Fête du "Saint-Sacremlent" ! 2014
Prononcer des paroles le
jour de la fête du Corps et du sang du Christ nous met toujours en
danger de parler trop légèrement. Parce que parler du Corps et du Sang du
Christ, c'est rendre compte de ce que nous vivons chaque dimanche à la messe. Et
ce que nous vivons est tellement riche et multiple ! D’ailleurs dans
les textes liturgiques, les mots se bousculent, ainsi que les images et les
récits pour nous aider à y réfléchir. De même, au cours des siècles, on a
additionné les mots pour désigner ce moment qui est au cœur de notre réunion
dominicale : le "Repas du Seigneur", "la Cène", "le
Saint-Sacrifice", "l'Eucharistie", "la Communion"...
Chacun de ces mots révèle un aspect du Mystère. Il est impossible d'en faire le
tour. Il faut choisir en quelques minutes. Il faut choisir.
Aussi je vous propose de
réfléchir aujourd’hui à deux questions seulement :
La première
: vous vous la posez souvent. La “présence réelle du Corps et du Sang du
Christ”, comment croire cela, comment le dire ?
La seconde
: vous l'entendez souvent. Célébrer chaque jour ou chaque dimanche le Mystère
de cette présence à la messe, à quoi ça sert ? A quoi ça vous avance ?
La première : La “présence
réelle du Corps et du Sang du Christ” à la messe, comment le croire, comment
le dire ?
“Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ?”.
Qui a prononcé cette phrase ? Ce sont les premiers auditeurs de Jésus quand il
a tenté de leur parler du “Pain Vivant”. St Jean nous le rapporte dans son
évangile.
Et parmi nous, qui n'a
pas un jour ou l'autre prononcé cette phrase ? Comment cet homme peut-il nous
donner sa chair à manger ? C'est vrai que ce langage sanglant nous choque :
“manger la chair, boire le sang”. La question est de taille. Car il s'agit de
la présence réelle du Christ à la messe.
La parole de l’Eglise
est claire : pas question de minimiser cette réalité. La foi de l'Eglise
est formelle. Et les chrétiens sont convaincus que c'est le Christ qu'ils
reçoivent quand ils communient à la messe. Si cette affirmation continue de
nous étonner, tant mieux, parce que l'Eucharistie est une réalité étonnante,
merveilleusement étonnante.
Étonnante mais pas
incompréhensible, mystérieuse mais pas absurde. Il ne nous est pas demandé de
croire des absurdités.
“Manger la chair, boire
le sang”, cette phrase au cours des siècles a alimenté les accusations les plus
sordides contre le christianisme, religion cannibale. Et puis, nous, chrétiens
de ma génération, nous avons tous en mémoire, n'est-ce pas, un souvenir
d'enfance : nous étions quelque peu terrorisés à la pensée de mordre dans
l'hostie ! Heureusement que notre foi en l'Eucharistie a grandi et que nous
n'avons pas à croire des invraisemblances.
Mais alors que veut dire
exactement l'Évangile avec ces mots-là ? D’abord, les exégètes nous éclairent :
l'expression "Corps et Sang", dans la langue hébraïque, n'ont pas la
même signification qu'en français. Le "corps", c'est la personne
tout entière ; le "sang", c'est le la vie tout entière.
Lorsque Jésus dit : “Ceci est mon Corps,
ceci est est mon Sang”, c'est comme s'il disait : “C'est ma vie, c'est moi
tout entier rendu présent, mystérieusement, par ce signe du pain et du vin”.
Quand on communie, on
communie véritablement à sa personne vivante. Nos dents ne croquent pas
une chair corporelle, mais nos cœurs, nos vies accueillent le Christ avec toute
sa vie de Ressuscité. Et là, pas de comparaison possible. Sa présence n'est pas
comme une présence matérielle, chimique. C'est la présence vivante du Christ
ressuscité avec son Corps divinement glorieux ; c'est précisément la
présence vivante d’une personne avec son amour surabondant qui se propose à
une (notre) rencontre. Parce que Dieu, le Christ, avec sa vie glorieuse, se
fait notre nourriture divine. Oui, les chrétiens choisissent de s'alimenter à
ce Pain-là. Mais pourquoi ?
C'est la seconde
question. Cette question formule une objection facile chez les plus jeunes et
aussi, parfois, chez les moins jeunes : “La messe, à quoi çà sert ?
Aller à la messe, à quoi çà nous avance ?” Moi, dit-on encore, je préfère
rendre service de mon mieux, m’efforcer d’être solidaire des mes frères, comme
le Christ, lorsqu’il était sur terre.
C’est une bonne question
! Que faisons-nous à la messe ? Quelle présence avons-nous à la messe ?
Avons-nous une présence réelle ? Ou
répétons-nous des mots qui ne brûlent plus personne, des rites ponctuellement
exécutés mais un peu vides de sens, au point qu'il n'y a guère d'incroyants
qui, pénétrant à l'improviste dans l'une ou l'autre de nos assemblées
dominicales, devineraient que le Christ est réellement au milieu de nous ?
Et pourtant, il s'agit
bien d'une présence réelle, donc d'une présence active.
La messe n'est pas d’abord une dévotion comme certains le pensent parfois.
C'est une action comme le mot “Liturgie” le signifie : "leitos"
- "urgos" : un travail en commun. En commun et avec Dieu et avec nos
frères !
Aussi, l’Action
eucharistique doit nous rendre actifs, acteurs dans le monde.
La phrase de Jésus : “Faites ceci en
mémoire de moi” ne signifie pas : “Faites ce repas en souvenir de moi”.
Mais, “dans ce repas, j'offre ma vie par amour ; faites-en autant”. A la
Cène, le Jeudi-Saint, Jésus a donné sa vie ; nous refaisons ce repas pour
apprendre à donner la nôtre.
Bien sûr, l'Eucharistie
est et doit être une communauté de table rituelle, mais c'est à nous d'en faire
aussi une communauté de table réelle. Je veux dire : comment se nourrir
réellement de la vie du Christ si, comme on le dit souvent, nous prenons notre
parti des inégalités et des injustices diverses où les uns sont repus et les
autres se retrouvent devant un grenier vide ? Ou beaucoup plus simplement si
c’est une occasion de se retrouver, les uns d’une part et les autres d’autre
part, comme le soulignait déjà St Paul, de se retrouver entre amis, en petits
cercles bien agréables et humainement légitimes, mais fermés aux autres et donc
à Dieu.
Ou encore, si nous
communions chaque dimanche à la messe, il n’est donc pas question de nous
excommunier après la messe. Pas question de dresser des barrières ne serait-ce
et surtout entre membres d’une même famille, d'une même communauté. C'est donc
bien après la messe que l'on sait si la messe a été vraiment vivante, c’est
après l'Eucharistie que l'on sait si cette Eucharistie nous fait vivre.
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