2ème
dimanche Ord. 01/C -
La mort et la résurrection du Christ sont au cœur du
mystère chrétien.
La mort et la résurrection du Christ, c'est
le message de l’évangile de St Jean.
Depuis les noces de Cana, jusqu'à la Croix,
c'est le lent dévoilement du mystère pascal.
C'est pourquoi ce récit des noces de
Cana est à comprendre en référence au mystère pascal dont il est
l'annonce prophétique et l'ouverture.
D’ailleurs, il y a des parallèles, jusque
dans les mots, qui expriment cette intention :
- Quand Jésus affirme que son “Heure n'est pas encore venue”, il annonce l'heure de la Passion, quand “son heure sera venue” et qu'il “passera de ce monde à son Père”.
- La mention de l'eau dans les
cuves, évoque les eaux du baptême ;
- Le vin (le "sang de la
vigne" en hébreu)
renvoie au dernier repas où Jésus passe une coupe à ses disciples comme signe de
son sang versé pour la multitude.
- Et Marie, présente à Cana, ne sera
plus mentionnée qu'au pied de la croix, lorsque Jésus confiera sa Mère à son
disciple Jean, et celui-ci à sa Mère.
Il y a une inclusion de tout le ministère
du Christ entre l’annonce prophétique du mystère pascal à Cana et la
réalisation de ce mystère, au jour de Pâques, jour de l’Alliance éternelle
entre Dieu et l’homme.
Oui, le mystère pascal est au centre
de la vie et du ministère de Jésus. Et il en dévoilera le sens à travers la
vie concrète de tous ceux qu'il rencontrera, leur révélant la profondeur
insoupçonnée de leurs attentes de guérison, de réconciliation, de bonheur, de
liberté, d'amour. Il suscitera le désir du pain qui rassasie pour la
vie, de l'eau qui désaltère une fois pour toutes, du vin de fête
pour un banquet éternel.
Bien sûr, pour les hommes, pour nous, ce
désir de vie en plénitude a son point de départ dans la conscience aiguë de
notre limite d'homme. C'est toujours à partir de ses faiblesses, des
forces du mal, de la puissance des ténèbres que l'homme mesure la distance
entre l'infini de son désir et la faiblesse de ses moyens. Aussi, doit-il s'en
remettre totalement à la miséricorde de Dieu manifestée par Jésus en son
mystère pascal.
En offrant sa vie sur la croix, Jésus
assume toutes les limites de la condition humaine, il les détruit en sa
mort pour les transformer dans sa résurrection, et restaurer l'homme dans sa
dignité de Fils de Dieu. Plongé dans la mort avec le Christ, il renaît alors
dans l'Esprit pour la vie éternelle.
Voilà la réalité de notre foi au
Christ pascal !
Ainsi, notre vie chrétienne
inaugurée au jour de notre baptême, doit se déployer dans ce mystère pascal
du Christ qui lui donne plénitude de sens.
Aujourd'hui, comme hier avec Nicodème, la
Samaritaine, l'aveugle-né et bien d’autres, Jésus veut nous rencontrer avec nos
limites, nos questions et nos désirs. Avec l'aide de Marie, il nous invite à
lire notre vie comme un long dévoilement de son mystère pascal, à
discerner au-delà de nos attentes, de nos désirs immédiats, et surtout de nos
limites, de nos fautes, les chemins de la vraie vie, cette vie plénière que la
miséricorde de Dieu veut nous donner.
“Si
tu
savais le don de Dieu
!”, disait Jésus à la Samaritaine. Ce
souhait est l'invitation permanente adressée à chacun d'entre nous pour mieux
discerner déjà la présence du Christ glorieux en nos vies.
Certes, aujourd’hui, notre vie - qui part
d'une alliance de noces au jour de notre baptême vers la pleine réalisation de
cette alliance à notre glorieux jour pascal au ciel - peut prendre les chemins
qui passent par le combat contre les forces du mal. Ce combat implique
sans cesse de mourir au mensonge pour vivre dans la vérité, de mourir au mépris
pour vivre dans l'amour.
Légitimement, nous déplorons fortement les
durs conflits qui jalonnent l'histoire des hommes, les violents et actuels
affrontements sur notre planète. La guerre, à l'opposé de la paix, d'une
entente qu'une noce peut manifester, nous effraie ! Bien sûr ! Mais -
sachons-le - pour lutter efficacement contre la guerre, il faut savoir
intérioriser la guerre pour la vaincre et l'anéantir en soi-même. Il faut arriver
à se désarmer soi-même. Naguère, Athénagoras, le patriarche de Constantinople,
disait : "J'ai mené cette dure
guerre pendant des années ; elle a été terrible. Mais maintenant je suis
désarmé. Je n'ai plus peur de rien. Car l'amour chasse la peur".
