Épiphanie - 6 Janvier 2016/C -
Après les réjouissances de Noël (dinde, boudin
blanc, foie gras… etc.),
beaucoup ont continué ce parcours gastronomique par des galettes qui marquent
l'élection d'un roi, d'une reine de fête éphémère, galettes qui, à la
Chandeleur, se transformeront en crêpes flambées, dans l'attente du défoulement
de la mi-carême et des œufs de Pâques !
De plus, c'est dans cette ambiance de
consommation parfois effrénée et souvent paganisée que les mass-média - pour souhaiter
une "bonne année" - nous renseignent sur les meilleurs circuits
astrologiques et les parfaites courbes sidérales dévoilés par les astrologues
et les médiums de tous les ciels - nombreux aujourd'hui -, afin que notre
"Ego astral" - seule étoile importante - puisse infléchir sa route
vers un univers de bonheur, mais de rêve également.
Et c'est souvent dans un tel contexte que
l'Eglise doit manifester - c'est le sens du mot Epiphanie - la naissance
d'un Dieu fait homme, sa présence au monde entier et son offrande
de lui-même dans le nouveau Temple qu'est son propre Corps, livré à nous au repas
pascal.
Et pour remplir cette mission propre à
chaque chrétien, il est bon de nous rappeler les balises et les étapes qu'ont
suivies les anciens Mages pour rencontrer le roi de tous les univers. Peu
importe de savoir si ces Mages étaient rois, s'ils étaient trois, quels étaient
leurs noms et leur pays d'origine.
Il nous suffit d'abord de reconnaître que
des hommes comme nous ont entrepris un lointain et périlleux voyage sur un
indice assez faible : une nouvelle étoile dans le ciel d'Orient. Et comme
Abraham, père de tous les croyants, ils sont partis sans savoir, eux aussi, où
cela les mènerait.
La
fête de l'Epiphanie est la fête du Signe, du Signe de Dieu !
Car à chacun de nous, Dieu fait signe
également. Sommes-nous assez attentifs pour percevoir ces signes divins, pour
percevoir ces "signes des
temps", comme l'on dit, qui jalonnent l'histoire sainte de l'humanité,
l'histoire sainte de l'Eglise et l'histoire sainte de chacune de nos vies ? Un
événement, une rencontre, une parole entendue, une amitié peuvent être signes
et appels de Dieu. Retournez votre regard sur le chemin déjà parcouru et
n'allez-vous pas vous exclamer comme Jacob :
"Dieu était là et je ne le savais pas !" (Gen 29.16) ? Il était là à tel moment, à tel
endroit, en telle circonstance ou rencontre.
Sachons reconnaître ces manifestations, ces
signes de Dieu en notre vie. "Si quelqu'un
m'aime, je me manifesterai à lui", disait Notre Seigneur (Jn 14.21). Et percevant ces
signes, ayons le courage de nous mettre tout aussitôt en route, même si nous ne
savons pas très bien, comme Abraham, comme les Mages, par quels chemins les
appels divins nous conduiront.
Notons également que les signes naturels,
les signes humains, les signes d'hommes, s'ils peuvent nous mettre en route, ne
suffisent pas pour trouver Dieu. Il faut la révélation des Ecritures, de
la Parole de Dieu pour identifier le Sauveur du monde. Les phénomènes
naturels avec la beauté du monde, les événements en notre vie et les rencontres
humaines peuvent bien nous indiquer qu'une Force souveraine préside à toute
cette nature, à tous ces événements, à toutes nos rencontres. Mais limité aux
lumières de sa seule raison, l'homme, même savant, même "Mage" ne
peut découvrir que Dieu est une personne et qu'il nous aime.
Comme je le trouve émouvant ce colloque de
Jérusalem, que nous décrit St Matthieu, entre les sages païens et les
docteurs de la Loi qui redisent la Parole de Dieu pour trouver Dieu.
L'Epiphanie
est bien aussi la fête de la recherche de Dieu, de Dieu qui nous
parle.
