dimanche 9 février 2020

Lumière !


5ème   dimanche T.O. 20 A   

St Matthieu présente Jésus comme le nouveau Moïse :
- le baptême reprenait le passage de la mer rouge ;
- le séjour au désert, celui de l’exode ;
- le discours sur la Montagne est la proclamation de la Nouvelle Loi donnée au nouveau Peuple de Dieu, l’Eglise !
Et dans cette nouvelle Loi, il nous est dit aujourd’hui : “Vous êtes la lumière du monde !”

St Jean, lui, a une autre version :  avec insistance, il met dans la bouche de Jésus : “Je suis la lumière du monde”.  Non pas : “Vous êtes la lumière”, mais : “Je suis...”.
Y aurait-il contradiction, opposition ? Non pas ! Car il convient d’écouter la Parole de Dieu en polyphonie, si je puis dire, prêtant l'oreille à l'harmonie des divers instruments que peuvent être les évangélistes au service d'une même partition : l'annonce de la Bonne Nouvelle.

Il est vrai que St  Jean aime situer Jésus, Verbe de Dieu, comme la lumière qui luit dans les ténèbres et que les ténèbres ne peuvent saisir. Et il invitera plusieurs fois ses auditeurs à contempler Jésus comme “lumière”, mais lumière qui dévoile, qui révèle, un Autre : son Père et notre Père. Jésus est lumière qui éclaire, lumière jaillissante comme l'aurore (lsaïe 1.lec) qui renvoie non à lui-même, mais à un Autre, son Père.

Et si St Matthieu fait dire à Jésus non pas “Je suis...”,  mais “Vous êtes la lumière du monde”..., c’est pour souligner une même mission : “Vous qui êtes mes disciples, je vous appelle à être à ma suite lumière, une lumière qui ne renvoie pas à elle-même mais à un Autre, une lumière qui renvoie à la source”.

Ainsi pour les deux évangélistes, une lumière n'est pas destinée à s'éclairer elle-même mais elle permet de désigner un au-delà d'elle-même. Une lumière qui se donnerait à se voir elle-même aveuglerait. Une telle lumière est alors stérile, un peu comme du sel qui perd de sa capacité de donner de la saveur à un plat, à autre que lui.
Oui, disciples du Christ, notre mission est semblable à la sienne : montrer Dieu, Père ! “Montre-nous le Père, disait Philippe à Jésus, et cela suffit” !  Etre lumière du monde, lumière qui montre Dieu et lumière pour les hommes.
Encore faut-il être véritable lumière ! Il est des lumières qui aveuglent et d'autres qui éclairent. Il est des images qui enferment et d'autres qui libèrent. Il est des personnes, des communautés qui aveuglent et qui enferment et d'autres qui éclairent et qui libèrent.

Ainsi, l'Eglise dont nous faisons partie, n'est pas là pour elle-même - c’est important de dire cela -, mais pour éclairer simplement. Elle n'est pas là pour conquérir, ni assimiler le monde à elle-même.
La lumière ne transforme pas les meubles en lumière mais elle les fait apparaître pour ce qu'ils sont avec leur forme et leur couleur.
Elle ne leur donne ni forme, ni couleur, car elle n'a elle-même ni forme ni couleur.
Elle ne fait que révéler aux objets leur forme et leur couleur, elle les fait apparaître dans leur beauté propre.
Mieux, si la lumière est seule, personne ne peut savoir qu'elle est là. Si elle n'éclaire pas des molécules de matière ou des objets, la lumière du soleil est invisible et n'empêche pas les ténèbres. !

Ainsi, l’Eglise doit être toute relative à ce qui n'est pas elle, à ce qui ne sera jamais elle, à ce qui s'oppose à elle.
L'Eglise apporte le salut au monde en faisant apparaître, par sa lumière, la réalité propre de chaque être : image de Dieu.
Elle n'est pas le groupe privilégié des sauvés dans un monde damné. Elle n'est pas une secte d'illuminés dans un monde de ténèbres.
Elle doit être lumière pour tout homme qui vient en ce monde !  Ainsi, chaque chrétien doit se laisser éclairer lui-même par la lumière qu'il porte et qui ne vient pas de lui pour transmettre cette lumière afin que tout homme soit éclairé… le plus possible, révélé à lui-même et devant Dieu et devant ses frères.
Oui, c’est une belle image  instructive, que celle de la lumière, Lumière qui révèle le Père en révélant aux hommes qu’ils sont véritablement aimés de Dieu.

Remarquons encore que la lumière ne sélectionne pas parmi les couleurs ni parmi les formes celles qu'elle révélera. “Votre Père fait luire son soleil sur les bons et les méchants.”, disait Jésus.
Certes, l’Eglise, les chrétiens portent en eux des valeurs, des richesses qu’ils ont découvertes grâce à la lumière tout au long des siècles et qu’ils découvrent encore, telles : le respect de toute vie, le respect de la liberté de conscience, etc.
Mais avant de les enseigner, la qualité de leur lumière est celle d’une charité universelle envers tout homme aimé de Dieu et animé de Dieu par l'intérieur, aimé de Dieu jusqu'à la mort et la mort de la croix, comme le rappelle St Paul dans la seconde lecture.

“Vous êtes la lumière du monde”… La lumière de l'Église et du chrétien consiste donc à couronner chaque homme - et ceux-là même que nul ne remarquerait - de cette importance qui vient du regard de Dieu sur lui et de l'Esprit de Dieu en lui. Cette lumière es destinée à enrichir d’une multitude de richesses, tel le rayon de soleil à travers un prisme.

“Vous êtes lumière du monde… !”  Une lumière qui vient de Dieu et qui provoque à regarder vers Dieu.
Une lumière qui n’est pas destinée à s’établir ici et maintenant, mais dans le cœur d’un Dieu qui nous rassemble visiblement afin d’être lumière de l’Invisible !

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