jeudi 19 février 2015

Souffrance - Mort - Résurrection !

Jeudi après les Cendres                                             Mt 9, 14-15

"Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup... !".
Et le disciple du Christ doit passer, lui aussi, par ce mystère pascal dont il est déjà question dans l'évangile, qui nous sera présenté tout au long du Carême, et que nous célébrerons solennellement à Pâques !

Comment parler de la mort du Christ ?
Dieu-Père ne voulait certainement par la destruction d'un Innocent, une fin aussi tragique, ignominieuse pour son Fils bien-aimé !
Et Jésus ne lui a pas offert son sang en pensant qu'il lui serait agréable !
Les premiers chrétiens n'ont jamais pensé cela !
La crucifixion est un crime. Ceux qui l'ont voulue, ce sont les autorités juives et les représentants de Rome, c'est-à-dire tous ceux qui se sont fermés au Règne de Dieu.

Cette mort affreuse est absurde, injuste. Mais Jésus ira jusqu'à la mort pour être fidèle au Règne de Dieu qu'il voulait établir : tous pourront voir alors jusqu'où va sa confiance dans le Père et son amour des hommes.

Il faut le dire et le redire : le Père n'a pas voulu que l'on tue son Fils aimé ; c'est l'offense la plus grave que l'on puisse lui faire. Mais, s'il le faut, il le laissera être crucifié, il n'interviendra pas pour détruire ceux qui le crucifient ; car il veut continuer d'aimer le monde, ce monde de pécheurs, et révèlera ainsi à tous jusqu'à quels insondables extrémités s'étend "la folie de son amour" pour les hommes.

Les premiers chrétiens diront, emplis d'étonnement : "Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils" (Jn 3.16).

Sur la croix, personne n'offre quoi que ce soit à Dieu afin qu'il manifeste une plus grande bienveillance envers l'homme pécheur.
C'est lui qui offre ce qu'il a de plus cher : son Fils ! Son amour est antérieur à tout !
St Paul l'affirmera catégoriquement : "La preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous !" (Rm 5.8). Dieu ne pouvait révéler son amour de façon plus manifeste. Il ne s'est pas arrêté même devant ce qu'il avait de plus cher : son Fils ! "Il n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous ; comment, avec lui, ne nous accorderait-il pas toute sa faveur ?" (Rm 8.32).

Oui, l'amour de Dieu est inouï. Pendant que son Fils agonise, Dieu ne fait rien, ne dit rien, n'intervient pas ! Il respecte ce que l'on fait à son Fils. Tout simplement, il supporte la mort de son Fils bien-aimé par amour pour les hommes qui resteraient perdus sans son amour divin. C'est l'amour de Dieu qui nous est révélé suprêmement dans cette "crucifixion-résurrection".

Car la résurrection montre que Dieu était avec le Crucifié de façon réelle, sans intervenir contre les bourreaux, mais en assurant son triomphe final, (par sa résurrection) ! C'est ce qu'il y a de plus grandiose dans l'amour de Dieu : le pouvoir d'anéantir le mal sans détruire ceux qui le font. Il rend justice à Jésus, sans détruire ceux qui le crucifient. St Paul avait bien compris cela : "C'était Dieu qui, dans le Christ, se réconciliait avec le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes" (2 Co. 5.19).

Oui, Amour de Dieu incroyable ! "Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs cherchent une sagesse, nous proclamons, nous, dira Paul, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens. Mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, il est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes" (I Co. 1.22-25).

En ce Christ crucifié qui nous semble une "faiblesse" et une impuissance, est enfermée "la force" salvatrice de Dieu. "Il était nécessaire que le Christ souffre beaucoup" selon le dessein d'amour de Dieu "annoncé par les Ecritures". Avec Dieu, il fallait qu'il en soit ainsi, car dans sa "folie" inimaginable, il aime tous les hommes ses enfants jusqu'à l'extrême. Comme une mère, si l'on peut dire, qui aime ses enfants jusqu'à se sacrifier pour eux, s'il le faut !

