dimanche 4 novembre 2018

Le seul commandement : Ecouter !


31e T.O. 18/B

L'Evangile d'aujourd'hui aborde le sujet fondamental, celui du premier, du plus grand commandement : Aimer Dieu de tout son cœur.

Mais une question se pose à nos esprits cartésiens et souvent critiques : n'y-a-t-il pas contradiction, opposition entre ces deux mots : commander et aimer ? Comment est-il pensable qu'on puisse commander d'aimer ? S'il y a quelque chose qui ne se commande pas, n'est-ce pas justement l'amour ?
             
Et par ailleurs, l'obéissance à un commandement, à une règle, demande souvent à notre volonté de surmonter la passion, les velléités d'un moment, d'un sentiment plus ou moins inconstant et fugitif.
Il semble bien qu'il y ait là, justement, contradiction entre l'amour qui ne peut être que spontané ou ne pas être et la volonté qui n'a que faire de la spontanéité d'un ressenti, d'un sentiment à multiples facettes !
             
Et cependant Dieu nous commande de l'aimer !
Mais il s'agit d'abord de remarquer dans quel contexte Notre Seigneur, d'après  St Marc, formule sa réflexion. En un premier temps, il récite la "profession de foi" d'Israël que nous avons également entendue dans la première lecture :
"Ecoute, Israël,
le Seigneur ton Dieu est un Dieu unique !
tu aimeras-tu le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir".
             
Tout est accroché, si je puis dire, au premier mot de la formule qui a d'ailleurs donné son nom à cette "profession de foi" juive : "Shema, Israël" - "Ecoute, Israël". Cette écoute est la clef, pourrait-on dire, de ce premier commandement de l'Amour.
L'impératif de ce premier commandement tombe avant tout sur ce mot "Ecoute"; et le reste s'ensuit comme naturellement :
"Ecoute, Israël,
Et si tu écoutes bien, tu remarqueras facilement que le Seigneur ton Dieu est un Dieu unique !
Alors, devant cette constatation, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir

Autrement dit, si tu acceptes vraiment d'écouter, si tu réalises cette unicité du Seigneur, ton Dieu, si, écoutant, tu rends vivace en toi cette conviction qu'il n'est d'autre Dieu que lui, que tu lui dois tout,… alors, tu aimeras Dieu de tout ton cœur et de toute ton intelligence. -

Il y a symétrie entre l'unicité de ce Dieu reconnue par l'écoute du cœur, et la totalité de l'Amour dont il est digne d'être l'objet.
Il n'y a plus de commandement, il y a cette écoute, cette attention reconnaissante et aimante envers Dieu qui aime toujours le premier. Lorsque l'homme réalise, parce qu'il a su écouter, l'immensité de cet Amour prévenant de Dieu, son amour ne peut pas ne pas jaillir de son cœur :  "l'amour nous presse" (2 Cà. 5.14), dira St Paul!
                 
Il s'agit donc, avant tout, d'écouter. Tout le tort de l'homme, c'est bien de se laisser distraire - le fameux divertissement dont parle Pascal -, de ne jamais véritablement écouter.  C'est la plainte permanente de Dieu lui-même si bien exprimée par le prophète Isaïe : "Le bœuf connaît son propriétaire ; et l'âne la mangeoire de son maître. Mais Israël ne connaît pas, ne comprend pas !" (Is. 1.5). Parce qu'il n'écoute pas. - "Aujourd'hui, dit le psaume 95e, puissiez-vous écouter sa voix !". Ne pas être comme l'aspic qui, selon certaines représentations, plaque une oreille contre terre et bouche l'autre oreille avec sa queue. C'est l'homme qui n'écoute pas, ne veut pas écouter ! "Shema, Israël" - "Ecoute, Israël". C'est le seul commandement de Dieu ! Écouter !

Aucune génération n'a été plus bruyante que la nôtre. La radio, la télévision, le téléphone… Nous sommes en permanence agressés. Et comme si cela ne suffisait pas, on a inventé le "walkman" ; on a eu l'idée de couvrir le bruit par le bruit… si bien qu'il devient difficile d'écouter les autres, d'écouter Dieu qui aime parler dans  - et aussi par -  le silence. Le silence lui-même devient parole !

Oui, l'amour envers Dieu ne peut être commandé ; il jaillit  comme naturellement d'une âme attentive, d'un "cœur qui écoute". Comme l'aveugle de Jéricho dont nous avons entendu l'histoire dimanche dernier, tout homme a le désir de voir, de voir Dieu. Mais pour voir, il faut d'abord écouter. "Tu désires voir, disait St Bernard, écoute d'abord". Et St Paul avait déjà dit : La foi - cette initiation à la vision de Dieu -, "la foi vient de l'écoute" (Rm 10.17).
             
