dimanche 15 juin 2014

Solitude - Communion !

Trinité 14

Il y a dans la Bible, tout au début de cette grande bibliothèque qui nous dit à la fois qui est Dieu et qui est l'homme, qui nous dit qui est l’homme dans sa relation avec Dieu, ...il y a un grand portique d'entrée. - Après avoir pénétré sur les sept marches de la Genèse, où l'on nous révèle que Dieu est créateur, et créateur par Amour, il y a deux phrases qui viennent éclairer tout le projet de Dieu et toute la dignité de l'homme.
Dieu dit : “Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance”. Et comme pour mieux nous faire comprendre ce que cela veut dire, on ajoute quelques versets plus loin : “Il n'est pas bon que l'homme soit seul !”.

Je crois que Dieu sait ce dont il parle car, en cette fête de la Trinité, on peut dire, de façon un peu paradoxale, qu'“Il n'est pas bon que Dieu soit seul”.

Avec Jésus Christ qui, à partir des Ecritures, nous explique tout ce qui le concerne, nous voici à cette étape où l'homme découvre que c'est le visage d'un Dieu Trinité - Père, Fils et Esprit - qui dit le mieux le chemin qui mène à la communion et qui lui fait dépasser toute solitude.

Mais avant d'aller plus loin, arrêtons-nous un moment sur cette solitude à laquelle personne n'échappe, pas même le Christ qui, dans son questionnement ultime sur la croix, disait : “Père, pourquoi m'as-tu abandonné ?”

Il n'y a pas de communion possible sans cette prise de conscience de la solitude. Elle est ce lieu décapant où l'homme se révèle unique..., se révèle “personne”, à nulle autre totalement semblable. Et s'il est unique, s’il est “personne”, c'est d'abord parce qu'il est seul, au sens qu'il n'est pas la photocopie d’un autre.
Cette solitude, ici-bas, est parfois l'expérience d'une brisure, d'une souffrance, d’un abandon peut-être... . Mais elle peut être encore le lieu d'un silence comme une expérience de vie intérieure, là où chacun peut redécouvrir ce qui l'habite au plus profond de lui-même. Ce lieu secret, silencieux est alors habité par la prière, la méditation, le recueillement.

Oui, il y a obligatoirement une solitude en l’homme, à la fois riche et tragique !

Mais aujourd'hui, Dieu veut nous réjouir en ces profondeurs de toutes nos solitudes pour indiquer le chemin d’un immense bonheur... ; car si la solitude est souvent ce qui fait saigner le cœur de l'homme, la communion est ce qui le guérit.
Et je crois qu'il n'y a d'amour possible que pour ceux qui ont accepté de ne pas renoncer à cette part de solitude qui devient alors le terreau fécond de toute relation vraie.

Oui, en cette fête de la Sainte-Trinité, Dieu nous redit que la vie est relation, et même que la vie naît de la relation.
Cette expérience trinitaire rejoint une des quêtes les plus essentielles de tout homme : être quelqu'un pour un autre dans une relation féconde, fidèle et respectueuse de chacun. Oui, voilà le véritable bonheur qui nous fait “à l’image de Dieu”. Parce que nous sommes créés “à la ressemblance de Dieu”, nous pouvons nous définir comme un besoin les uns des autres pour reconnaître et enrichir ce qu’il y a d’unique en chacun de nous. Toute véritable relation révèle ce qu’il y a de meilleur en l’un pour mieux affirmer ce qu’il a de meilleur en l’autre !

En touchant ainsi au mystère de Dieu, on touche aussi au mystère de l'homme.

Aussi, affirmons aujourd’hui avec force ce que le Christ nous révèle : Un seul Dieu en trois personnes… Le monothéisme de la foi chrétienne n'enferme pas Dieu dans la froideur d'une solitude céleste, mais il découvre le visage d’un Dieu en trois personnes distinctes que l'Amour partagé rassemble dans une unité si forte qu'on peut affirmer qu'il n'y a qu'un seul Dieu... mais non pas un Dieu seul !

Ce mystère d’un Dieu-Trinité est un véritable trésor de notre foi chrétienne. Aucune autre religion n'affirme l'unité et l'unicité de Dieu de cette façon. Mais cette originalité n'est pas une illusion ou une construction théologique, car ce mystère éclaire en fait l'identité profonde de l'homme.

Car, nous aussi, nous pouvons faire l'expérience de la Trinité, découvrir ce que c'est qu'être créé à l'image et à la ressemblance de Dieu.

1. c'est d'abord le chemin qui mène à la rencontre de l'autre dans une relation faite de communion et non pas de fusion : c'est toute la différence entre la tour de Babel et la Pentecôte. Grande leçon ! L’uniformité n’est pas un idéal !

2. c'est aussi faire l'expérience de la fécondité. L’amour devient fécond (c'est-à-dire porteur de vie) lorsqu'il s'inscrit dans une reconnaissance de ce qu’il y a d’unique en l’autre, lorsqu’il se nourrit de l'altérité.

3. c'est encore la conviction que la différence dans l’humanité - homme et femme - est un reflet de la vie trinitaire de Dieu.
Et cette conviction est une immense richesse pour la vie d’une famille. Cette conviction n’est pas seulement, ici-bas, la condition de la survie de l'humanité mais, plus profondément, c'est une façon de reconnaître la vocation de chacun dans le projet créateur et sauveur de Dieu. Un échange qui est collaboration au projet créateur et rédempteur de Dieu.

4. c'est encore la volonté de combattre toutes les solitudes stériles : l'accueil, la solidarité et le pardon sont des leviers puissants pour que l'amour triomphe de la haine et des exclusions.

5. c'est enfin - et parmi d'autres choses - le projet d'une vie solidement enracinée dans la vie de Dieu, Père-Fils-Esprit !

Un fleuve coupé de sa source se perd dans les eaux stagnantes et dans les marécages ; il nous faut sans cesse retrouver la saveur et la fraîcheur de ce qui peut irriguer notre vie...  l'Amour de Dieu-Trinité.

Célébrer la Trinité, c'est engager le combat contre la solitude pour que toute vie soit transfigurée dans la plénitude de l'Amour-Trinité.

Alors, au seuil de notre vie éternelle, devant Dieu Père-Fils-Esprit, nous proclamerons la beauté de toute la création à l’image de Dieu, la beauté de chacun de nous en Dieu-Trinité.
Et nous pourrons, en communion les uns avec les autres,  nous exclamer comme St jean de la Croix :

Que votre beauté, Seigneur, soit telle
     qu’en nous regardant mutuellement,
je paraisse semblable à vous en votre beauté ;
et que je me vois en votre beauté.
Cela aura lieu
     quand vous m’aurez transformé en votre beauté ;
Et je me verrai en vous dans votre beauté.
En votre beauté, je serrai vous.
En votre beauté, vous serez moi,

parce que votre beauté même sera mienne”.

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