mercredi 29 août 2012

Martyre de Jean-Baptiste


29 Août

               A l’exemple du P. Jacques Fontaine o.p. (1), j’imagine toujours le précurseur de Jésus comme l’a représenté le peintre Grunwald (musée de Colmar) : on le voit, les pieds bien fermes sur le sol, tenant dans la main gauche le livre des Ecritures et désignant, de son index droit hypertrophié, Jésus, en son mystère pascal, venu accomplir ces Ecritures.

            Précurseur du Christ “dans sa naissance et dans sa mort“ (Cf. préface), toute la vie de Jean-Baptiste annonce le Messie, le désigne. Toujours, le destin de Jean préfigure celui de Jésus.
- Comme le Baptiste, Jésus sera arrêté (Mc 14,44.46.49) et lié (Mc 15,1).
- Si on l’a écouté avec plaisir (Mc 12,37), on veut cependant le mettre à mort (Mc 14,1) mais on le craint (Mc 11,18). Ainsi, aussi, de Jésus !
- Et on déposera le corps du Christ comme celui de Jean dans un tombeau (Mc 15,45-46).
Ainsi, le sort de Jean Baptiste et celui de Jésus sont décrits par l’évangéliste Marc de manière à ce que la similitude saute aux yeux. Jean est bien le précurseur, non seulement par son ministère public, lorsqu’il prépare les voies du Seigneur, qu’il annonce la venue d’un plus fort que lui (Mc 1,7), mais aussi par sa fin tragique qui anticipe celle de Jésus… et par toute sa vie !

Et il est bon aujourd’hui de remarquer : le banquet offert par Hérode, que le meurtre sordide de Jean va agrémenter, annonce le repas au cours duquel Jésus révèlera qu’il sera, lui aussi, livré (Mc 14,17-21). Et le fait que, chez Marc, le (1er) récit de la multiplication des pains, prélude au repas du Jeudi-Saint, suit immédiatement celui du banquet d’Hérode, semble bien confirmer le parallèle. Le funeste festin d’Hérode, avec la mort du Baptiste, n’est-il pas l’antitype du “repas du Seigneur“ annoncé par la multiplication des pains, repas qui révèle la mort du Christ pour le salut du monde ?
- L’endroit où Jésus nourrit les foules est “à l’écart, s’oppose au palais luxueux du Tétrarque à la solde des Romains…
-  Les convives au repas d’Hérode ont été “triés sur le volet“ et ont dû “montrer patte blanche“ ; ceux qui vont bénéficier de la multiplication des pains n’ont guère été invités et ne seront pas contrôlés à l’entrée.
- Hérode méprise les flatteurs qui l’entourent, mais il a besoin d’eux pour consolider son pouvoir éphémère. Jésus, lui, est “saisi de pitié en voyant la foule, car ils étaient comme des brebis sans berger“ (Mc 6.34).
- Jésus se fait le serviteur de ceux qui le cherchent, alors qu’Hérode se fait servir par un entourage à sa solde. “Les rois des nations païennes commandent en maîtres... Pour vous, rien de tel ! Au contraire, celui qui commande doit prendre la place de celui qui sert… Moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert “ (Lc 22.25-27).
- Tout est faux dans le repas d’anniversaire du roitelet : Hérode est au centre du récit, mais sa passivité, bien plus, sa lâcheté, le discréditent totalement. La fille d’Hérodiade est certes active, mais elle demeure anonyme ; elle n’est qu’un instrument entre les mains de sa mère qui mène les événements derrière les coulisses. Cette dernière n’apparaît nullement sur l’avant-scène. Et pourtant, c’est son désir de vengeance qui conduit les étapes du drame. En fait, l’acteur principal de cet anti-repas n’est autre que le démon qui, “comme un lion qui rugit, va et vient à la recherche de sa proie“ (I Pet 5.8). Aussi cette convivialité mensongère ne pouvait-elle déboucher que sur un meurtre, car “dès le commencement, le démon a voulu la mort de l’homme. Il n’a jamais été dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Quand il dit le mensonge, il parle selon sa nature propre, parce qu’il est menteur et père du mensonge“ (Jn 8.44).
Jésus, lui, agit au grand jour, en toute vérité : il multiplie pains et  poissons après les avoir bénis et les “donne aux disciples pour qu’ils les distribuent. Tous mangèrent à leur faim“ (Mc 6.41). On imagine sans peine la joie débordante mais simple qui devait présider à ce repas campagnard, qui ouvre à la vie en nourrissant non seulement le corps, mais l’âme et le cœur, dans la découverte émerveillée de la tendresse, de la miséricorde de Dieu qui seront célébrées, manifestées dans le mystère pascal du Christ.

