dimanche 26 août 2012

Amour et... Foi !


21ème  Dimanche du T.O. 12/B            

“L’homme quittera son père et sa mère ; il s’attachera à sa femme ; et tous deux ne feront plus qu’un ! Ce mystère est grand ! Je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise“.

Naguère, lors de rencontres avec des fiancés, on parlait d’amour, naturellement, de l’amour mutuel entre époux. Un jour l’un d’eux me rapporta la réflexion de l’un de ses amis : “Nous, nous préférons ne pas nous marier à l’Eglise, car, en ce moment, nous nous aimons, mais nous ignorons si dans un an ou dans dix ans, nous nous aimerons encore“. C’était l’occasion de chercher : L’amour, qu’est-ce que c’est ? Est-ce simplement le désir de l’autre, une attirance mutuelle, inexplicable comme une grippe que l’on attrape ? Est-ce seulement affaire de palpitations du cœur, d’un ressentiment du moment. Si c’était seulement cela, alors oui, l’amour risquerait d’être toujours très fragile, car les désirs, les attirances, on peut en éprouver chaque jour et dans des directions totalement opposées. Le ressentiment seul est dangereux, car je dirais dans un jeu de mots que le “ressenti“ ment souvent, le ressentiment !

Alors qu’est-ce que l’amour ? On finissait par admettre que si effectivement l’amour commençait en général par une attirance mutuelle, il ne devait pas en rester là. St Paul le laisse entendre clairement dans sa lettre aux Ephésiens. L’amour des époux doit être comme l’amour du Christ pour son Eglise,  un amour de volonté : “Il voulait la rendre sainte… ; il voulait une Eglise resplendissante… ; il voulait une Eglise irréprochable… C’est comme cela que le mari doit aimer sa femme“.
D’ailleurs, Aristote, déjà, avait compris cela, lui qui définissait l’amour comme “un désir de bienveillance mutuelle fondé sur la communication des personnes“. Un désir, donc une volonté. Une volonté d’un bien pour l’autre - ce qui suppose un savoir de discernement, une intelligence appliquée -. Un désir fondé sur la communication des personnes. C’est là que le “ressentiment“, le “ressenti“ peut être très utile, indispensable dans l’art d’échanger.

L’amour dans le mariage chrétien doit donc être une décision de la volonté, comme le Christ pour son Eglise : nous voulons le bien de l’un pour l’autre et réciproquement. Une volonté qui résistera aux intempéries ; car, c’est inévitable, il y aura des jours sombres, des nuages, des moments difficiles. Mais il aura toujours cette volonté…

Et bien, la foi au Christ, la foi en Dieu, c’est analogue, semble dire St Paul. La foi…, depuis toujours, depuis Abraham, depuis la montagne du Sinaï…, la foi est une alliance. Quand on est enfant, ce n’est jamais bien solide. Mais à mesure qu’on grandit, la foi devient un choix personnel, une décision sans cesse renouvelée. C’est alors que la foi n’est plus un “ressentiment“ (car le “ressenti“ ment souvent, n’est-ce pas), ni même une conclusion à une réflexion intellectuelle très poussée ; la foi devient une rencontre personnelle, intime avec Jésus, une expérience de sa présence, de son amitié, de son amour.
Oh ! Certes, comme dans la vie conjugale, dans nos rapports avec Dieu, il y a des périodes difficiles : période de découragement, de sècheresse dans la prière, de lassitude ; il y a cette impression, ce “ressenti“ que Dieu nous oublie. Il peut même y avoir comme une révolte contre Dieu à l’occasion d’une grande épreuve, d’un deuil, d’une incroyable maladresse d’un homme d’Eglise, d’un supérieur, et que sais-je encore.

Et puis, à notre époque comme au temps de Josué dont il est question dans la première lecture, notre foi est souvent mise à l’épreuve de mille manières : des amis qui tournent en dérision l’Eglise, les prêtres ou qui, simplement, vivent dans l’indifférence tranquille à l’égard de Dieu et semblent ne pas s’en porter plus mal. Bien plus, dans nos familles, enfants, petits-enfants cessent de fréquenter l’Eglise. Il y a même la défection de prêtres, religieux, religieuses. Et puis, dans ce monde d’aujourd’hui, Dieu semble tellement absent, ignoré, rayé des comptes. Alors la question de Josué se fait entendre : “S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir“ : l’argent, le pouvoir, les plaisirs ou… le Dieu de toujours. Alors, souvent, monte en notre cœur la réponse du peuple élu : “Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux !“.

