samedi 8 décembre 2018

Le désert !


 2ème Dimanche de l'Avent C/18-19

Le temps de l'Avent nous met devant les yeux la grande figure de Jean le Baptiste. Et le Précurseur du Seigneur n'est-il pas pour nous un modèle très adapté à la situation que nous vivons.
Nous aussi, nous essayons de montrer le Christ à nos frères comme Jean Baptiste. Et comme lui, nous ne pouvons le montrer que de loin, en criant, à notre façon, certes : "Préparez-les chemins du Seigneur, rendez droits ses sentiers... tous verront le salut de Dieu."

La voix qui crie dans le désert était déjà celle d'Isaïe qui eut tant de mal à se faire entendre.
Ce fut aussi celle du Baptiste lui-même
et ensuite celle de Jésus comme il le déclare lui-même : "Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l'on dit : "Il a perdu la tête." - Alors, on ne l'écoute pas! - "Le Fils de l'Homme est venu, il mange, il boit, et l'on dit : Voilà un glouton et un ivrogne..." - Et on ne l'écoute pas plus ! -
Comme le Baptiste, comme Jésus lui-même, nous avons parfois l'impression de parler dans le désert, nous avons parfois l'impression qu'il est difficile pour un chrétien de se situer dans le monde d'aujourd'hui.
On nous reproche, à nous aussi, d'être trop proches ou trop lointains. On nous dit tout à la fois : "Vous ne savez pas ce que c'est que la vie" ; mais aussi : "Vous ne parlez pas assez de Dieu !"

Et cette situation crée notre propre désert, à nous aussi, car le désert n'est pas un endroit que l'on pourrait localiser : si Jean se tient dans le désert, au bord du Jourdain, Jésus, lui, se tient partout. "J'ai parlé ouvertement au monde, j'ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le temple où tous les Juifs se rassemblent...". 
Le désert n'est-il pas d'abord ce lieu du manque, ce lieu où chacun, au creux de sa conscience, ressent le vide, le silence qui reste, malgré tout, dans sa vie et autour de lui ?
Le désert n'est-il pas ce besoin, ce désir que nous portons d'une vie que nous n'arrivons pas véritablement à communiquer, d'un sens que nous voudrions donner à notre existence et à celle de nos frères ?

De plus, nous vivons dans le désert d'un monde difficile, dans le désert d'un monde marqué par bien des désarrois : difficulté de vivre sa foi, de trouver du travail et d'organiser sa vie de famille, d'orienter les jeunes… … et que sais-je encore ! Oui, il est vrai : nous, chrétiens de ce 21ème siècle, nous pouvons nous reconnaître comme citoyens de ce désert qui existe en tout homme, en toute société, en toute Eglise.
Un désert qui pourrait ressembler à celui que traversèrent les Hébreux à la sortie d'Egypte, mais un désert aussi où peut se faire entendre la voix du Bien-aimé, comme le disait le prophète Osée : "Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur" (Osée 2/16)..

Dieu nous conduit au désert et c'est justement parce que nous sommes dans le désert que nous avons des chances d'entendre la voix du Père qui redira comme jadis à Moïse : "J'ai vu la misère de mon peuple." 
Ce n'est pas le malheur qui nous rapproche de Dieu mais la conscience de nos fragilités, de nos manques et de notre attente. Oui, le désert peut devenir lieu de renouvellement, de ressourcement. Sachons profiter du désert pour refaire sans cesse alliance avec le Seigneur !

Mais les avantages du désert ne peuvent pas nous faire oublier ses inconvénients. Dans le désert d'un monde qui perd ses points de repère, il est difficile de proposer clairement une démarche de la foi, de faire entendre la parole toujours nouvelle de l'Evangile.

C'est en ceci que nous nous trouvons comme Jean Baptiste, dans la nécessité de montrer le Christ mais de le montrer de loin. Ceux à qui nous proposons quelque chose de sa parole brûlante et exigeante n'en pourront parfois recevoir que les premières ébauches. Ils acceptent de venir à l'église pour les grands moments de la vie, ou  ne serait-ce qu'aux grandes fêtes, à Noël, par exemple, et d'en parler quelque peu… 

Mais remarquez : ceux qui sont venus écouter le Baptiste quand il parlait aux foules devaient se trouver dans la même situation. Ils avaient déjà essayé d'autres voies et ils venaient vers lui parce qu'ils espéraient - sait-on jamais ? - trouver une réponse plus adéquate à leurs attentes. Et Jean ne fait que leur désigner Jésus qui passe au loin. Nous aussi, de très loin nous montrons ce jour où le désert deviendra fertile (Isaie 41/17-20).


Cela nous oblige à une infinie patience : les gens que nous rencontrons, - et c'est parfois ceux de notre propre famille - avec lesquels nous faisons un bout de chemin, auquel nous avons peut être fait entrevoir quelque chose de Jésus, nous ne pourrons pas les mener jusqu' au terme.
D'autres circonstances interviendront, d'autres nous succéderont et pourront, peut être, désigner clairement ce que nous leur avons permis d'entrevoir.
Notre rencontre, notre conversation, une fête religieuse n'ont été pour eux qu'une étape. D'autres étapes viendront et d'autres prophètes seront là pour en montrer la signification. "Autre est celui qui sème et celui qui moissonne.". Ne perdons pas courage. Ils verront peut être un jour que celui que nous avions montré de loin, s'est maintenant rapproché d'eux et qu'il chemine avec eux sur la route d'Emmaüs.

Nous sommes dans le temps de l'attente et du dénuement, dans le temps de l'Avent.
D'autres bergers viendront qui annonceront qu'ils ont découvert dans une étable obscure le sauveur;
d'autres femmes reviendront du tombeau vide pour annoncer qu'il est toujours vivant.
Nous n'assisterons peut être pas à ces révélations mais nous les aurons préparées par notre marche au désert, dans l'espérance.

Et en pensant à ceux qui nous sont si proches par le cœur et qui nous paraissent loin du Seigneur, nous pouvons prier en murmurant comme St Paul : "Puisque Dieu a si bien commencé en eux son travail, je suis persuadé qu'il le continuera jusqu'à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus".

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