samedi 1 décembre 2018

Manifestation du Seigneur


1er  Dimanche de l'Avent C/18-19

Pourquoi reprendre, en ce premier dimanche de l'Avent, ce curieux discours sur la fin du monde dont nous a déjà parlé St Marc, il y a 2 semaines ?
Certes, il y a toujours eu des prophéties de catastrophe universelle. Et avec le péril nucléaire, les méfaits de la pollution… etc., il y en a toujours.
Mais est-ce vraiment là le message de l'Evangile, mot qui veut dire "Bonne Nouvelle" ? Non pas ! Alors pourquoi ces terribles visions ? Oui, elles demandent explications.

"IL Y AURA DES SIGNES DANS LE SOLEIL, LA LUNE ET LES ÉTOILES"
Ces signes cosmiques constituaient, dans toute une littérature judaïque appelée "apocalypse", le décor classique de la "manifestation" ("Epiphanie") de Dieu aux hommes.

A l'origine de cette littérature, il s'agissait d'une polémique entretenue par les prophètes contre les tenants des cultes idolâtriques, des astres surtout : l'homme a toujours été fasciné par les astres dont les cycles réguliers mesurent notre temps. Pour bien des peuples anciens, ces corps célestes apparaissent comme des êtres surnaturels dominant le monde, déterminant nos destins. On pouvait donc lire l'avenir dans leurs diverses progressions ; surtout, il fallait s'assurer la faveur de ces mystérieuses puissances en leur rendant un culte.
Oui, du temps des prophètes, le soleil, la lune, les étoiles sont des divinités qu'on redoute, qu'on adore. (Avant de sourire, songeons aux succès que connaissent chez nous l'astrologie et les horoscopes!). Aussi, à tous ceux qui sont tentés par cette idolâtrie, les prophètes déclarent : le jour vient, "Jour du Seigneur", où ces pseudo-divinités astrales vont s'évanouir s'effondrer lamentablement ; Alors tous les hommes verront bien qu'il n'y a pas d'autre Dieu que le Seigneur.

Ainsi, dans le langage des prophètes, ces signes cosmiques qui nous paraissent effroyables, ne sont pas visions d'effroi, mais au contraire promesse et annonce d'une victoire définitive de Dieu sur tous les faux-dieux qui écrasent l'homme.

Certes, nous n'adorons plus le soleil et les étoiles…  Même si nous déifions, parfois, la fatalité, le destin et toutes sortes d'idéologies…, n'y-a-t-il pas encore en nous, autour de nous, des faux-dieux qui aveuglent l'homme, disait Isaïe, qui le distraient, répétait Pascal : argent, recherche exclusive de son plaisir et encore  cette boulimie d'activités qui l'étourdit … et l'accable en le détournant de Dieu, du vrai Dieu.
Alors, reprenant les images anciennes, Jésus nous dit : ces astres qui brillent au firmament de votre imagination charnelle ou spirituelle tomberont, éclateront.

Au fond, ces vieilles images d'apocalypses, reprises par Jésus, ne sont pas des descriptions de fin du monde ; elles forment des indicatifs pour rappeler l'intervention définitive de Dieu sur notre monde qu'il va délivrer de toute peur, de tout mal…  et surtout de ce mal qui nous éloigne de lui.
Et St Luc qui s'adresse pourtant à des Grecs, moins friands que les Juifs de ces images d'apocalypse, ne craindra pas de placer une éclipse de soleil au moment où Jésus expire sur la croix : une façon pour lui de signifier que c'est dans cet événement du Calvaire que s'accomplit l'intervention salvatrice de Dieu en notre histoire. Dans le mystère pascal du Christ, tous les faux-dieux de tous les ciels sont déjà anéantis !
N'est-ce pas là notre foi ?