Rien n’est décidément normal dans cet événement qui nous est raconté aujourd’hui : l’anniversaire d’un roi était ordinairement marqué par des mesures de clémence et d’amnistie, et non par des exécutions capitales arbitraires. Mais comment la clémence pourrait-elle fleurir sur une terre abreuvée de sang ? Il faut aller sur la montagne où Dieu multiplie les pains, il faut aller sur la montagne pour être nourri du repas pascal et découvrir que “les temps sont accomplis“, que “le règne de Dieu est tout proche“ (Mc 1.15). il faut aller sur la montagne où, à la suite de son précurseur, Jésus meurt pour le salut du monde, ce que réactualise toute Eucharistie !

“Lève-toi, disait Dieu par Jérémie, tu prononceras contre mon peuple tout ce que je t’ordonnerai. Ne tremble pas devant eux, sinon, c’est moi qui te ferai trembler devant eux. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer” (Lect.). Jean-Baptiste n’a pas eu peur de parler au Nom de Dieu. Et pourtant la haine d’Hérodiade a eu raison de lui ! Hérode pourrait fort bien ironiser comme certains le font encore aujourd’hui : “Où est-il donc ton Dieu pour délivrer Jean de ma main ?“.  Nous répondons, en contemplant Jean-Baptiste et Jésus qu’il annonçait : “La vie du juste est dans la main de Dieu” (Sg 3, 1). Certes, la protection dont Dieu nous couvre ne nous soustrait pas à la mort, mais, bien plus, elle nous en fait triompher dans la résurrection du Christ ! A Lui, la gloire pour l’éternité !

(1) J’en profite pour rendre hommage à ce religieux dominicain qui organisait, naguère, de magnifiques et instructifs parcours en Terre Sainte, appelés “B.S.T“. (“Bible sur le terrain“). Je me permets de reprendre ici l’hommage que je lui ai rendu à l’occasion de ses 90 ans : « La première fois que je l’ai vu, c’était dans le jardin des Lazaristes qui abritaient les membres de la modeste et grande tout à la fois “Maison Isaïe“ - rue Agron, à Jérusalem -. J’avais entraîné quelques jeunes et moins jeunes à faire la B.S.T. C’était en 1982 ! Quelque peu fatigués par le voyage, nous nous “installions“ dans ce jardin.
                Je m’étais accroupi, occupé à ranger mon petit matériel de camping quand j’ai senti une présence. Je levai la tête. Et c’est ainsi que pour la première fois, je l’ai vu : bien solidement planté en terre avec ses chaussures de marche, la tête comme auréolée par la douce lumière déclinante d’un ciel d’été de la “Ville Sainte“.
                Je me suis levé quelque peu intimidé. Il semblait que le regard de ses petits yeux perçants au travers de ses sourcils en broussailles, cherchait comme un au-delà de moi-même. Son demi-sourire manifestait une délicatesse fraternelle emprunt d’une certaine timidité qui n’était qu’approche respectueuse. La physionomie rectangulaire aux tempes dégagées, quelque peu rugueuse et brunie au soleil de Dieu, dégageait une douce et déterminée énergie, autant physique qu’intérieure. Svelte en sa tenue kaki, comme un éternel pèlerin de Dieu, j’ai cru soudainement avoir rencontré un nouveau Jean-Baptiste !
                Et c’est souvent sous cette figure que j’ai évoqué depuis lors - en mon cœur et parfois autour de moi - le frère Jacques : un Jean-Baptiste qui n’était là que pour annoncer le Christ, “Verbe de Dieu“. Il n’était et ne voulait être, lui aussi, que son humble précurseur.
                Et quand, désormais, je fais visite au frère Jacques en sa chambre de la Maison “Notre-Dame des douleurs“ à Jérusalem, j’aime regarder avec lui la représentation du Jean-Baptiste de Grunwald accrochée au dessus de son bureau. Ce Jean-Baptiste qui de son doigt hypertrophiée désigne le Christ en son mystère pascal, avec ces seules paroles : “Il faut qu’il croisse et que moi je diminue“. C’est ainsi que j’aime me représenter le frère Jacques. Il fut, il est pour moi “mon Jean-Baptiste“ à qui, devant Dieu, je dirai toujours : “Merci“ !  
Voir sur Google : la Bible sur le terrain - 16 jours de prédications…


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