3ème
dimanche Ord. 01/C -
L'évangile d'aujourd'hui se situe après le
baptême du Christ et son séjour au désert. Jésus s'est recueilli pour
réfléchir à la mission que son Père lui confie.
Aussi, j'aime à remarquer : avant de proclamer
la "Parole de Dieu", avant toute vie apostolique, avant d'agir...,
il faut savoir se recueillir, se concentrer en Dieu, se recentrer
en son amour miséricordieux. Sinon, on fait souvent n'importe quoi, par
précipitation ou impulsion soudaine. Et c'est dangereux !
- En considérant la vie humaine de Jésus,
quel paradoxe : 30 ans de "vie cachée" et seulement 3 ans
de "vie apostolique". Et avant de commencer celle-ci, Jésus
éprouve encore le besoin de se cacher 40 jours dans le désert !
La pédagogie de la Providence divine (l'"Economie"
divine, disent les Orientaux) se manifeste souvent ainsi ! Aussi, disait St Vincent
de Paul dans une belle formule : il ne faut jamais "enjamber sur la conduite de la Providence divine"!
- Pour libérer son peuple de l'esclavage en
Egypte, Dieu appelle Moïse en le maintenant d'abord caché 40 ans dans
le désert !
- Quand Dieu suscite le prophète" Elie
pour libérer ce même peuple de l'esclavage de l'idolâtrie, il lui dit d'abord :
"Va-t-en ! ... Va te cacher
dans le ravin du Kérith qui est à l'est du Jourdain !" (I Rois 17.3).
- Entre la conversion de Paul et son
action missionnaire, Dieu maintient son futur apôtre des nations une bonne
dizaine d'années en une "vie cachée".
N'est-ce pas là le "sens
apostolique" de toute vie monastique ? Rappeler que toute bonne action
- surtout missionnaire - doit provenir d'une profonde vie intérieure, d'une vie
"cachée en Dieu" !
C'est ainsi que Jésus commence sa vie
missionnaire. Et sa “prise de parole” à la synagogue de Nazareth, est pour lui
l'occasion de présenter sa mission, à la suite du prophète Isaïe : “L'Esprit du Seigneur est sur moi...
Il m'envoie porter la "Bonne Nouvelle" aux pauvres, annoncer aux
prisonniers qu'ils sont libres, aux aveugles qu'ils verront la lumière, ...
annoncer une année de bienfaits de la part du Seigneur”. - "Une année
de bienfaits" ! Une année pour manifester la miséricorde de Dieu.
N'est-ce pas ce que nous avons, nous aussi, à proclamer à la suite du pape
François : une année pour proclamer la miséricorde de Dieu ! “Ces paroles que vous venez d'entendre,
c'est aujourd'hui qu'elles s'accomplissent". Aujourd'hui, nous dit
Jésus !
La mission de Jésus est une mission de
miséricorde : se pencher sur la misère des prisonniers quels qu'ils
soient, sur la misère de ceux qui vivent dans les ténèbres quelles qu'elles
soient, la misère des pauvres, des déshérités, la misère de tout homme.
Non pour une correction, mais pour une libération !
Ce faisant, Jésus n'annonce rien de bien
nouveau. Dans l'Ancien Testament déjà, Dieu s'était fait connaître comme un Dieu
libérateur, un Dieu plein de miséricorde. Lorsque Moïse entend son
appel, Dieu lui dit : “J'ai vu la misère
de mon peuple ; j'ai entendu ses cris ; je connais ses
souffrances... Va maintenant ! Délivre mon peuple, fais-en un peuple libre
!”. (Cf.
Ex .3).
Ce Dieu, plein de miséricorde, est
ce Dieu qui n'accepte pas pour l'homme l'esclavage, l'injustice, l'oppression.
Et toujours, aujourd'hui encore, il appelle l'homme à libérer l'homme de tout
esclavage.
Le Dieu de la Bible se révèle toujours comme
le libérateur des opprimés, des pauvres, comme le garant de la justice
et du droit en faveur de l'orphelin, de la veuve et de l'étranger.
Et les temps messianiques seront annoncés
par les prophètes comme une période de libération, d'allégresse et de joie pour
tous les malheureux.
Et dans l'histoire biblique, l'instauration
d'une "année jubilaire", tous les 50 ans est à la fois une
invitation et une prophétie de cette libération voulue par ce Dieu plein de
miséricorde pour l'homme.
Et ce Dieu de la Bible, c'est le Dieu de
Jésus. Tout au long de sa vie, le Christ se montre plein de miséricorde
envers les petits, les pauvres, envers ceux qui ont faim, qu'on méprise, qu'on
exclut, qu'il s'agisse des malades, infirmes, lépreux, ou des pécheurs comme la
femme adultère, Zachée, la Samaritaine.
