ. Le
témoignage d'innombrables croyants depuis des siècles nous apprend que le
Seigneur peut se cacher au plus profond de nous-mêmes et ne se révéler qu'en
plein cœur de la nuit pour ceux qui ont su veiller et prier.
A Pâques, les disciples de Jésus l'ont vu
et reconnu dans la simplicité et l'intimité. Ils ont partagé son action de
grâce dans les repas de l'amitié à Emmaüs, à Jérusalem ou plus tard au bord du
lac de Galilée.
Ensuite, c'est en dehors de sa présence
sensible qu'ils ont dû vivre longtemps avec lui, pour lui.
Sans entendre le timbre de sa voix, ils ont
dû se souvenir de ses paroles pour les répéter et témoigner devant juifs et
païens.
Sans revoir son visage, ni toucher la
marque de ses blessures, ils l'ont aimé et ils l'ont fait aimer.
En obéissant à sa parole : “Faites ceci en mémoire de moi”, ils ont
partagé le pain et bu à la coupe. C'est dans ce geste qu'on le retrouve vivant
mais reconnu seulement par la foi, comme en cet instant qui nous rassemble. Que
le Seigneur est bon et grand de nous avoir laissé le signe de son Eucharistie
qui actualise tout son mystère pascal !
Et cela a suffi pour que St Pierre puisse
écrire à ses chrétiens : “Même s'il faut
que, pour un peu de temps, vous soyez affligés par diverses épreuves, vous qui
aimez le Christ sans l'avoir vu, qui croyez sans le voir encore..,. déjà vous
tressaillez d'une indicible joie, en emportant comme prix de la foi, le salut
de vos âmes" (I
Pir. 1.6,8-9).
Aussi, “Bienheureux,
dit Jésus, ceux qui n'ont pas vu et qui
ont cru”. Dans l’évangile, c’est, me semble-t-il, la “béatitude des
béatitudes” ! Ce bonheur de croire, l'Esprit Saint, l'Esprit de Jésus
Christ nous presse de l'accueillir. Il ne pose qu'une seule condition : que
nous en ayons le désir. Comme le proclame le livre de l'Apocalypse : “Que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme
de désir reçoive l'eau de la vie gratuitement” (Apoc. 22.17).
Et c'est ainsi que nous pouvons comprendre
du moins le grand appel des premiers martyrs, des martyrs comme Siméon Berneux
que nous avons fêté récemment, des martyrs d'aujourd'hui persécutés et
cependant comblés d'espérance au point de s'écrier : “Maranatha, viens, reviens Seigneur Jésus ! Aujourd’hui, demain et pour
toujours !” (Cf.
Apoc. 22.20)...
Ce sont là les derniers mots de la Bible
qui nous engagent à cette foi au Christ ressuscité qui viendra combler
l'attente de notre foi !
Et c'est ainsi que nous pouvons faire la
merveilleuse expérience de l'immense et infinie miséricorde de Dieu à
notre égard qui sans cesse nous invite à passer du doute à la foi, cette foi
qui nous prépare déjà à la vision éternelle.
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