Vendredi
après Cendres
Dans
le bref Evangile d'aujourd'hui, Jésus remet en place ceux qui se scandalisent
de voir que certains ne pratiquent pas
les observances que l’on faisait de son temps. Il semble que Jésus leur
reproche finalement de se mêler de ce qui ne les regarde pas ; et il fait observer -comme le disait si bien
Qohélet (ou l'Ecclésiaste), qu’il y a un temps pour tout. (cf. Qo 3)
Pour
éclairer notre évangile, on peut reprendre
une application de Jésus lui-même, que rapporte St Luc : "Deux hommes montèrent au Temple
pour prier ; l'un était Pharisien et l'autre publicain. Le Pharisien, debout,
priait ainsi en lui-même : "Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne
suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou
bien encore comme ce publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je
donne la dîme de tout ce que j'acquiers".
Le
publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais
il se frappait la poitrine, en disant : "Mon Dieu, aie pitié du pécheur
que je suis ! "
Je
vous le dis : ce dernier descendit chez lui justifié, l'autre non. Car
tout homme qui s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé." (Lc 18, 10 -14)
Avec une lucidité qu'auraient pu envier Karl Marx et certains moralistes modernes, Jésus montre que, de fait, la pratique religieuse peut devenir "l'opium du peuple" (pur formalisme) ou un moyen de rassurer la conscience en évitant de la promener sur des fautes beaucoup plus graves qu’on commet envers Dieu et dans nos relations avec les autres.
Jésus ne
disait-il pas encore : " Malheur à vous, scribes et Pharisiens
hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après
avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c'est ceci qu'il fallait pratiquer, sans
négliger cela". (Mt 23.23)
Ce n’est pas un hasard que l’Evangile
d’aujourd’hui ait été choisi en ce début de Carême pour nous mettre en garde contre
le formalisme que peut recéler l’observance religieuse.
Quelques siècles avant Jésus, le prophète
Isaïe avait réagi contre ce formalisme religieux d’une manière qui pourrait actualiser les dénonciations
de ce formalisme en le concrétisant r d'une manière encore plus percutante.
Il est certes bon de jeûner, d’en
faire une pratique collective ; mais que
cette pratique ne serve pas de paravent derrière lequel on continue à pratiquer
l’injustice et la violence.
Quel est le jeûne qui plaît à
Dieu ? Certainement pas celui qui nous éviterait de faire les vraies
réformes, celles qui rétablissent l’harmonie et la paix. "Heureux les
artisans de paix, ils seront appelés Fils de Dieu".
La mondialisation dont on parle
beaucoup actuellement - "l'esprit universel" - entraîne souvent de
terribles injustices. On ferme des usines pour de simples motifs d’intérêts
économiques ; et les délocalisations permettent de trouver de la main d’œuvre
moins chère en des pays où on accélère la production en surmenant des
travailleurs réduits en esclavage.
Tout cela, on ne veut pas trop y
penser. Tout est subordonné aux intérêts égoïstes.
Quel est donc le jeûne qui plaît à
Dieu ?
"N'est-ce pas plutôt ceci, le jeûne
que je préfère : défaire les chaînes injustes ; délier les liens du joug ;
renvoyer libres les opprimés, et briser tous les jougs ?
N'est-ce pas partager ton pain avec
l'affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri ; si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te
dérober devant celui qui est ta propre chair ?"? ( Is 58.6-7)
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