3ème
Dimanche de Pâques - 2016 -
"Vous
dites que Jésus est toujours vivant ! Eh bien, qu'il se montre ! Depuis le
temps que je souffre, j'ai l'impression que Dieu est très loin, s'il existe. Et
s'il existe, pourquoi tant de souffrances, de haines, d'injustices ?".
Ces cris de révolte, jaillis du cœur des
blessures humaines, nous les entendons chaque jour. Comment ne pas les
redire, au lendemain de cette fête de Pâques où nous proclamons le Christ
ressuscité ? Le Christ, toujours vivant !
Alors que tant d'hommes et de femmes
aujourd'hui croient que Dieu a déserté ce monde, peut-on croire encore que
Jésus est là, sur le rivage des eaux de nos vies parfois si tumultueuses, si
vides, si angoissantes ?
Oui, nous sommes souvent comme ces
disciples qui repartent, jour après jour, jeter leur filet. Ils font leur
travail de pêcheurs. Comme eux, avec, souvent, plus de courage que d'entrain,
nous reprenons chaque matin une journée de travail, de peine, de soucis ou de
maladie... Et comme eux, nous nous activons souvent sans rien prendre,
c'est-à-dire sans que notre vie ne donne de ces fruits qui apportent joie,
paix, confiance, enthousiasme.
Alors, la nuit risque de tout envahir :
nuit de peine, de tristesse, de désespoir, nuit "sans lever du jour",
sans ces petits matins qui réveillent et dynamisent à nouveau.
Cette nuit humaine, certains la connaissent
bien : les malades, ceux qui connaissent échecs de toutes sortes : soucis
familiaux si nombreux aujourd'hui, souci d'un travail introuvable, etc… Et quelques-uns vont jusqu'à dire : "je n'en peux plus ; je ne sais que
faire, j'ai honte, je voudrais disparaître… !". Combien de fois j'ai
entendu - vous avez entendu - avec déchirements au cœur, ces réflexions de la
part de ceux qui croient au diable sans trop croire en Dieu. Ils viennent
parfois voir le prêtre qui, seul, pensent-ils, peut ôter toute diabolisation !
Et pourtant, l’évangéliste répète... qu'aujourd'hui
encore Jésus se manifeste sur le rivage de la vie des hommes...!".
Mais remarquons d'abord que dans l'évangile
de ce jour il n'y a rien d'extraordinaire dans les gestes de Jésus : il est
là..., simplement ! Il est là ! Et il demande : "Les enfants, auriez-vous du poisson
?"..… et encore : "Apportez
donc de ces poissons que vous venez de prendre !".
Demandes simples, mille et mille fois
répétées depuis
par les hommes et les femmes qui réclament
à manger,
par tous ceux qui en appellent au partage,
par tous ceux qui crient leur désir de
vivre,
par tous ceux qui ne réclament qu'un signe
d'amitié, qu'un sourire réconfortant et qui ne veulent pas être oubliés sur la
marge de l'humanité.
Voix de tous les souffrants quels qu'ils
soient et qui, par leurs appels, manifestent déjà, inconsciemment, la présence
du Ressuscité dans notre monde : "Auriez-vous
quelque chose à manger ?", répètent-ils. Auriez-vous quelque chose à
me donner - même un simple verre d'eau, disait Jésus en son temps, même un
simple sourire réconfortant ?
C'est toujours la voix du Seigneur qui
quémande. Et qu'allons-nous répondre ? Le pape François ne cesse de
remarquer : toutes les lois d'une bonne navigation de vie, tous les
commandements d'une bonne conduite etc. toute l'autorité d'un maître avisé n'y
suffiront s'il n'y a pas l'amour !
Car devant ces divers cris d'humanité en
détresse, oserons-nous dire comme Jean et reconnaître : "C'est le Seigneur !".
Aurons-nous alors autant de cœur que ces
disciples qui repartent jeter leurs filets, malgré la fatigue d'une nuit de
travail stérile ? Serons-nous assez ouverts et disponibles pour nous laisser
remuer par les demandes de ceux qui s'adressent à nous ?
Dans la demande du Christ et dans la
réponse des disciples, tout à la fois, oui, déjà là, le Christ se manifeste.
