dimanche 17 janvier 2016

Miséricordieux chemin pascal

2ème dimanche Ord. 01/C - 

La mort et la résurrection du Christ sont au cœur du mystère chrétien.
La mort et la résurrection du Christ, c'est le message de l’évangile de St Jean.
Depuis les noces de Cana, jusqu'à la Croix, c'est le lent dévoilement du mystère pascal.

C'est pourquoi ce récit des noces de Cana est à comprendre en référence au mystère pascal dont il est l'annonce prophétique et l'ouverture.
D’ailleurs, il y a des parallèles, jusque dans les mots, qui expriment cette intention :
- Quand Jésus affirme que son Heure n'est pas encore venue”, il annonce l'heure de la Passion, quand “son heure sera venue” et qu'il “passera de ce monde à son Père”.
- La mention de l'eau dans les cuves, évoque les eaux du baptême ;
- Le vin (le "sang de la vigne" en hébreu) renvoie au dernier repas où Jésus passe une coupe à ses disciples comme signe de son sang versé pour la multitude.
- Et Marie, présente à Cana, ne sera plus mentionnée qu'au pied de la croix, lorsque Jésus confiera sa Mère à son disciple Jean, et celui-ci à sa Mère.

Il y a une inclusion de tout le ministère du Christ entre l’annonce prophétique du mystère pascal à Cana et la réalisation de ce mystère, au jour de Pâques, jour de l’Alliance éternelle entre Dieu et l’homme.
Oui, le mystère pascal est au centre de la vie et du ministère de Jésus. Et il en dévoilera le sens à travers la vie concrète de tous ceux qu'il rencontrera, leur révélant la profondeur insoupçonnée de leurs attentes de guérison, de réconciliation, de bonheur, de liberté, d'amour. Il suscitera le désir du pain qui rassasie pour la vie, de l'eau qui désaltère une fois pour toutes, du vin de fête pour un banquet éternel.

Bien sûr, pour les hommes, pour nous, ce désir de vie en plénitude a son point de départ dans la conscience aiguë de notre limite d'homme. C'est toujours à partir de ses faiblesses, des forces du mal, de la puissance des ténèbres que l'homme mesure la distance entre l'infini de son désir et la faiblesse de ses moyens. Aussi, doit-il s'en remettre totalement à la miséricorde de Dieu manifestée par Jésus en son mystère pascal.
En offrant sa vie sur la croix, Jésus assume toutes les limites de la condition humaine, il les détruit en sa mort pour les transformer dans sa résurrection, et restaurer l'homme dans sa dignité de Fils de Dieu. Plongé dans la mort avec le Christ, il renaît alors dans l'Esprit pour la vie éternelle.
Voilà la réalité de notre foi au Christ pascal !

Ainsi, notre vie chrétienne inaugurée au jour de notre baptême, doit se déployer dans ce mystère pascal du Christ qui lui donne plénitude de sens.

Aujourd'hui, comme hier avec Nicodème, la Samaritaine, l'aveugle-né et bien d’autres, Jésus veut nous rencontrer avec nos limites, nos questions et nos désirs. Avec l'aide de Marie, il nous invite à lire notre vie comme un long dévoilement de son mystère pascal, à discerner au-delà de nos attentes, de nos désirs immédiats, et surtout de nos limites, de nos fautes, les chemins de la vraie vie, cette vie plénière que la miséricorde de Dieu veut nous donner.
“Si tu savais le don de Dieu !”, disait Jésus à la Samaritaine. Ce souhait est l'invitation permanente adressée à chacun d'entre nous pour mieux discerner déjà la présence du Christ glorieux en nos vies.

Certes, aujourd’hui, notre vie - qui part d'une alliance de noces au jour de notre baptême vers la pleine réalisation de cette alliance à notre glorieux jour pascal au ciel - peut prendre les chemins qui passent par le combat contre les forces du mal. Ce combat implique sans cesse de mourir au mensonge pour vivre dans la vérité, de mourir au mépris pour vivre dans l'amour.

