dimanche 24 janvier 2016

Mission de miséricorde !

3ème dimanche Ord. 01/C

L'évangile d'aujourd'hui se situe après le baptême du Christ et son séjour au désert. Jésus s'est recueilli pour réfléchir à la mission que son Père lui confie.

Aussi, j'aime à remarquer : avant de proclamer la "Parole de Dieu", avant toute vie apostolique, avant d'agir..., il faut savoir se recueillir, se concentrer en Dieu, se recentrer en son amour miséricordieux. Sinon, on fait souvent n'importe quoi, par précipitation ou impulsion soudaine. Et c'est dangereux !

- En considérant la vie humaine de Jésus, quel paradoxe : 30 ans de "vie cachée" et seulement 3 ans de "vie apostolique". Et avant de commencer celle-ci, Jésus éprouve encore le besoin de se cacher 40 jours dans le désert !
La pédagogie de la Providence divine (l'"Economie" divine, disent les Orientaux) se manifeste souvent ainsi ! Aussi, disait St Vincent de Paul dans une belle formule : il ne faut jamais "enjamber sur la conduite de la Providence divine"!

- Pour libérer son peuple de l'esclavage en Egypte, Dieu appelle Moïse en le maintenant d'abord caché 40 ans dans le désert !

- Quand Dieu suscite le prophète" Elie pour libérer ce même peuple de l'esclavage de l'idolâtrie, il lui dit d'abord : "Va-t-en ! ... Va te cacher dans le ravin du Kérith qui est à l'est du Jourdain !" (I Rois 17.3).

- Entre la conversion de Paul et son action missionnaire, Dieu maintient son futur apôtre des nations une bonne dizaine d'années en une "vie cachée".
N'est-ce pas là le "sens apostolique" de toute vie monastique ? Rappeler que toute bonne action - surtout missionnaire - doit provenir d'une profonde vie intérieure, d'une vie "cachée en Dieu" !

C'est ainsi que Jésus commence sa vie missionnaire. Et sa “prise de parole” à la synagogue de Nazareth, est pour lui l'occasion de présenter sa mission, à la suite du prophète Isaïe : L'Esprit du Seigneur est sur moi... Il m'envoie porter la "Bonne Nouvelle" aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, aux aveugles qu'ils verront la lumière, ... annoncer une année de bienfaits de la part du Seigneur”. - "Une année de bienfaits" ! Une année pour manifester la miséricorde de Dieu. N'est-ce pas ce que nous avons, nous aussi, à proclamer à la suite du pape François : une année pour proclamer la miséricorde de Dieu ! “Ces paroles que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elles s'accomplissent". Aujourd'hui, nous dit Jésus !

La mission de Jésus est une mission de miséricorde : se pencher sur la misère des prisonniers quels qu'ils soient, sur la misère de ceux qui vivent dans les ténèbres quelles qu'elles soient, la misère des pauvres, des déshérités, la misère de tout homme. Non pour une correction, mais pour une libération !

Ce faisant, Jésus n'annonce rien de bien nouveau. Dans l'Ancien Testament déjà, Dieu s'était fait connaître comme un Dieu libérateur, un Dieu plein de miséricorde. Lorsque Moïse entend son appel, Dieu lui dit : J'ai vu la misère de mon peuple ; j'ai entendu ses cris ; je connais ses souffrances... Va maintenant ! Délivre mon peuple, fais-en un peuple libre !”. (Cf. Ex .3).

Ce Dieu, plein de miséricorde, est ce Dieu qui n'accepte pas pour l'homme l'esclavage, l'injustice, l'oppression. Et toujours, aujourd'hui encore, il appelle l'homme à libérer l'homme de tout esclavage.
Le Dieu de la Bible se révèle toujours comme le libérateur des opprimés, des pauvres, comme le garant de la justice et du droit en faveur de l'orphelin, de la veuve et de l'étranger.
Et les temps messianiques seront annoncés par les prophètes comme une période de libération, d'allégresse et de joie pour tous les malheureux.
Et dans l'histoire biblique, l'instauration d'une "année jubilaire", tous les 50 ans est à la fois une invitation et une prophétie de cette libération voulue par ce Dieu plein de miséricorde pour l'homme.

Et ce Dieu de la Bible, c'est le Dieu de Jésus. Tout au long de sa vie, le Christ se montre plein de miséricorde envers les petits, les pauvres, envers ceux qui ont faim, qu'on méprise, qu'on exclut, qu'il s'agisse des malades, infirmes, lépreux, ou des pécheurs comme la femme adultère, Zachée, la Samaritaine.
Et remarquons que Jésus séjourne surtout en Galilée, région de pauvres, aux mœurs plus ou moins dissolues et, de ce fait, méprisés par les gens en place, à Jérusalem. "Que peut-il sortir de bon de Nazareth ?", s'était-on exclamé à propos de Jésus lui-même (Jn 1.46). C'est dans une telle région de pauvreté économique, morale, spirituelle que Jésus franchit une nouvelle étape dans la révélation de Dieu plein de miséricorde. Par lui, en lui, avec lui, Dieu veut libérer l'homme de son péché, de son égoïsme, de son orgueil, de toutes ses tendances à dominer les autres ou à les exclure. Car le péché est aussi un esclavage, et c'est souvent lui qui est à l'origine des autres esclavages dont sont victimes les hommes. C'est l'homme tout entier que Dieu veut libérer et sauver. C'est l'homme esclave, l'homme perdu, sa "brebis perdue" que Jésus veut toujours sauver par sa grande miséricorde. C’est cela que nous avons à proclamer en cette année de miséricorde voulue par le pape François !

