vendredi 13 février 2015

Défunts !

Sépulture Sr Marie-Grégoire

Au prieuré "La Paix Notre-Dame", il y a eu un évènement particulier : le décès d'une Moniale (âgée), Sr Marie-Grégoire.
J'ai hésité à mettre sur mon "blog" l'homélie de cette circonstance locale. Je le fais cependant pour vous inviter à "communier" avec nos frères défunts !
Prier Dieu pour nos défunts, a-t-on dit, c'est apprendre comme eux à ne plus désirer que Dieu ! Et se recommander à leurs prières, c'est demander pour soi les plus pures grâces de la sainteté !
Victor Hugo écrivait : "Les morts son des invisibles, mais non des absents !", ce qui faisait dire à St Augustin, après le décès de sa mère, Ste Monique : "Je suis convaincu que ma mère reviendra me visiter et me conseiller !".
"Si Dieu nous prend un à un nos amis, c'est pour faire d'eux les étoiles de notre espérance et de notre ciel !" (Cardinal Journet).

"Jésus priait ainsi", nous est-il dit dans l'évangile !
On ne parle pas souvent de la prière de Jésus. Nous regardons surtout Jésus tourné vers les hommes, pour leur parler du Règne de Dieu, pour les guérir, les sauver. Mais Jésus tourné vers son Père, on en parle beaucoup moins. Or Jésus priait ; c’était pour Lui comme une respiration vitale, l'oxygène de sa vie !

Les évangiles le rappellent souvent : Jésus priait seul de grand matin, à l'écart dans un lieu désert, et longuement parfois : "Il passa toute la nuit à prier Dieu", rapporte-t-on souvent.
Jésus prie avant de choisir ses apôtres, avant la profession de foi de Pierre à Césarée et en bien d'autres circonstances. D'après Luc, la Transfiguration a lieu "pendant qu'Il priait". Devant la foi des humbles, Jésus tressaille de joie dans l'Esprit : "Père, je te rends grâce...". Jésus prie encore pour soutenir la foi de Simon-Pierre durant la passion "afin qu'il ne défaille pas". Enfin Jésus prie, comme en agonie, au Jardin des Oliviers, ainsi que sur la croix ; et sa prière est toujours tournée vers le Père : "Que ta volonté soit faite... Père, en tes mains, je remets mon esprit".

A lire attentivement les évangiles, on peut dire que Jésus priait constamment. Et cela a beaucoup frappé les apôtres ; l'ayant vu une fois prier ainsi longuement, ils lui ont demandé : "Maître, apprends-nous à prier" ; et vous connaissez la réponse de Jésus : "Quand vous priez, dites : "Notre Père..."

Il me plaît de souligner cette caractéristique de Notre Seigneur, car celle qui nous rassemble ce matin nous redit à sa manière l'importance de prier avec le Christ, comme lui. Sr Marie-Grégoire, avant même son entrée au monastère, avait découvert la grandeur de la prière, de la prière chantée, et particulièrement de la prière du chant grégorien. Et pour elle, ce fut un honneur et une mission que de recevoir, au jour de sa vêture, le beau nom de Sr Marie-Grégoire, nom du pape Grégoire qui fut, selon la tradition, à l'origine du chant grégorien.

Oui, toujours, ici comme sur son lit d'hôpital où je l'avais rencontrée et jusqu'à ses derniers moments ici-bas, elle manifesta l'importance de la prière chantée ou solitaire.
Car sans cette relation à Dieu que manifeste la prière, la vie perd facilement son sens ; sans cette dimension verticale de la relation à Dieu, la relation horizontale avec les hommes est souvent ternie, voire anéantie. La vraie prière loin de nous retirer du monde nous fait communier intimement à l'amour sauveur de Dieu pour tous les hommes.

Ainsi donc, Jésus priait tout au long de sa vie. Mais Jean est le seul évangéliste à nous faire pénétrer un peu plus dans cette prière de Jésus, notamment en cette heure où il allait passer de ce monde à son Père. En cet instant suprême où il se sait trahi, condamné, perdu, comment Jésus prie-t-il ? Est-ce qu'il pense à lui ? Pas du tout ! C'est à nous qu'Il pense, à nous ses disciples : "Père saint, garde-les, garde-les dans la fidélité".
C'est tout le sens apostolique d'un monastère, de la vie d'une Moniale. On ne rentre pas au monastère pour mener une vie centrée sur soi-même. On entre au monastère pour sans cesse se tourner vers Dieu et lui confier tous les hommes.
Le moine, la moniale, le chrétien lui-même doit avoir un cœur de "veilleur, d'"éveilleur". Il doit être un "Grégoire", beau prénom des premiers siècles chrétiens qui signifie "veiller" ("gregorein" en grec). Etre une lampe qui brille par son union à Dieu et ainsi manifester le souci de veiller pour ses frères ! Ce fut certainement le souci de Sr Marie-Grégoire !