Légitimement, nous déplorons fortement les durs conflits qui jalonnent l'histoire des hommes, les violents et actuels affrontements sur notre planète. La guerre, à l'opposé de la paix, d'une entente qu'une noce peut manifester, nous effraie ! Bien sûr ! Mais - sachons-le - pour lutter efficacement contre la guerre, il faut savoir intérioriser la guerre pour la vaincre et l'anéantir en soi-même. Il faut arriver à se désarmer soi-même. Naguère, Athénagoras, le patriarche de Constantinople, disait : "J'ai mené cette dure guerre pendant des années ; elle a été terrible. Mais maintenant je suis désarmé. Je n'ai plus peur de rien. Car l'amour chasse la peur".
Oui, il s'agit, toujours et sans cesse, de faire l'expérience de l'Amour divin manifesté en Jésus Christ, de la miséricorde divine qui veut nous faire "passer - 'faire notre Pâques" -, nous faire passer, nous faire franchir toutes les étapes du mystère pascal pour jouir pleinement, enfin, des "noces de l'Agneau", disait St Jean

Comme il est dommage que cette perspective pascale nous soit si peu familière ; pour beaucoup, la vie chrétienne se limite à quelques prescriptions morales - voire monastiques - que l’on consent à observer, avec, d'ailleurs, plus ou moins de satisfactions, d'orgueil, de suffisance.
On rejoint alors les formes étriquées du légalisme de l'Ancien Testament qui suscite, en finale, la désespérance dans le constat de notre incapacité foncière. Et, tout naturellement, vis-à-vis des autres, ce n'est souvent, alors, que jugement ou condamnation.
C'est ainsi que, récemment, le pape François nous invitait à "passer" d'une "rigidité ecclésiale", digne de la Loi mosaïque, dirait St Paul, à l'accueil de la miséricorde divine qui seule est efficace en nous et en nos frères. C'est alors que le mot "charité" prend toute sa signification ! Sinon, ce n'est alors, plus ou moins, que sentimentalisme qui pleure par sentiment de bienfaisance humaine.

Le chemin pascal que nous ouvre Jésus dans le signe de Cana nous invite à l’alliance de Dieu avec l’humanité, alliance manifestée par la miséricorde du Christ. Et c'est ainsi que la fête des noces de Cana donne sens à toute l'existence et nous prépare aux noces éternelles.

C'est avec ce sens de la vie qu'il nous faut mener notre existence, aujourd'hui et demain, notre existence de "déjà ressuscité avec le Christ", qu'il nous faut de plus en plus comprendre qu'un lien profond relie notre vie terrestre et la vie éternelle.
Malheureusement, le "Royaume de Dieu" suscite souvent des images d'un "Au-delà" que nous imaginons mal, d'un "Au-delà" qui, de toute manière, n'a que peu de rapport avec les réalités terrestres.
Et c'est bien là notre difficulté. Car alors, nous réduisons l'Évangile à une série de principes moraux qui, dit-on aujourd’hui, sont en crise et que c'est un des signes de la déchristianisation. En réalité, c'est l'incapacité de relier la vie terrestre et la vie éternelle qui désigne la déchristianisation. Nous avons trop consenti à cette idée si simpliste et sommaire que la foi est reléguée dans le domaine privé de l’homme  - “chacun ses idées”, n’est-ce pas ? -. Dès lors, comment notre vie terrestre pourrait être annonciatrice, prophétique d’une vie plénière en Dieu, le "Miséricordieux" ?

La déchristianisation ne provient pas d'une crise de valeurs, elle vient d'une crise du sens de la vie. Ce sens a été longtemps vécu implicitement par la société dans la mesure où elle était globalement chrétienne ; d'autres recouraient à de solides idéologies ; le problème du sens ne se posait pas. Aujourd'hui, la société n'étant plus chrétienne et les idéologies disparaissant, on retrouve le problème du sens dans une société désemparée et sans repères.

Et c'est là que l'itinéraire pascal de Jésus est une chance de redécouverte du sens de notre vie. On a constaté d’ailleurs que le renouveau liturgique, avant même le concile Vatican II, a commencé précisément, au temps du pape Pie XII, avec le redéploiement du triduum pascal et que beaucoup de chrétiens ont, à cette occasion, progressé dans l'intelligence de leur foi. Ils ont compris que l'Évangile, loin d'être un livre de maximes morales, était un itinéraire que Jésus-Christ propose de suivre avec Lui, depuis la Galilée, depuis la résurrection jusqu'à son retour à la fin des temps.
Oui, la foi est un engagement à la suite du Christ, un itinéraire. C'est accepter, par Lui, avec Lui et en Lui, de mourir à soi-même pour mieux faire éclater la Vie que la miséricorde de Dieu veut nous accorder

Telle est la manière de vivre dans le Christ et d'annoncer le Royaume. Telle est aussi la manière d'accueillir concrètement le signe de Cana comme l'annonce du banquet de fête éternelle, offert à tous. 

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