Et c'est dans ce sens que Jésus lui-même formera ses disciples et ceux qui continueront sa mission : “Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice ! Heureux ceux qui font œuvre de paix ! Guérissez les malades, purifiez les lépreux, chassez les démons !". Oui, cette "Bonne Nouvelle" du vrai Dieu, le Dieu de toute miséricorde, qui aime l'homme, qui veut le libérer, le rendre libre, il faut la proclamer dans le monde entier.
Il appartient donc à l'Église et à nous tous, les chrétiens, de prendre la relève, comme nous y invite le pape François.

Oui, l'Église doit témoigner du vrai Dieu, plein de miséricorde, qui libère et qui sauve. Sa mission, c'est de répandre partout cet Evangile du Christ qui est un message miséricorde, de liberté et une force de libération.

Le pape Jean-Paul II qui a mis en honneur Sœur Faustine, cette apôtre de la divine miséricorde, disait : ”Le chrétien n'a pas le droit de se retrancher dans une attitude de neutralité ou d'indifférence devant les problèmes tragiques de la misère et de l'injustice”. Bien au contraire, il convient plus que jamais que “des chrétiens nombreux s'engagent, par amour pour leurs frères déshérités ou opprimés, dans la lutte pour la justice, la liberté et la dignité humaine”. Comme jadis au temps de Moïse, “l'Eglise, guidée par l'amour des hommes, entend leur clameur pour la justice et veut y répondre de toutes ses forces”. C'est ce même message que le pape François veut nous faire entendre.

À là suite du Christ, sommes-nous les témoins du vrai Dieu, plein de miséricorde, du Dieu qui libère et qui sauve ? Ou sommes-nous les témoins d'un Dieu créé à notre image de pécheur, un Dieu dominateur et redoutable que nous avons parfois imaginé ?  
J'ai vu la misère de mon peuple… J’ai entendu ses cris”, disait Dieu à Moïse. Acceptons-nous d'ouvrir nos yeux sur ce qui se passe autour de nous, de tendre l'oreille aux plaintes de nos frères souvent tout proches de nous, en nos familles elles-mêmes parfois ? Les "pauvres”, dont parle si souvent le pape François, les pauvres, - qu'ils le soient matériellement, psychologiquement, moralement, spirituellement -, ils existent ! Et ce sont souvent les mêmes qui sont pauvres de reconnaissance, pauvres d'amour véritable. Ne pas être aimé, n'est-ce pas la plus grande détresse ? Et comment pourraient-ils croire à l'amour de Dieu pour eux, si ceux qui croient en Dieu restent indifférents ou hostiles à leur égard et qui ne pratiquent souvent qu'une prétendue justice à la manière humaine ?

St Paul nous rappelait : nous formons tous ensemble le "Corps du Christ" ; et, chacun de nous, pour sa part, nous sommes ses membres : quelle solidarité humaine et spirituelle ne doit-il donc pas y avoir entre nous tous ! Si un membre souffre, tous les autres membres partagent sa souffrance, de même que si un membre est à l'honneur, tous partagent sa joie. Dans ce "Corps du Christ", il y a des fonctions variées - et heureusement - qui, d'une manière ou d'une autre, doivent manifester, au milieu des hommes, la présence du Christ, plein de miséricorde. Il n'y a pas dans le "Corps du Christ" de supérieur ou d'inférieur à la manière humaine. Il n'y a que la circulation d'un Amour - car "Dieu est Amour !" répétait St Jean -, de cet Amour que s'échangent éternellement les trois Personne divines, un Amour divin plein de miséricorde, un Amour qui cherche sans cesse à accomplir la "transfiguration" de tous les hommes et de toutes choses ! En Dieu !

Actions individuelles, engagements collectifs contre la misère ou l'oppression, efforts pour supprimer peu à peu tout ce qui engendre souffrance spirituelle morale, physique, tout cela fait partie de notre mission de chrétiens si nous voulons être fidèles au Christ. Se battre pour tout cela fait partie de l’annonce de l'Evangile et de la foi au Christ qui, par miséricorde, est mort pour que l'homme vive !

“Aujourd'hui, disait Jésus, cette parole de l'Ecriture s'accomplit !”. Qu'allons-nous faire aujourd'hui pour témoigner du vrai Dieu, plein de miséricorde, qui libère et qui sauve ? 

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