1er
Dimanche de l'Avent C/18-19
Pourquoi reprendre, en ce premier
dimanche de l'Avent, ce curieux discours sur la fin du monde dont nous a
déjà parlé St Marc, il y a 2 semaines ?
Certes, il y a toujours eu des prophéties
de catastrophe universelle. Et avec le péril nucléaire, les méfaits de la
pollution… etc., il y en a toujours.
Mais est-ce vraiment là le message
de l'Evangile, mot qui veut dire "Bonne Nouvelle" ? Non pas ! Alors
pourquoi ces terribles visions ? Oui, elles demandent explications.
"IL Y AURA DES SIGNES DANS LE
SOLEIL, LA LUNE ET LES ÉTOILES"
Ces signes cosmiques constituaient, dans toute une
littérature judaïque appelée "apocalypse", le décor classique de la
"manifestation" ("Epiphanie") de Dieu aux hommes.
A l'origine de cette littérature, il
s'agissait d'une polémique entretenue
par les prophètes contre les tenants des cultes idolâtriques, des astres
surtout : l'homme a toujours été fasciné par les astres dont les cycles
réguliers mesurent notre temps. Pour bien des peuples anciens, ces corps
célestes apparaissent comme des êtres surnaturels dominant le monde,
déterminant nos destins. On pouvait donc lire l'avenir dans leurs diverses
progressions ; surtout, il fallait s'assurer la faveur de ces mystérieuses
puissances en leur rendant un culte.
Oui, du temps des prophètes, le
soleil, la lune, les étoiles sont des
divinités qu'on
redoute, qu'on adore.
(Avant
de sourire, songeons aux succès que connaissent chez nous l'astrologie
et les horoscopes!). Aussi,
à tous ceux qui sont tentés par cette idolâtrie, les prophètes déclarent : le
jour vient, "Jour du Seigneur", où ces pseudo-divinités astrales
vont s'évanouir s'effondrer lamentablement ; Alors tous les hommes
verront bien qu'il n'y a pas d'autre Dieu que le Seigneur.
Ainsi, dans le langage des
prophètes, ces signes cosmiques qui nous paraissent effroyables, ne sont pas
visions d'effroi, mais au contraire promesse et annonce d'une victoire
définitive de Dieu sur tous les faux-dieux qui écrasent l'homme.
Certes, nous n'adorons plus le
soleil et les étoiles… Même si nous
déifions, parfois,
la fatalité,
le destin
et toutes sortes
d'idéologies…, n'y-a-t-il pas encore en nous, autour de nous, des faux-dieux
qui aveuglent l'homme, disait Isaïe, qui le distraient, répétait
Pascal : argent, recherche exclusive de son plaisir et encore cette boulimie d'activités qui l'étourdit …
et l'accable en
le
détournant
de Dieu, du vrai Dieu.
Alors, reprenant les images
anciennes, Jésus nous dit : ces astres qui brillent au firmament de votre
imagination charnelle ou spirituelle tomberont, éclateront.
Au fond, ces vieilles images
d'apocalypses, reprises par Jésus, ne sont pas des descriptions de fin du monde
; elles forment des indicatifs pour rappeler l'intervention définitive de Dieu
sur notre monde qu'il va délivrer de toute peur, de tout mal… et surtout de ce mal qui nous éloigne de
lui.
Et St Luc qui s'adresse pourtant à
des Grecs, moins friands que les Juifs de ces images d'apocalypse, ne craindra
pas de placer une éclipse de soleil au moment où Jésus expire sur la croix :
une façon pour lui de signifier que c'est dans cet événement du Calvaire que
s'accomplit l'intervention salvatrice de Dieu en notre histoire. Dans le
mystère pascal du Christ, tous les faux-dieux de tous les ciels sont déjà
anéantis !
N'est-ce pas là notre foi ?
"LES NATIONS SERONT
AFFOLÉES"
Les apocalypses, là encore, avaient
développé cette idée que la manifestation de Dieu serait marquée par un
terrible déchaînement des faux-dieux, des forces du mal. Et pour un Juif
qui n'a jamais eu le pied marin, le mal était symbolisé par la mer et la
tempête : "Les nations seront affolées
par le fracas de la mer et de la tempête". C'était une manière de dire : plus
les faux-dieux déchaînent ennuis, persécutions sur les serviteurs du vrai Dieu,
plus certaine est la manifestation du Seigneur et éclatante sa victoire. Comme au matin de Pâques !