Dans l'appel des uns et dans l'écoute
accueillante et active des autres, oui, déjà là, le Christ se manifeste.
Mais il faut aller plus loin : le Christ
parle et les disciples surmontent l'échec désespérant d'une "nuit sans rien prendre". Ils
se remettent à l'œuvre, et alors le filet se remplit, comme jamais il ne
s'était rempli. La stérilité fait place à la fécondité... le désespoir est
vaincu, la confiance et le courage l'ont emporté sur la résignation et
l'abandon.
Alors, le premier disciple proclame : "C'est le Seigneur !".
Et Pierre se jette à l'eau.
... comme tous ceux qui osent accorder de
l'importance aux moindres petits signes d'espoir.
... comme ceux qui savent répéter ce
proverbe (chinois) : "Mieux vaut
allumer une minuscule chandelle que de maudire l'obscurité".
... comme ces hommes et ces femmes de tous
les jours et de tous les pays qui repartent chaque matin glaner les quelques
fruits de labeur pour vivre,
... comme ces malades très atteints qui
s'accrochent à la vie, qui osent sourire et accueillir malgré le poids de leur
douleur,
... comme tous ceux qui affirment : "Si je n'avais pas la foi, il y a
longtemps que j'aurais mis fin à ma vie !"
Car, par le cri des uns et par l'écoute
aimante des autres, un refrain alors se murmure, s'enfle et éclate : "C'est le Seigneur !",
Oui, c'est bien Lui qui est présent chaque fois que le cœur de l'un est aidé
par l'autre à surmonter le désespoir, chaque fois que la vie continue quand
même.
Et comme dans un filet bien rempli, tous
recueillent les fruits de leur foi et de leur courage en autant de moments de
paix profonde et de joie intense.
Ils savent recueillir ces moments... Bien
plus, ils les partagent.
Car il faut aller encore plus loin... ... jusqu'au repas au bord du lac, où Jésus rassemble
les disciples pour leur donner à manger... de ces poissons qu'ils ont eux-mêmes
rapportés.
Dernier signe de la présence du Christ
ressuscité : il rassemble les hommes et leur partage le pain qui
fait vivre.
Alors, tous savent que c'est bien Lui, le
Seigneur, présent au milieu d'eux.
Le repas partagé, le rassemblement
de tous, la communion dont nul n'est exclu, comme cette Eucharistie
célébrée aujourd'hui par des millions d'hommes et de femmes dans le monde
entier, les voilà bien les signes décisifs de la présence du Christ, vivant au
milieu de nous.
Présence du Christ ressuscité
dans nos cris d'affamés de bonheur
et aussi dans nos gestes quotidiens de
partage
et dans ces multiples moments de joie
partagée,
dans ces invitations faites à l'inconnu de
s'asseoir auprès de nous,
dans ces amitiés acceptées... !
Oui, n'allons pas chercher le Christ ressuscité
loin de nos lieux de vie, loin de notre ordinaire.
Sachons l'entendre dans les appels de ces
frères qui nous sont parfois si proches !
Sachons le reconnaître dans les échecs
surmontés. Et sachons le célébrer dans tous les gestes de partage.
Écoutons sa Parole qui nous redit : "Confiance... Allez plus loin... N'ayez
pas peur !".
...et prêtons-lui nos bras, nos esprits et
nos cœurs pour que davantage d'hommes et de femmes soient touchés par son
Amour.
Et je terminerai par cette remarque :
Ce que je viens de dire, je le crois
profondément.
Ce que je viens de dire n'est pas toujours
facile à entendre et à mettre en pratique. Bien sûr !
Mais une chose est pour moi d'une certitude
absolue : Par-delà conseils, observances, commandements et que sais-je encore...
de tout l'arsenal de moralité, c'est l'amour qui l'emportera, l'Amour du
Christ qui, lui-même, a vaincu toute mort ! Et surtout la mort du premier
péché, l'orgueil du premier homme, cet orgueil de l'homme de tout temps qui le
rend si aveugle pour mieux reconnaître le Seigneur sur le rivage de notre vie !
C'est seulement cet amour qui légitime
notre cri : "C'est le Seigneur
!". Il est là !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire