dimanche 31 janvier 2016

La Foi !

4ème dimanche Ord. 16/C -

“Ils s’étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche !”

Et nous qui sommes rassemblés pour célébrer le jour du Seigneur, sommes-nous étonnés, émerveillés du message du Christ - Parole de Dieu faite homme - ? Est-il source de grâce pour notre vie ? Ou serions-nous comme les compatriotes de Jésus indifférents ou même hostiles ?
Notre foi proclamée chaque dimanche nous dispose-t-elle à accueillir ce message de grâce ?

Mais qu'est-ce que la foi ?
Oserais-je ce jeu de mots : la foi n'est pas ce que l'on croit ! …
Et il faut toujours reprendre la vieille et très utile distinction (de St Augustin) :
- La foi, c’est ce à quoi l’on croit, ce que l'on croit.
- La foi, c’est aussi ce par quoi on croit !

Ce que l’on croit”, "ce à quoi l'on croit", désigne un ensemble dogmatique, liturgique, moral, un “contenu”, que l'on nomme la « foi chrétienne » !
Pour beaucoup, ce “contenu” va “de soi”, parce que transmis à nous par nos parents. “Pourquoi suis-je chrétien ?” On ne se pose même pas la question. Je suis chrétien, comme je suis français…. Je n'ai pas choisi, mes parents non plus, ni non plus les leurs d'arrière en arrière. Le choix, quand il fut fait, sous l'inspiration de l'Esprit, remonte peut-être à St Martin, à St Julien…

Et il faut rendre hommage à cet aspect de la foi, son aspect, disons, “institutionnel”, au sens noble du mot : ce qui nous est donné, transmis ! Nous pensons facilement que la foi n'est qu'un pur choix personnel. Certes, il y a bien sûr un acquiescement individuel, mais à un donné qui nous précède et nous excède, qui fut “constituéavant nous. La foi est d'abord une affaire commune, à nous léguée par nos ancêtres. Comme un patrimoine, un héritage dont on ne perçoit peut-être pas d'emblée toute la valeur.

C'est comme si les chrétiens habitaient une maison dans laquelle il y a beaucoup de souvenirs, d’archives qui font la mémoire de la demeure : des personnes ont hanté ces lieux, y ont souffert, y ont été heureuses. Voici leurs photographies, leurs papiers… Et, peut-être, tant d'informations abandonnées là nous semblent-elles obscures, quelque ardeur que l'on mette à les scruter. Mais nous traversons l'espace qu'elles ont traversé ; nous sommes chez elles autant qu'elles sont chez nous.

Pareille situation précède bien tout choix personnel et le permet en même temps. Alors, ne faut-il pas savoir fouiller les coffres du Saint-Esprit enfouis dans les cœurs de nos ancêtres. On le fait bien sur le plan humain. Pourquoi ne pas le faire chrétiennement ?
C’est souvent ainsi que l’on reçoit la foi, en accueillant un riche héritage, en mettant nos pas dans ceux des apôtres, de nos ancêtres appelés parfois “nos pères dans la foi !”

Quant à la foi comprise comme “ce par quoi on croit”, "ce pourquoi je crois", elle est provoquée non par un savoir, mais par une "rencontre" véritable et profonde avec Celui qui est l'objet du trésor des vérités de foi dont je viens de parler, avec ce Dieu révélé en Jésus Christ. Cette foi naît d'une alliance, d'une confiance, d'un amour.
"D'un amour... !" ! Oserais-je une analogie ? Il m'est arrivé que des fiancés me demandent à brûle-pourpoint pourquoi j'avais la foi. Et je répondais malicieusement, avec taquinerie : "Je vous répondrai si, vous, vous me dites pourquoi véritablement vous vous aimez !".

Oui, la foi n'est pas simplement un assemblement intellectuel à des vérités sur Dieu aussi sublimes soient-elles. C'est un acte par lequel je me confie librement à un Dieu qui est Père, qui m'aime, qui me donne espérance et confiance, une confiance inlassable en sa miséricorde, un Dieu qui me soutient et m'accorde un amour si indestructible qu'il m'aspire vers une éternité que déjà il me donne. Bref, la foi m'engage à me confier à Dieu avec cette certitude d'un enfant qui sait que tous ses questionnements et difficultés trouveront leur apaisement dans ce "tu" qu'il adresse à sa mère !

Cette foi-là naît d'une intelligence bien supérieure à toutes les intelligences d'ici-bas, une intelligence qui nous met en un rapport confiant à un "Tu" qui est Dieu, une intelligence qui me donne une certitude bien plus solide que la certitude de toutes les vérités proclamées à son propos, une intelligence telle qu'un illettré peut la posséder sans pouvoir acquérir ces dernières

Et ce qui est remarquable, c'est que dans cette foi comprise en ce sens, c'est toujours Dieu qui est premier. Cette foi est un don de Dieu, un don que Dieu veut accorder à chacun en particulier, un don divin et universel qui, pourtant, se diversifie, se particularise en chacun de nous.
La foi, c'est Dieu qui s'approche et me touche ; c'est l'Esprit-Saint - don du Ressuscité - qui me rend capables d'accueillir le Dieu vivant. "Pour exister, dit le Concile Vatican II, cette foi requiert la grâce de Dieu, les secours intérieurs de l'Esprit-Saint qui touche le cœur, le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l'esprit et donne à tous la douce joie de consentir et de croire" (Dei Verbum 5).

Mais, corrélativement, si la foi est un don de Dieu, elle est en même temps, de notre part, un acte profondément libre et humain. C'est ce que dit le Catéchisme de l'Eglise universelle qui précise : "La foi n'est contraire ni à la liberté ni à l'intelligence de l'homme !" (n° 154). Au contraire, la foi les implique - cette liberté et cette intelligence -. Elle les implique et les exalte dans une cheminement d'exode, c'est-à-dire de sortie de soi, de ses petite sécurités, de ses petits schémas mentaux pour mieux se confier à Celui qui est toute intelligence, qui "connait toutes choses" avouait St Pierre (Cf. Jn 21.17), et qui peut  nous indiquer la route pour parvenir à une profonde liberté, une vraie joie, une joyeuse paix, à la pleine réalisation de notre propre identité.

Ainsi donc, la foi n'est pas tant la détention de certitudes, ni la possession de vérités, voire de la Vérité, elle est surtout une "rencontre avec Jésus" - Dieu fait homme - avec Jésus qui est "Chemin, Vérité, Vie" (Jn 14.6). Elle est cette expérience des disciples d'Emmaüs qui, sans le reconnaître encore, rencontrent le Ressuscité, et avoueront ensuite : "Notre cœur n'était-il pas brûlant, tandis qu'il nous parlait sur la route ?" (Lc 24.34). La foi témoigne ainsi d'une présence, cette présence du Christ annoncée par les anges aux saintes femmes qui découvrent le tombeau vide au radieux matin de Pâques : "Il n'est pas ici, il est ressuscité... Allez dire à Pierre et aux autres qu'il les précède en Galilée. C'est là que vous le verrez comme il l'a dit !" (Mc 16.7).

Le message est clair : Il faut se déplacer, aller chercher le Ressuscité “en Galilée”, c'est-à-dire, “au carrefour des nations païennes”. Le Ressuscité est à tout le monde, il n'est la propriété exclusive de personne. On n'enferme pas Dieu dans un temple. On n'enferme pas le Christ dans les limites visibles de l'Eglise. Dieu est bien au-delà d'un dogme, d'une morale, d'une liturgie si utiles soient-ils. Le Christ ressuscité se veut présent au cœur du monde, dans les cœurs des hommes, même s'ils l'ignorent encore.

Et je me faisais cette réflexion : la pédagogie divine à notre égard est remarquable et très éclairante jusque dans l'appel des hommes qu'elle choisit pour nous éclairer.
- Naguère, je rendais grâce à Dieu en considérant le pape Benoît XVI qui, avec très grande humilité, intelligence remarquable et simplicité lumineuse, savait éclairer sur les vérités de notre foi... pour une génération qui en avait besoin.
- Aujourd'hui, je rends encore grâce à Dieu d'avoir appelé le pape François qui, souvent, nous rappelle la présence de Dieu au milieu des hommes. Au milieu de son Eglise, certes, parmi ceux qui se disent ses disciples. Mais, n'oublions surtout pas : Lui, de condition divine n'a pas craint de s'anéantir en la condition humaine (Cf. Ph. 2.6), en s'incarnant et en souffrant sa passion. Aussi se veut-il présent en tous les hommes, et jusque dans les plus pauvres, insiste le pape, ces pauvres qui forment la "Galilée des nations". Il n'y a pas de supérieur ou d'inférieur en la foi. Car elle provient d'un même amour divin : "Chacun en a sa part et tous l'on tout entier !"

Chacun de nous, plus ou moins, possède cette foi, envisagée comme rapport d'amour au Christ, à Dieu. Elle est une approche de Dieu emplie de distance, de silence, et qui intègre, sinon le doute, du moins le non-savoir.
Car Dieu est si grand qu'on ne peut que l'approcher et non l'enfermer dans un savoir. St Grégoire de Naziance le disait merveilleusement :
"O Toi, l'Au-delà de tout, n'est-ce pas là tout ce qu'on peut dire de Toi ?
Aucun mot ne t'exprime !
A quoi l'esprit s'attachera-t-il ? Tu dépasses toute intelligence !
Seul Tu es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de Toi !
Seul, Tu es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de Toi !
Comment Te nommerais-je, Toi le seul qu'on ne peut nommer ?
O Toi, l'Au-delà de tout, n'est-ce pas tout ce qu'on peut chanter de Toi ?".

Aussi, cette approche de Dieu a des hauts et des bas, des moments d'illumination et des moments de ténèbres - peut-être les plus nombreux -. Mais cette approche de Dieu est là ; et c’est le principal. Il nous faut comprendre cette démarche de notre foi, tout en même temps lumineuse et ténébreuse !
“Tu nous as faits pour Toi et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose en Toi”, disait St Augustin. Croire, c'est vivre dans une certaine inquiétude, c'est-à-dire dans le repos toujours désiré, toujours impossible : ici-bas, nous n'en avons que des avant-goûts

Allongé sur son lit d'hôpital, un homme se remettait d'une opération délicate : “Qu'y a-t-il après ?” demanda-t-il, ajoutant : “Je suis croyant un quart d'heure par mois et, le reste du temps, je me raccroche à ce quart d'heure !”.
J’espère qu’en vous, il n’y a pas la même proportion ; mais pour beaucoup, c’est un peu cela. La Foi (ce par quoi je crois) n'est pas tant une connaissance qu'une perte de connaissance dans un abîme qui est Dieu l'“Immesurable”.

Mais quand la foi fera place au face à face, nous connaîtrons sans mesure ; et cette connaissance sera en même temps charité, cette vertu dont parle St Paul et qui sera unique au ciel !

Et n'est-ce pas ce "message de grâce" que le Seigneur nous adresse aujourd'hui ?

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