Et, dans cette recherche, ne soyons pas
très inquiets, alors même que les signes divins qui nous ont mis en route
disparaîtraient, comme l'étoile dans le ciel de Jérusalem. C'est souvent la
preuve que le Seigneur est proche. Quand la réalité est présente, même
encore invisible, alors les signes deviennent inutiles.
Rappelons-nous la scène de l'Annonciation =
Marie est réconfortée par le signe de l'Ange qui lui annonce qu'elle sera "Mère du Très-haut". Et,
soudain, le récit se termine par cette indication courte et sèche : "Et l'ange la quitta !" (Lc 1.38). Marie se retrouve seule, non pas
seule pourtant car avec Dieu, mais encore invisible.
De même, l'Epiphanie est bien la fête de la persévérance.
"Tenez
fermes dans la foi !" (I
Co. 16.13), disait St Paul. Et Jésus redit à
chacun comme à ses apôtres qui, apercevant Jésus sur les flots du lac,
croyaient voir un fantôme : "Ayez
confiance ! C'est moi ; n'ayez pas peur !" (Mth 14.27).
Et c'est ainsi que nous aussi, nous
arriverons près de l'Enfant-Jésus, l'Enfant -Dieu-fait-homme -, à l'exemple des
Mages. Eux, "ils virent l'enfant...
; ils se prosternèrent pour l'adorer et, ouvrant leurs coffrets, ils lui
offrirent leurs présents !".
Remarquons au passage cet enseignement
important : Adorer l'Enfant et ouvrir des trésors, c'est le même geste.
On ne peut pas adorer sans donner. On ne reconnaît pas Dieu si l'on ne
reconnaît pas ses frères véritablement : les reconnaître humainement, soit !
Mais surtout les reconnaitre dans cette recherche de l'amour de Dieu. Le
temps de Dieu, c'est aussi le temps de l'homme ! En ne cherchant pas l'homme,
on ne trouve pas Dieu. Puissions-nous faire comme les Mages, tout au long de
l'année : Adorer Dieu et partager les trésors de notre cœur.
L'Epiphanie
est la fête du partage.
Enfin dernière leçon que nous donnent ces
Mages, ces chercheurs de Dieu : Après avoir découvert Dieu-Emmanuël, "ils retournèrent chez eux par un
autre chemin !". Dès que nous avons rencontré le
Christ, dès que nous l'avons reconnu, nous ne pouvons plus revenir à notre
pays, à nous-mêmes, par le même chemin ; nous ne pouvons plus retourner à nos
habitudes, à cette "idolâtrie de
l'habitude" dont a parlé récemment le pape François. il nous faut
changer de route.
L'Epiphanie
est bien la fête de la Conversion permanente.
Tous ceux qui rencontrent Jésus sont
arrachés à leur passé et leurs chemins d'habitude. Ils sont voués à une "autre route". Et le
pays vers lequel ils marchent n'est pas celui qu'ils ont quitté. Ils vont vers
la véritable Patrie, la Ville de Dieu. Il n'est pas vrai que tout est toujours
pareil, et que les paysages des yeux et du cœur se répètent. Car toujours Jésus
change la couleur de la vie. Il nous parle toujours de demain, des autres, du
Père. Impossible de s'enliser dans la routine, quand on a rencontré cet
Eveilleur. Il nous parlera toujours de vie naissante.
Soyons-en persuadés. Comme les Mages, avec
Celui qui a dit un jour, au bout de sa route : "Mon Royaume n'est pas de ce monde" (Jn 18.36), nous sommes des rois obscurs, des
rois nomades, des rois de grand vent. Ne l'oublions pas demain et la semaine
prochaine, quand la vie se fera un peu plus lourde, quand il faudra lutter,
quand il faudra se remettre en route : nous sommes rois et reines non pas des
fêtes humaines, passagères et gastronomiques, mais de la fête de Dieu,
car il nous a donné la terre à aimer et l'humanité future à faire naître
! Une fête de Dieu qui est toujours à partager, même et surtout avec l'inconnu
qui se présente et qui, à l'exemple des mages, cherche Dieu !
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