33e T.O. 18/B
Aucun
texte, qu'il provienne d'une source biblique ou de toute autre origine, n'est
à prendre mécaniquement, trop littéralement. Il doit être interprété à
partir du milieu d'où il est sorti et de la mentalité qui en a guidé la
composition. - C'est particulièrement vrai des textes qui nous sont proposés
aujourd'hui. Ils appartiennent à ce genre de littérature très spécial que l'on
appelle "apocalypses".
Un
texte apocalyptique est toujours riche en images, très coloré et parfois marqué
d'une certaine incohérence, d'autant que nous sommes toujours portés à penser
trop vite que nos goûts, notre logique sont les seuls critères valables.
Selon
Daniel, les "morts dorment dans la
poussière", et les justes "brillent
comme des étoiles".*
Et
selon St Marc, "le soleil
s'obscurcit, la lune perd son éclat, les étoiles tombent du ciel". Ces
comparaisons appartiennent à une imagerie fantastique dont les époques
difficiles se montrent toujours très friandes.
En
effet, époques difficiles que rappelle le livre de Daniel. C'est le
temps de la déportation à Babylone ou, un peu plus tard, du drame que provoque
un grand persécuteur d'Israël : Antiochus Epiphane.
Epoques
difficiles que
celles au cours desquelles Marc, sous l'influence de Pierre, transmet le message
de Notre Seigneur : agitations, drames, épreuves, bruits de guerre,
persécutions troublent alors les chrétiens qui verront peu après la prise et
l'anéantissement de Jérusalem en 70.
Et
l'angoisse est d'autant plus profonde
que l'appréhension d'un écroulement mondial remet la foi en question. Angoisse
qui est toujours présente de nos jours où les "mass-médias" nous
rapportent si vite
ce
qui parfois nous fait frémir,
ce
qui nous fait si terriblement craindre pour nos enfants au point que certains
préfèrent, dit-on, renoncer à la joie d'un nouveau-né pour mieux le soustraire
aux malheurs futurs et, affirme-t-on, inévitables.
Et
les croyants de toujours se posent alors la question : suffit-il donc de
quelque tyran barbare ou des aléas innombrables de l'histoire pour que soit
mise en échec l'œuvre de Dieu ? Les promesses divines, l'annonce du
Règne par Jésus, le salut du monde, tout cela, n'est-ce qu'un beau rêve,
destiné comme on le dit, à "mourir sur les rives inhospitalières
de l'histoire" ?
Questions
graves, questions permanentes ! Qui de nous ne les a pas senties sourdre en son
cœur désemparé par un événement qui le touche, le blesse ? Les réflexions que
nous rapporte le livre de Daniel ne sont-elles pas venues à nos lèvres : les
amis de Dieu sont persécutés, parfois mis à mort. La justice qu'ils se sont
appliquée à suivre ne leur sert à rien ; les malhonnêtes triomphent : "l'honnêteté ne paye jamais".
Alors, à quoi bon ?
Et
l'auteur nous répond : Non, la fidélité de Dieu est sans repentance ;
elle ne peut être enfermée dans le bref laps de temps que les justes passent
sur terre. La puissance divine est telle qu'elle ne peut être mise en échec par
la mort.
Et
la réflexion que nous propose l'Evangile va dans le même sens. Elle veut
répondre à cette interrogation : Jésus, "était-il
vraiment celui qui devait venir, ou fallait-il en attendre un autre ?"
La tentation du doute est encore plus grande aujourd'hui : l'action du Christ
est si peu perceptible ! Ne vaut-il pas mieux chercher ailleurs le remède à nos
maux ?
Non, répond l'Evangéliste, à son tour !
Le Christ, le Fils de Dieu, destiné à triompher de l'histoire et des tragiques
vicissitudes qu'elle impose aux hommes, viendra, reviendra rassembler ses
fidèles. Si son action n'est pas encore très visible, on la saisira mieux
demain. Et si demain encore, la vie s'avère indigne de l'Evangile, on n'aura
que plus d'ardeur pour attendre la fin… la "fin des fins", ce moment
où toutes choses seront transformées, récapitulées pleinement, totalement dans
le Christ, comme aimait à le répéter St Paul.
Car
tout doit être reformé dans le mystère du Christ, ce mystère de mort et de résurrection
: il est passé par les humiliations de la mort pour attendre la gloire de la
résurrection : destin mystérieux dont les véritables disciples prendront leur
part, en "portant leur croix"
après lui, pour parvenir, avec lui, à son triomphe !
Mais,
attention, nous dit l'Evangile : il ne s'agit pas de rester fascinés par le
futur qui pourrait donner occasion à une fuite enfantine vers l'avenir, à un
certain refus de la réalité impossible à supporter, à une évasion dans
l'imaginaire.
Le
regard du croyant animé par l'authentique foi évangélique, loin de s'enfermer
dans le futur, perçoit en même temps et le présent et le futur ; la seconde
partie de l'évangile d'aujourd'hui, et plus encore les versets qui suivent
l'exigent. Le futur est attendu dans le présent. C'est dans le présent
qu'apparaissent les signes discrets d'un futur dont la date relève du seul
mystère de Dieu. Ces signes réclament attention croyante, mais aussi vigilance
efficace, application au travail quotidien. Il n'est de futur qu'au bout du
présent. Il n'est d'avenir substantiel qu'au terme d'une actualité
soigneusement organisée.
S'il
est à craindre d'oublier le futur quand les tâches présentes sont si
absorbantes, il est aussi dangereux pour notre foi que les promesses du Christ
nous conduisent à oublier les tâches actuelles et quotidiennes.
Aussi,
avant de proclamer notre "credo", demandons-nous si notre foi ne se porte vaguement que sur des réalités promises, futures, ou si, ne nous laissant
pas abattre par les difficultés présentes, elle est bien un engagement
actualisé déjà par la présence du Christ
glorieux dans tous les domaines de nos activités : familiales, sociales, professionnelles…
Si
le Christ n'est pas présent dans notre cheminement actuel avec tous nos frères,
n'espérons pas le trouver au terme de notre pèlerinage terrestre.
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