Ainsi donc, Dieu n'apparaît pas comme celui qui exige au préalable la souffrance et la mort de Jésus pour que son honneur et sa justice soient satisfaits, et qu'il puisse ainsi "pardonner" aux hommes.
Et Jésus n'apparaît pas comme celui qui s'efforce d'influencer Dieu par ses ssouffrances pour obtenir de lui bienveillance divine envers le monde pécheur.
Les premiers chrétiens ne pouvaient dire une chose pareille. Si Dieu avait été celui qui exige préalablement le sang d'un innocent pour sauver l'humanité, il aurait été alors un "Dieu de justice" qui ne sait pas pardonner gratuitement, un créancier implacable qui ne sauve personne si la dette contractée envers lui n'a pas été soldée. Si Dieu était ainsi, qui pourrait l'aimer, l'aimer de tout son cœur et de toutes ses forces ?

Dieu n'apparaît pas non plus comme celui qui décharge sa colère contre Jésus. A aucun moment, Dieu-Père ne rend responsable son Fils bien-aimé de fautes qu'il n'a pas commises ; et il ne le considère pas comme un "substitut" des pécheurs. Comment un Dieu juste pourrait-il imputer à Jésus les péchés qu'il n'a pas commis ? Jésus est l'Innocent. Il ne subit aucun châtiment. Il souffre par le refus de ceux qui s'opposent au Règne de Dieu. Il n'est pas la victime du Père, mais de Caïphe et de Pilate. Il porte les souffrances que lui infligent injustement les hommes ; et le Père porte la souffrance de son Fils aimé. Par amour des hommes pécheurs !

Ce qui donne une valeur rédemptrice au supplice de la croix, c'est l'amour et non pas la souffrance. Ce qui sauve l'humanité, ce n'est pas quelque "mystérieux" pouvoir rédempteur enfermé dans le sang versé devant Dieu. En elle-même, la souffrance est mauvaise et n'a aucune force rédemptrice. Dieu n'aime pas voir voir Jésus souffrir. Ce qui sauve au calvaire - et cela seul -, c'est l'amour insondable de Dieu, incarné dans la souffrance et la mort de son Fils. Il n'y aucune force salvatrice dans la souffrance en dehors de l'amour. Seul, l'amour de Dieu explique tout !

La souffrance reste mauvaise ; mais c'est précisément pour cela qu'elle devient l'expérience humaine la plus solide et la plus réelle pour exprimer l'amour. Nous-mêmes nous l'expérimentons parfois : on souffre toujours à proportion de notre amour pour quelqu'un...

C'est pourquoi les premiers chrétiens ont vu en Jésus crucifié l'expression la plus réaliste, la plus extrême, de l'amour inconditinnel de Dieu pour l'humanité, le signe mystérieux et insondable de son pardon, de sa compassion, de sa tendresse rédemptrice.

Seul, l'incroyable amour de Dieu peut expliquer ce qui s'est passé sur la croix. Ce n'est qu'à l'ombre lumineuse de la croix qu'à pu surgir la grandiose affirmation chrétienne : "Dieu est amour !" (I Jn 4.8,16). C'est ce dont Paul avait une intuition émue : "Le Fils de Dieu m'a aimé et s'est livré pour moi !" (Gal 2.20). Il m'a aimé jusque là !

Une seule conclusion :
tout disciple du Christ doit imiter son Maître et passer par ce mystère pascal que chaque Eucharistie réactualise.
Dès lors, sachons le : nos propres souffrances - les plus humbles comme les plus fortes - doivent être offertes au Christ pascal. Une fois offertes, elles ne nous appartiennent plus pour être siennes, pour être au Christ. Une fois siennes, mêlées aux siennes propres, aux amertuimes de la croix ou du jardin des oliviers, elles sont capables, avec lui, de sauver les hommes, tous les hommes ! Grâce à son amour divin ! "Par lui, avec lui, en lui !".


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