Bien plus, disons-nous : même si certains - et ceux-là parmi nos plus proches - semblent oublier, la foi n’est pas perdue pour autant. Ce sont souvent de très gros nuages qui passent, durent parfois  et troublent l’œil de la foi. Mais, très souvent, brutalement ou très lentement, il y a le surgissement de cette volonté qui pousse à se rapprocher de Dieu, à lui redire notre attachement.

N’est-ce pas cette scène qui nous est donnée à méditer dans l’évangile d’aujourd’hui. Regardez bien cette foule rassemblée près de Capharnaüm.
- Il y a les simples badauds, ceux qui sont toujours là quand il se passe quelque chose d’un peu particulier et qui espèrent grappiller une information par-ci, par-là, voire un petit scandale, à raconter quand ils rentreront chez eux !
- Il y a les “enquêteurs“, les petits et les grands, ceux qui voulaient, pour une raison ou une autre, en savoir un peu plus sur ce Nazaréen, et ceux qui sont envoyés par les autorités de Jérusalem pour examiner l’attitude de ce nouveau prophète face à la religion officielle…, face au pouvoir romain.
- Il y a encore les disciples, nombreux, ceux qui aimeraient qu’une parole claire, nette et définitive du “maître“ donne réponse à leurs interrogations banales ou existentielles.
- Il y a enfin le groupe des douze, des très proches.
                Et que voyons-nous ?
- Déçus les badauds : où était la suite du miracle ? Ils attendaient des faits, non des discours !
- Agacés, voire scandalisés les “enquêteurs“. Mais pour qui se prend-il donc ce Jésus ? Tellement agacés qu’ils en deviennent agaçants au point que Jésus - c’est St Marc qui le souligne - a comme une réaction de mauvaise humeur bien compréhensible : il se détourne d’eux et les “plante là“, dit l’évangéliste ! (Mc 8.13).
- Déroutés, déconcertés, décontenancés, les disciples-auditeurs. Trop dure, incompréhensible sa parole ! Elle les dépasse ; ils ne savent pas quoi en faire !
- Et il y a le groupe des Douze. Une question à leur sujet : avaient-ils mieux compris que les autres disciples ? Cela m’étonnerait et j’en doute fort. D’ailleurs - toujours d’après St Marc -, Jésus, peu après, leur reprochera d’avoir l’esprit vraiment bouché ! Oui, certes ! Mais, pour le moment, au-delà de la compréhension des mots, ils ont l’intuition que c’est ce Jésus - et lui seul - qui a une parole nouvelle et que celle-ci est porteuse de vie. Alors à qui d’autre iraient-ils ? Ils lui font confiance. Ils ne le quitteront pas ! Ils veulent le suivre !
C’est cela la foi : cette volonté d’aller à Jésus, même si on ne comprend pas tout ; même si on ne comprend pas totalement, on lui fait confiance : “Tu as les paroles de la vie éternelle !“. D’ailleurs, même un grand savant comme St Thomas d’Aquin affirme avec force - dans son traité sur les “Noms divins“ -, qu’on ne peut pas cerner l’Incernable, qu’on ne peut totalement embrasser l’Incontournable, qu’on ne peut pleinement analyser l’Infini… Dieu est tellement le “Tout-autre“ ! Mais cependant, ce “Tout-autre“ se fait proche de nous, il nous appelle chacun par notre nom…, comme un époux appelle son épouse, dirait le prophète Osée.  Et alors, je lui fais confiance !

                Oui, surtout quand les nuages semblent s’amonceler et mille questions surgir…, écoutons le Seigneur Jésus qui doucement nous demande au fond du cœur : “Vas-tu me quitter, toi aussi ?“, tout en prononçant son Nom qui est si secrètement adressé à chacun qu’il est indicible pour d’autres, ce Nom divin que les Juifs ne veulent pas prononcer par respect et que l’on traduit bien pauvrement par : “Je suis !“ - Je suis toujours là, toujours près de toi - ! Ce mot divin qui, pense-t-on, n’est que la racine du verbe “être“ peut aussi se traduire par : “j’ai été“ ou “je serai“. Alors Dieu nous murmure : puisque j’ai été avec toi à tel ou tel moment - ne t’en souviens-tu pas ? -, je suis et serai toujours avec toi ! C’est alors que monte en nous cette réponse de St Pierre : “Seigneur, à qui irais-je ? A qui irions-nous ? Tu es le chemin, la vérité, la vie ! Nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu !“.


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