N'est-ce pas là notre foi ?
Et les premiers chrétiens
reprendront ce langage. Si l'Eglise subit tribulations de toutes sortes, c'est
le signe de cette espérance : la victoire du Christ, totalement acquise au jour
de Pâque, va rapidement se déployer de façon éclatante.
C'est dans cette pensée que l'on
peut
comprendre
ce paradoxe que l'on
rencontre dans l'Evangile et chez St Paul, ce paradoxe de la joie dans les
persécutions : si les forces du mal se déchaînent, c'est que le Seigneur va
se manifester. Aussi, restons malgré tout dans la joie !
Et, en affirmant cette vérité de
foi, St
Luc songe sans doute à la persécution de Néron, à la ruine de Jérusalem, à bien
des tribulations de son
temps
qui
ont
précédé
l'extension et
l'affermissement de la foi chrétienne. …
Mais, finalement, quelle génération
n'a-t-elle pas eu le sentiment de vivre une époque troublée ? Quelle vie n'a
pas ses épreuves, ses tribulations ? Au
milieu de
nos
adversités
avons-nous
cette
foi, cette espérance
pour considérer nos souffrances comme des ouvertures à la venue du Christ, mort
mais vivant, et qui veut nous sauver… Là où le mal a abondé, dira St Paul, la grâce a surabondé ! (Rm 5.20 - I Tim.1.14)
"ALORS lLS VERRONT LE FILS DE L
HOMME..."
Oui, on verra le "Fils de
l'homme" dans sa gloire divine. Dans la vision de Daniel auquel est
emprunté ce terme, le "Fils de l'homme" représente "le peuple des saints du Très-haut" qui
reçoit "empire, honneur et royaume"
au terme de ses épreuves.
En s'appliquant ce titre, surtout
quand il parle de son mystère pascal, Jésus se présente lui-même comme celui
qui porte et résume en sa personne tout le destin de l'humanité. En lui, tout
homme est déjà sauvé par sa mort et sa résurrection !
Et Luc veut centrer toute
l'attention sur cette victorieuse manifestation du Seigneur. C'est cela qui
importe. L'Évangile ne veut pas tant nous enseigner que le monde aura une
fin, mais d'abord nous annoncer la Bonne Nouvelle que le monde a une
fin, c.-à-d. une finalité, un but, un sens ; pour le chrétien, la fin du
monde n'est donc pas spécialement pour demain ou un après-demain définissable ;
elle est pour
aujourd'hui,
puisque c'est dès
aujourd'hui, et depuis toujours, que le Christ est fin, finalité de tout homme,
Celui pour qui tout a été créé et vers qui tout retourne.
Aussi est-ce un message
d'espérance que
Luc adresse à ses
lecteurs : "Quand ces événements (ce terrible
affrontement entre le vrai Dieu et les faux dieux) commenceront d'arriver,
redressez-vous et relevez la tête". Autrement dit, ce qui pourrait nous plonger dans la
peur et l'angoisse doit, pour le chrétien, être signe de la victoire finale
: La croix du Christ n'est-elle pas notre unique espoir?
Et St Luc de terminer - et c'est un beau
programme pour le temps de l'Avent -
de terminer par une invitation à la prière incessante : "Restez éveillés et priez en tout
temps" : c'est bien en effet la prière qui peut entretenir en nous
cette courageuse attente et cette active espérance.
St Jean l'avait bien compris, lui
aussi, lui qui terminait son Apocalypse par ces mots - et c'est
ainsi que se termine le Nouveau testament - :"L'Esprit
et l'Épouse (l'Eglise)
disent : "Viens" !... Et que celui qui écoute dise :
"Viens!"..." Et il entendra Celui qui est
commencement et fin de toutes choses lui déclarer : "Oui, je viens bientôt."
- Oui, viens, Seigneur Jésus ! ".
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