3e Dimanche de Pâques 20/A
Qui n'a
pas connu, un jour ou l'autre, les affres du désespoir?
On était
heureux, on s'aimait, on vivait… bien ! Et puis, brutalement, c'est l'accident
de voiture ou l'infarctus, le décès soudain d'un proche… ou sais-je encore…L'expansion
brutale d'une pandémie avec toutes ses conséquences ! - L'horizon
apparaît irrémédiablement bouché : la maladie, l'échec conjugal, le chômage,
l'enfant qui prend une route qu'on estime dangereuse… Subitement l'avenir
s'assombrit, c'est la consternation, le désarroi, le désespoir.
Les deux
disciples de Jésus qui, le soir de Pâques, cheminaient vers Emmaüs, étaient non
moins désespérés. Leur espérance s'était brutalement effondrée à la mort sur
la croix de celui en qui ils avaient mis toute leur confiance. "Nous espérions, disaient-ils pour
s'expliquer, qu'il serait le libérateur…!".
"Nous
espérions", disons-nous souvent également ! Mais maintenant, tout est anéanti… !
Pourtant,
les deux disciples, s'ils savaient lire les signes qui leur sont donnés, ils
pourraient reprendre espoir. D'ailleurs des bruits circulent : "Des femmes qui sont allées au
tombeau" n'ont pas trouvé le corps; elles ont eu, paraît-il, une apparition : "des anges disaient qu'il est
vivant". Mais faut-il croire ces histoires de femmes ?
Faut-il
croire toutes ces histoires d'hommes, de femmes qui disent avoir rencontré Dieu
? Personne n'avait vu Jésus ressusciter ! Personne n'a jamais vu Dieu ! Tout
espoir est donc mort ! L'avenir est irrémédiablement noir.
L'inconnu
qui chemine avec les deux disciples a écouté ce récit désespéré. Et voilà qu'il
prend la parole : "Vous n'avez donc
pas compris !" Et il révèle le sens de plus en plus évident d'évènements
jusque là incompréhensibles. Il fait surgir la lumière dans un horizon enténébré.
Ce n'est
pas une révélation fulgurante. Mais la lumière se fait de plus en plus
éclatante, au long du chemin où l'inconnu, "en
partant de Moïse et de tous les prophètes" explique, dans toute
l'Ecriture, ce qui concerne le Christ. Comme la lumière se fait de plus en
plus grande également au cours des années… pour nous !
Cet
inconnu leur explique si bien l'Ecriture, sa présence est si réconfortante
que, arrivés à l'étape, ils le supplient : "Reste
avec nous". Ils vont partager le repas. Gestes de tous
jours… C'est alors que "leurs
yeux s'ouvrirent et qu'ils le reconnurent".
Celui qui
rompt le pain et le leur donne, c'est ce Jésus qu'ils croyaient à jamais
disparu. A l'instant tout s'éclaire : "notre
cœur n'était-il pas brûlant en nous tandis qu'il nous expliquait les Ecritures
?"
Et la joie
qui est la leur désormais, ils n'ont de cesse de la communiquer : "C'est vrai, le Seigneur est vivant,
nous l'avons reconnu quand il a rompu le pain".
Nous
aussi, quel que soit notre âge, nous avançons sur la route de l'existence et il
nous arrive d'être triste et désespérés.
Nous nous
souvenons avec nostalgie des jours d'antan, des jours heureux, alors que,
peut-être, nous sommes actuellement dans l'épreuve ! Chrétiens, nous nous
souvenons de la foi vive et facile de notre jeunesse. Or, en avançant sur la
route, mille embûches humaines et spirituelles nous font trébucher; et maintenant
nous ne voyons pas très clair en nous-mêmes et autour de nous. Les événements
n'ont pas répondu à nos projets les plus légitimes. L'Eglise elle-même ne
paraît-elle pas vaciller par des attaques fortes et multiples. Et il nous
arrive, au gré des événements de l'Eglise elle-même, en considérant actes ou
paroles de ses ministres, d'être déconcertés. Serait-ce d'ailleurs très
étonnant ? St Paul ne disait-il pas : "Que
les voies du Seigneur sont impénétrables ! Qui en effet a connu la pensée du
Seigneur!". Et alors, tout en
marchant sur la route de notre vie, nous causons de tout et de rien; et souvent
nous paraissons si tristes dans notre ignorance…
Pourtant,
le Christ chemine avec nous sur la route de nos vies : "Je suis avec vous tous les jours…". Il nous faut
seulement reconnaître cette présence fraternelle. Les disciples d'Emmaüs ont
reconnu le Christ lorsqu'il rompit le pain, mais déjà "leur cœur était tout brûlant" lorsque, sur la route, ils
méditaient avec lui les Ecritures.
Il y a
bien des façons par lesquelles le Christ se rend présent à nous-mêmes. Mais ces
deux moyens (Ecritures et repas du Seigneur) sont toujours privilégiés.
Il nous
est bon de chercher dans la lecture et la méditation de l'Evangile la présence
du Seigneur qui nous donne des raisons de vivre et d'espérer. De plus en plus
de personnes - individuellement ou en groupe - lisent et méditent l'Evangile
ou, plus simplement, les lectures que la liturgie nous propose chaque jour. Ne
pourrions-nous pas tous prendre cette initiative pour acquérir force et courage
tout au long de notre vie ?
Et puis,
prenons-en conscience de plus en plus : le Christ vient au cours de cette
célébration eucharistique. Il vient partager aujourd'hui notre vie comme il a
voulu partager un repas avec ses amis rencontrés sur le chemin d'Emmaüs.
Accueillons dans l'espérance sa venue parmi nous. L'Eucharistie est la présence
par excellence du Christ parmi nous.
Et après l'Eucharistie, quand nous nous en
retournerons dans nos demeures, puissions-nous avoir au cœur la joie des
pèlerins d'Emmaüs. "Ils racontaient
ce qui s'était passé sur la route et comment ils avaient reconnu le Christ
quand il avait rompu le pain". Repartons vers nos frères pour être des
témoins du Christ et "pour rendre
compte de l'espérance qui est en nous". La foi,, insiste le pape
François, est obligatoirement "sociale" : elle doit annoncer le Christ reconnu en notre
existence ! Surtout à l'intérieur de notre propre famille humaine ! Sinon, trop
cachée, elle risque de s'anéantir
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