Et remarquons que Jésus séjourne surtout en
Galilée, région de pauvres, aux mœurs plus ou moins dissolues et, de ce fait,
méprisés par les gens en place, à Jérusalem. "Que peut-il sortir de bon de Nazareth ?", s'était-on
exclamé à propos de Jésus lui-même (Jn 1.46). C'est dans une telle région de
pauvreté économique, morale, spirituelle que Jésus franchit une nouvelle étape
dans la révélation de Dieu plein de miséricorde. Par lui, en lui, avec
lui, Dieu veut libérer l'homme de son péché, de son égoïsme, de son orgueil, de
toutes ses tendances à dominer les autres ou à les exclure. Car le péché est
aussi un esclavage, et c'est souvent lui qui est à l'origine des autres
esclavages dont sont victimes les hommes. C'est l'homme tout entier que Dieu
veut libérer et sauver. C'est l'homme esclave, l'homme perdu, sa "brebis
perdue" que Jésus veut toujours sauver par sa grande miséricorde.
C’est cela que nous avons à proclamer en cette année de miséricorde
voulue par le pape François !
Et c'est dans ce sens que Jésus lui-même
formera ses disciples et ceux qui continueront sa mission : “Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice
! Heureux ceux qui font œuvre de paix ! Guérissez les malades, purifiez
les lépreux, chassez les démons !". Oui, cette "Bonne Nouvelle"
du vrai Dieu, le Dieu de toute miséricorde, qui aime l'homme, qui veut
le libérer, le rendre libre, il faut la proclamer dans le monde entier.
Il appartient donc à l'Église et à nous
tous, les chrétiens, de prendre la relève, comme nous y invite le pape
François.
Oui, l'Église doit témoigner du vrai
Dieu, plein de miséricorde, qui libère et qui sauve. Sa mission,
c'est de répandre partout cet Evangile du Christ qui est un message miséricorde,
de liberté et une force de libération.
Le pape Jean-Paul II qui a mis en honneur Sœur
Faustine, cette apôtre de la divine miséricorde, disait : ”Le chrétien n'a pas le droit de se
retrancher dans une attitude de neutralité ou d'indifférence devant les
problèmes tragiques de la misère et de l'injustice”. Bien au contraire, il
convient plus que jamais que “des
chrétiens nombreux s'engagent, par amour pour leurs frères déshérités ou
opprimés, dans la lutte pour la justice, la liberté et la dignité humaine”.
Comme jadis au temps de Moïse, “l'Eglise,
guidée par l'amour des hommes, entend leur clameur pour la justice et veut y
répondre de toutes ses forces”. C'est ce même message que le pape François
veut nous faire entendre.
À là suite du Christ, sommes-nous les
témoins du vrai Dieu, plein de miséricorde, du Dieu qui libère
et qui sauve ? Ou sommes-nous les témoins d'un Dieu créé à notre image
de pécheur, un Dieu dominateur et redoutable que nous avons parfois imaginé ?
“J'ai
vu la misère de mon peuple… J’ai entendu ses cris”, disait Dieu à
Moïse. Acceptons-nous d'ouvrir nos yeux sur ce qui se passe autour de
nous, de tendre l'oreille aux plaintes de nos frères souvent tout
proches de nous, en nos familles elles-mêmes parfois ? Les "pauvres”, dont
parle si souvent le pape François, les pauvres, - qu'ils le soient matériellement,
psychologiquement, moralement, spirituellement -, ils existent ! Et ce sont
souvent les mêmes qui sont pauvres de reconnaissance, pauvres d'amour
véritable. Ne pas être aimé, n'est-ce pas la plus grande détresse ? Et comment
pourraient-ils croire à l'amour de Dieu pour eux, si ceux qui croient en Dieu
restent indifférents ou hostiles à leur égard et qui ne pratiquent souvent qu'une
prétendue justice à la manière humaine ?
St Paul nous rappelait : nous formons tous
ensemble le "Corps du Christ" ; et, chacun de nous, pour sa part,
nous sommes ses membres : quelle solidarité humaine et spirituelle ne doit-il
donc pas y avoir entre nous tous ! Si un membre souffre, tous les autres membres
partagent sa souffrance, de même que si un membre est à l'honneur, tous
partagent sa joie. Dans ce "Corps du Christ", il y a des fonctions
variées - et heureusement - qui, d'une manière ou d'une autre, doivent
manifester, au milieu des hommes, la présence du Christ, plein de
miséricorde. Il n'y a pas dans le "Corps du Christ" de supérieur
ou d'inférieur à la manière humaine. Il n'y a que la circulation d'un Amour -
car "Dieu est Amour !"
répétait St Jean -, de cet Amour que s'échangent éternellement les trois
Personne divines, un Amour divin plein de miséricorde, un Amour qui cherche
sans cesse à accomplir la "transfiguration" de tous les hommes et de
toutes choses ! En Dieu !
Actions individuelles, engagements collectifs
contre la misère ou l'oppression, efforts pour supprimer peu à peu tout
ce qui engendre souffrance spirituelle morale, physique, tout cela fait partie
de notre mission de chrétiens si nous voulons être fidèles au Christ. Se battre
pour tout cela fait partie de l’annonce de l'Evangile et de la foi au Christ
qui, par miséricorde, est mort pour que l'homme vive !
“Aujourd'hui, disait
Jésus, cette parole de l'Ecriture
s'accomplit !”. Qu'allons-nous faire aujourd'hui pour témoigner du vrai
Dieu, plein de miséricorde, qui libère et qui sauve ?
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