"LES NATIONS SERONT AFFOLÉES"
Les apocalypses, là encore, avaient développé cette idée que la manifestation de Dieu serait marquée par un terrible déchaînement des faux-dieux, des forces du mal. Et pour un Juif qui n'a jamais eu le pied marin, le mal était symbolisé par la mer et la tempête : "Les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête". C'était une manière de dire : plus les faux-dieux déchaînent ennuis, persécutions sur les serviteurs du vrai Dieu, plus certaine est la manifestation du Seigneur et éclatante sa victoire.  Comme au matin de Pâques !
N'est-ce pas là notre foi ?

Et les premiers chrétiens reprendront ce langage. Si l'Eglise subit tribulations de toutes sortes, c'est le signe de cette espérance : la victoire du Christ, totalement acquise au jour de Pâque, va rapidement se déployer de façon éclatante.

C'est dans cette pensée que l'on peut comprendre ce paradoxe que l'on rencontre dans l'Evangile et chez St Paul, ce paradoxe de la joie dans les persécutions : si les forces du mal se déchaînent, c'est que le Seigneur va se manifester. Aussi, restons malgré tout dans la joie !

Et, en affirmant cette vérité de foi, St Luc songe sans doute à la persécution de Néron, à la ruine de Jérusalem, à bien des tribulations de son temps qui ont précédé l'extension et l'affermissement de la foi chrétienne.

Mais, finalement, quelle génération n'a-t-elle pas eu le sentiment de vivre une époque troublée ? Quelle vie n'a pas ses épreuves, ses tribulations ?  Au milieu de nos adversités avons-nous cette foi, cette espérance pour considérer nos souffrances comme des ouvertures à la venue du Christ, mort mais vivant, et qui veut nous sauver…  Là où le mal a abondé, dira St Paul, la grâce a surabondé ! (Rm 5.20 - I Tim.1.14)

"ALORS lLS VERRONT LE FILS DE L HOMME..."
Oui, on verra le "Fils de l'homme" dans sa gloire divine. Dans la vision de Daniel auquel est emprunté ce terme, le "Fils de l'homme" représente "le peuple des saints du Très-haut" qui reçoit "empire, honneur et royaume" au terme de ses épreuves.
En s'appliquant ce titre, surtout quand il parle de son mystère pascal, Jésus se présente lui-même comme celui qui porte et résume en sa personne tout le destin de l'humanité. En lui, tout homme est déjà sauvé par sa mort et sa résurrection !

Et Luc veut centrer toute l'attention sur cette victorieuse manifestation du Seigneur. C'est cela qui importe. L'Évangile ne veut pas tant nous enseigner que le monde aura  une fin, mais d'abord nous annoncer la Bonne Nouvelle que le monde a  une fin, c.-à-d. une finalité, un but, un sens ; pour le chrétien, la fin du monde n'est donc pas spécialement pour demain ou un après-demain définissable ; elle est pour aujourd'hui, puisque c'est dès aujourd'hui, et depuis toujours, que le Christ est fin, finalité de tout homme, Celui pour qui tout a été créé et vers qui tout retourne.
           
Aussi est-ce un message d'espérance que Luc adresse à ses lecteurs : "Quand ces événements (ce terrible affrontement entre le vrai Dieu et les faux dieux) commenceront d'arriver, redressez-vous et relevez la tête". Autrement dit, ce qui pourrait nous plonger dans la peur et l'angoisse doit, pour le chrétien, être signe de la victoire finale : La croix du Christ n'est-elle pas notre unique espoir?

Et St Luc de terminer - et c'est un beau programme pour le temps de l'Avent - de terminer par une invitation à la prière incessante : "Restez éveillés et priez en tout temps" : c'est bien en effet la prière qui peut entretenir en nous cette courageuse attente et cette active espérance.

St Jean l'avait bien compris, lui aussi, lui qui terminait son Apocalypse par ces mots - et c'est ainsi que se termine le Nouveau testament - :"L'Esprit et l'Épouse (l'Eglise) disent : "Viens" !... Et que celui qui écoute dise : "Viens!"..."  Et il entendra Celui qui est commencement et fin de toutes choses lui déclarer : "Oui, je viens bientôt."  - Oui, viens, Seigneur Jésus ! ".

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