Après avoir célébré la Cène, Jésus confie à son Père tous ceux qui croient en Lui, et pour eux, Il demande trois choses, trois grâces : "Garde-les dans la fidélité à ton nom ; qu'ils soient un comme nous sommes un ; qu'ils aient en eux ma joie".
Comme elle est grande la prière de Celui qui va mourir ! Son regard porte loin, son amour se donne entièrement. La prière de Jésus après la cène est un testament d'amour, c'est la prière du souverain-prêtre pour son Eglise. Jésus y récapitule toute son œuvre, tout ce qu'Il a fait pour les hommes quand il était avec eux : "J'ai veillé sur eux ; je leur ai fait don de ta parole ; je les gardais dans la fidélité ; je les ai envoyés dans le monde." - "Et maintenant, je viens vers Toi, Père...". Jésus nous confie tous à Dieu : "ils ne sont pas du monde pécheur, pas plus que moi ; mais en ce monde, garde-les du Mauvais. Je les ai envoyés dans ce monde pour qu'ils soient témoins de la vérité. Ta parole seule est vérité".

Avant de parler aux hommes, de les rencontrer, avant d'agir et de poser des signes de salut, Jésus se tournait vers son Père ; son cœur se remplissait de l'amour infini de Dieu pour les hommes. Et au soir de ses journées comme au soir de sa vie, Jésus se tourne vers son Père pour lui confier les hommes qu'il aime.

Avec foi, laissons-nous rejoindre, aujourd’hui, par cette prière de Jésus : Père, garde-les fidèles, qu'ils soient unis, qu'ils aient en eux ma joie. Cette prière est pour nous source de force, d'espérance et d'amour. A la suite de Jésus, que notre prière se tourne ainsi vers le Père pour tous les hommes de ce monde pécheur où Il nous envoie, d'une manière ou d'une autre, pour être ses témoins.
Aujourd'hui, certains semblent oublier Dieu ; d'autres ont renié la foi de leur baptême ; d'autres encore ont trahi, comme Pierre, comme Judas : Mais Jésus nous a tous pris, il a pris tous les hommes, sans exception, dans sa prière. Que notre prière, de même, ne laisse de côté aucun de ceux qui nous entourent, mais les présente tous au Père, au nom de son Fils, qui pour eux tous a donné sa vie. N'est-ce pas le sens d'une vie consacrée à Dieu ? Je crois que Sr Marie-Grégoire avait bien conscience de son rôle apostolique, par la prière surtout.

Car Jésus prie, lui, pour que nous soyons tous sanctifiés. Devenir des saints, voilà qui nous paraît impossible... Or, être saint, c'est vivre comme Jésus. Et nous savons que la prière de Jésus et sa présence de Ressuscité nous aide pour vivre du même Esprit que Lui. Au milieu de ce monde, de ses misères et de ses réussites, les disciples de Jésus que nous sommes doivent être l'âme du monde. Et c'est chacun et chacune de nous qui sommes appelés à cette sainteté, à cette conformité avec Jésus Christ, à cette reconnaissance de l'Amour du Seigneur pour tous les hommes, pour tout homme quel qu'il soit.
St Marie-Grégoire avait ce souci pastoral principalement auprès de ceux et celles qu'elle rencontrait en tant qu'hôtelière du monastère. Elle devait ressentir ce grand désir du Christ : Garde-les dans la fidélité à ton Nom - Qu'ils soient un comme le Christ l'a voulu et qu'ainsi il aient en eux la joie !

En faisant mémoire de Sr Marie-Grégoire, ayons le souci qu'elle manifestait au jour de sa profession religieuse : "Benedicam Dominum in omni tempore ; semper laus ejus in ore meo" - "Je bénirai le Seigneur en tout temps ; que sa louange soit toujours en ma bouche".
A l'exemple de la Vierge Marie, sa vie fut finalement un long "Magnificat", à l'exemple de Marie qu'elle vénérait depuis sa naissance, depuis son enfance à Lyon, près du sanctuaire Notre-Dame de Fourvière.

Que Notre-Dame introduise désormais Sr Marie-Grégoire en la gloire divine d'où elle continuera à "veiller" sur nous tous !


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