La seule fois où dans l'Evangile, la voix du Père se fait entendre, c'est pour dire en parlant de son Fils : "Ecoutez-le". (Mth 17. 5 -  Mc 9.7 - Lc 9.35). - Comme le Fils écoute le Père, il nous faut écouter le Fils pour aller vers le Père. "Oh ! si seulement tu l'écoutais, commentait St Augustin, si seulement tu n'étais pas tombé au point de t'écouter toi-même. Ecoute-le plutôt, Lui qui est la Parole éternelle. Mais, souvent, c'est toi qui parles; et, bien sûr, en t'écoutant, tu te montes la tête !"

Oui, Dieu redit sans cesse, au fond du cœur de tout homme, ce verset du psaume : "Ecoute mon peuple, que je te parle" (Ps 50.7). Il suffit d'écouter avec un "cœur noble et généreux", comme dit St Luc (8 16 ) Littéralement : "Avec un cœur beau et bon" - En grec ces deux adjectifs associés désignent l'homme de qualité !). Et St Luc ajoute (8.18) : "Faites donc attention à la manière dont vous écoutez". Oui, Dieu nous parle sans cesse -"Ecoute, Israël !"- A nous de l'écouter !

- Dieu nous dit son amour dans les Ecritures. La Bible est comme une lettre d'amour : "Ouvre l'Ecriture, disait encore St Augustin, peu importe la page. Partout, elle chante l'amour".
- Dieu nous dit son amour dans la vie et les écrits des Saints que nous avons fêtés récemment.
- Dieu nous dit son amour dans la nature : "Il n'y a pas de créature si petite, si insignifiante soit-elle, qui ne trahisse la bonté de Dieu", dit le livre de l'Imitation.
- Dieu nous parle par les événements.… 
             
Mais Dieu nous dit son amour surtout en notre propre cœur. Ecoutons encore le grand Maître St Augustin, car "il y a là, dit-il, un grand mystère à méditer : le son de ma voix frappe vos oreilles. Mais le Maître est au-dedans de vous - Je peux attirer votre attention par le bruit de ma voix; mais si, au de-dedans de vous, n'est pas Celui qui instruit, vain est le bruit de mes paroles
En voulez-vous une preuve ? N'avez-vous pas tous entendu ce que je viens de vous dire ? Or, combien sortiront d'ici sans avoir rien appris ? Autant qu'il dépend de moi, j'ai parlé à tous; mais ceux que l'Esprit-Saint n'instruit pas au-dedans d'eux-mêmes, parce qu'ils n'écoutent pas véritablement, s'en iront sans rien avoir appris !
Les enseignements extérieurs sont une aide, une invitation à faire attention. Mais c'est au ciel qu'est la chaire de celui qui instruit les cœurs attentifs. Qu'il parle donc, lui, au-dedans de vos cœurs, là où nul homme ne peut pénétrer; car même si quelqu'un est à vos côtés, il se peut que personne ne soit dans vos cœurs ! C'est donc le Maître intérieur qui instruit, c'est le Christ qui instruit. Là où il n'est pas, c'est en vain qu'au-dehors retentissent mes paroles !

Ces paroles que je prononce au-dehors sont ce que le jardinier est pour l'arbre : il travaille au-dehors, il arrose, il se donne de la peine. Quoi qu'il fasse au-dehors, est-ce lui qui forme les fruits ? Est-ce lui qui revêt les branches nues de l'ombre de feuilles ? Est-ce lui qui, au-dedans, fait quelque chose de tel ? Mais qui le fait ? Ecoutez l'Apôtre Paul : « J'ai planté, Apollos a arrosé. mais Dieu a donné la croissance ». Ni celui qui plante n'est quelque chose, ni celui qui arrose. Mais c'est Dieu qui donne la croissance.
Cela, je vous le dis à mon tour : que je plante, que j'arrose par mes paroles, ce n'est pas moi qui suis quelque chose, mais Celui qui donne la croissance, Dieu, celui qui vous enseigne sur toutes choses si vous l'écoutez ".

Sachons donc écouter le Maître intérieur; sachons écouter le Christ qui nous a manifesté l'amour de Dieu pour nous. Alors, nous aimerons Dieu et nous écouterons davantage nos frères pour les aimer.

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