Oui, il s'agit, toujours et sans cesse, de
faire l'expérience de l'Amour divin manifesté en Jésus Christ, de la miséricorde
divine qui veut nous faire "passer - 'faire notre Pâques" -, nous
faire passer, nous faire franchir toutes les étapes du mystère pascal pour
jouir pleinement, enfin, des "noces
de l'Agneau", disait St Jean
Comme il est dommage que cette
perspective pascale nous soit si peu familière ; pour beaucoup, la vie
chrétienne se limite à quelques prescriptions morales - voire monastiques - que
l’on consent à observer, avec, d'ailleurs, plus ou moins de satisfactions, d'orgueil,
de suffisance.
On rejoint alors les formes étriquées du
légalisme de l'Ancien Testament qui suscite, en finale, la désespérance dans le
constat de notre incapacité foncière. Et, tout naturellement, vis-à-vis des autres,
ce n'est souvent, alors, que jugement ou condamnation.
C'est ainsi que, récemment, le pape
François nous invitait à "passer" d'une "rigidité ecclésiale", digne de la Loi mosaïque, dirait
St Paul, à l'accueil de la miséricorde divine qui seule est efficace en nous et
en nos frères. C'est alors que le mot "charité" prend toute sa
signification ! Sinon, ce n'est alors, plus ou moins, que sentimentalisme qui
pleure par sentiment de bienfaisance humaine.
Le chemin pascal que nous ouvre
Jésus dans le signe de Cana nous invite à l’alliance de Dieu avec l’humanité,
alliance manifestée par la miséricorde du Christ. Et c'est ainsi que la fête
des noces de Cana donne sens à toute l'existence et nous prépare aux
noces éternelles.
C'est avec ce sens de la vie qu'il
nous faut mener notre existence, aujourd'hui et demain, notre existence de "déjà
ressuscité avec le Christ", qu'il nous faut de plus en plus comprendre qu'un
lien profond relie notre vie terrestre et la vie éternelle.
Malheureusement, le "Royaume de Dieu"
suscite souvent des images d'un "Au-delà" que nous imaginons mal, d'un
"Au-delà" qui, de toute manière, n'a que peu de rapport avec les
réalités terrestres.
Et c'est bien là notre difficulté. Car
alors, nous réduisons l'Évangile à une série de principes moraux qui, dit-on
aujourd’hui, sont en crise et que c'est un des signes de la déchristianisation.
En réalité, c'est l'incapacité de relier la vie terrestre et la vie éternelle
qui désigne la déchristianisation. Nous avons trop consenti à cette idée si
simpliste et sommaire que la foi est reléguée dans le domaine privé de
l’homme - “chacun ses idées”, n’est-ce pas ? -. Dès lors, comment
notre vie terrestre pourrait être annonciatrice, prophétique d’une vie plénière
en Dieu, le "Miséricordieux" ?
La déchristianisation ne provient pas d'une
crise de valeurs, elle vient d'une crise du sens de la vie. Ce sens a
été longtemps vécu implicitement par la société dans la mesure où elle était
globalement chrétienne ; d'autres recouraient à de solides
idéologies ; le problème du sens ne se posait pas. Aujourd'hui, la société
n'étant plus chrétienne et les idéologies disparaissant, on retrouve le problème
du sens dans une société désemparée et sans repères.
Et c'est là que l'itinéraire pascal de
Jésus est une chance de redécouverte du sens de notre vie. On a
constaté d’ailleurs que le renouveau liturgique, avant même le concile Vatican
II, a commencé précisément, au temps du pape Pie XII, avec le redéploiement du
triduum pascal et que beaucoup de chrétiens ont, à cette occasion, progressé
dans l'intelligence de leur foi. Ils ont compris que l'Évangile, loin d'être un
livre de maximes morales, était un itinéraire que Jésus-Christ propose de
suivre avec Lui, depuis la Galilée, depuis la résurrection jusqu'à son retour à
la fin des temps.
Oui, la foi est un engagement à la suite
du Christ, un itinéraire. C'est accepter, par Lui, avec Lui et en Lui, de mourir
à soi-même pour mieux faire éclater la Vie que la miséricorde de Dieu veut nous
accorder
Telle est la manière de vivre dans le
Christ et d'annoncer le Royaume. Telle est aussi la manière d'accueillir
concrètement le signe de Cana comme l'annonce du banquet de fête éternelle,
offert à tous.
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