mercredi 1 août 2012

La Parole de Dieu !


17 T.O. - Mercredi   -                      (Jer. 15.10sv)

Devant les contradictions qu’il ne cesse de rencontrer en sa vie, Jérémie exprime sa souffrance, son découragement. “Pourquoi ma souffrance est-elle sans fin, ma blessure incurable, rebelle aux remèdes ?“. N’est-ce pas notre cri à nous aussi, parfois ? Je crois que Jérémie est le patron des dépressifs. Et nous le sommes tous plus ou moins. Il faut donc savoir le prier !

Car, finalement,  son remède à lui, Jérémie, c’est la Parole de Dieu qui, malgré tout, le remplit de ravissement ! “Quant tes paroles venaient à moi, Seigneur, je les dévorais ; ta parole faisait ma joie, les délices de mon cœur !“.
Il faut le dire et le redire - les psaumes l’attestent suffisamment - : dès l’A.T., la Parole divine n’est pas un objet de spéculation abstraite (comme le “Logos“ chez les Grecs).  Quand Dieu parle, il s’agit d’une véritable expérience de vie.

Certes, cette expérience peut varier : Isaïe, cet homme de grande foi qui fréquente les grands de ce monde ne ressemble pas à Ezéchiel à l’imagination si fertile, quasi caractérielle. Aux uns, est-il dit, Dieu parle “en visions et en songes“ (Nb 12.6) ; aux autres, par une inspiration intérieure plus indéfinissable. Ainsi en est-il pour Jérémie : “Dieu me toucha la bouche, dira-t-il ; et il me dit : Voici que j'ai placé mes paroles en ta bouche (1.9). A Moïse, Dieu parle “bouche à bouche“ (Nb 12.8), de sorte que lui-même pouvait parler au peuple “al pi Adonaï“, “sur la bouche de Dieu“ !

Mais ce ne sont pas ces différences d’expression qui comptent. Ce qui est à retenir, c’est que tous les prophètes ont clairement conscience que Dieu leur parle, que sa Parole les envahit en quelque sorte jusqu’à leur faire violence : Tu m'as séduit, Seigneur, dira encore Jérémie, et je me suis laissé séduire ; tu m'as maîtrisé, tu as été le plus fort… La Parole du Seigneur a été pour moi source d'opprobre et de moquerie tout le jour. Je me disais : Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom ; mais c'était en mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os. Je m'épuisais à le contenir, mais je n'ai pas pu.(20.7sv).

De plus, la Parole de Dieu n’est pas donnée à un petit cercle d’hommes privilégiés, comme à des mystiques. La Parole de Dieu est toujours à transmettre. Tout le peuple est appelé à reconnaître que Dieu lui parle par la bouche de ses envoyés. Ainsi, tous, nous sommes appelés à accueillir la Parole de Dieu non seulement avec notre tête, mais avec tout notre être, à mastiquer la Parole de Dieu, disaient les Pères de l’Eglise, à la ruminer sans cesse afin qu’elle puisse alimenter tout notre être, toute notre vie !

Au temps de Notre Seigneur, et bien plus encore par la suite, les synagogues étaient des lieux d’études. Et actuellement, pour nous, il y a une multitude de livres, de cercles de réflexion  qui décrivent comment aborder la Parole de Dieu, qui proposent des méthodes de recueillement, de méditation, et que sais-je encore. C’est très bien. Cela peut être une aide. Dans la vie moderne d’aujourd’hui, souvent artificielle, ces explications, ces méthodes diverses peuvent aider à retrouver la concentration, le recueillement. Mais ceci dit, aussi parfaitement que soit labourée la terre, si on ne sème pas, il ne pousse rien. Il faut sans cesse se laisser ensemencer par la Parole de Dieu pour porter alors du fruit ; être de ces arbres, selon les espèces, selon les temps, qui donnent du fruit, de la fécondité…, devenir de bonnes terres qui produisent 30, 50, 100 pour un !

La Parole de Dieu doit être tout d’abord écoutée avec un cœur noble et généreux, dit St Luc (8.15). Le P. Courroyer (de l’Ecole biblique de Jérusalem) a expliqué naguère que le contraire de “prêter l’oreille“, c’est avoir la “nuque raide“. Un peu comme l’aspic qui est parfois représenté comme se bouchant une oreille contre terre et qui se raidit afin que sa queue vienne boucher l’autre ! Et il ajoutait : on peut être très savant et ne pas écouter véritablement !
Le peuple de Dieu fut souvent accusé d’“avoir la nuque raide“ : ne pas savoir écouter. Finalement, l’oreille est un organe très important. Les rabbins aimaient à dire (Mais Aristote le remarquait déjà dans son “De natura rerum“) que nous avons deux oreilles et une seule bouche ! Vous pourrez en tirer pas mal de conclusions. En tous cas, on devrait écouter plus que l’on ne parle. On passe beaucoup de temps parfois, me semble-t-il, à discuter et discuter encore de certains problèmes… Et si on commençait par écouter la Parole de Dieu : la prière ! Un jour, le Cardinal Suhard que vous affectionnez légitimement est arrivé au sein d’un groupe de prêtres qui discutaient, discutaient avec un sérieux imperturbable… Au bout d’un moment, le saint homme leur dit avec le sourire : “Messieurs, et si on faisait comme si Dieu existait… ?“.

Oui, on doit écouter plus que l’on ne parle. Car il faut le reconnaître : la bouche peut être fermée deux fois, une fois avec les dents et une fois avec les lèvres. Mais on ne peut fermer les oreilles. Chez Isaïe, ce qui est important ce n’est pas tant la bouche que les oreilles : Le Seigneur m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de réconfort. Il éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j'écoute comme un disciple. Le Seigneur m'a ouvert l'oreille, et moi je n'ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé. (Is. 50.4).

Et il y a cette célèbre parole du psaume 40ème : “Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation, tu m’as ouvert l’oreille“. C’est très curieux - et je terminerai par là - : dans les Septante et dans la lettre aux Hébreux, là où il est écrit “ tu m’as ouvert l’oreille“, on lit : “Tu m’as formé un corps !“ : “C'est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m'as façonné un corps“ (Sept. “Alors je viens !“)

Alors une question à laquelle vous répondrez certainement avec la sensibilité féminine que je n’ai pas : comment est-on passé de l’oreille au corps ? Comment cela ? Je sais bien que le premier organe sensible qui vient à l’éclosion dans l’embryon, c’est l’oreille ! Est-ce une explication ? Je ne sais ! Mais une chose est certaine : la Parole de Dieu qui entre par les oreilles et qui doit descendre jusqu’au fond des entrailles, doit entraîner comme un rebondissement de tout l’être dans l’action de grâce : Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m'as façonné un corps“.
Autrement dit, depuis que Dieu s’est fait homme, la Parole de Dieu demande à être appropriée jusqu’à l’incarnation. N’est pas une façon de poursuivre ce grand mystère de Dieu parmi les hommes qui va me permettre de dire dans un instant : “Prenez, ceci est mon Corps !“.
Ce n’est sans doute pas une explication, mais une simple indication… Vous me le direz certainement en temps opportun.

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