Jeudi Saint – 20
La table
est mise. Les douze sont réunis. Jésus préside. Pierre et Jean avaient réservé
la salle.
Mais qui
nous dit que Marie n'a pas veillé à
ce que tout soit prêt pour cette fête, la plus grande en Israël ? Rien
n'interdit de supposer que la Mère de Jésus ait été invitée à la Cène.
Comment
concevoir que la Mère de Dieu -
vénérée comme reine des apôtres, figure de l'Eglise - ait pu être absente lors de cet événement fondateur de la
Foi chrétienne : l'institution de l'Eucharistie ?
Jésus "qui a pris chair de la Vierge
Marie" n'a-t-il pas voulu que sa Mère soit - au moins dans l'ombre - à ses côtés au moment où il se donne en nourriture pour le
salut du monde ? La discrète et silencieuse présence de Marie paraît
importante pour souligner le lien de continuité entre le corps physique de Jésus
sur terre et ce même corps "mystique" de l'Eucharistie, présent selon
un mode d'être sacramentel.
De plus,
n'oublions pas le premier signe de Jésus à Cana.
St Jean, si
soucieux de symbolique, précise : “Elle y était !”
Et ce n'est
pas rien que Jésus ait laissé sa mère tenir le premier rôle en cette
circonstance. D'où lui est venue cette
suprême autorité pour s'adresser aux serviteurs, sinon de la volonté de Jésus
lui-même : “Faites tout ce qu'il vous dira !”
Puisqu'elle
est à ce fameux banquet de Cana, première figure de l'Eucharistie, pourquoi ne
serait-elle pas à la Cène, en cet instant sublime au cours duquel Jésus nous
commande lui-même : “Faites ceci en
mémoire de Moi !”
Oui,
j'aime à penser que Marie fut présente à cette soirée inoubliable de la Cène, comme
elle l'a été à un banquet d'alliance à Cana, comme elle le sera au matin
mémorable de la Pentecôte, dans cette même pièce : le Cénacle !
Et elle
nous invite à devenir des convives de l'Eucharistie toujours plus avides de
mieux comprendre le sens de cette Alliance - entre Dieu et l'homme - que Jésus
a déclarée "nouvelle et éternelle" !
Oui, avec
Marie, rendons grâce pour cette alliance nouvelle, pour cette nouveauté de
l’Eucharistie, nouveauté qui nous rend toujours contemporains de Jésus ; car sa
présence au monde n’est pas seulement d’hier, mais, bel et bien à travers tous
les siècles, d’aujourd’hui, présence réellement célébrée dans
l'Eucharistie. Et Marie est là, elle aussi !
Et, avec
Marie, rendons grâce, déjà, pour notre éternité !
Car si
chaque Eucharistie fait mémoire et récapitule l'Alliance permanente de Dieu
avec l'homme tout au long de l'histoire humaine, elle nous ouvre encore à un devenir toujours possible !
C'est bien
cela aussi qui est extraordinaire dans la célébration de toute Eucharistie :
cette révélation que Jésus Christ fait du temps dans lequel nous sommes
immergés.
En effet,
à la Cène, Jésus célèbre par avance et sa mort et sa résurrection. Ce qui va se
passer le Vendredi et le Dimanche, voilà ce qui est déjà parfaitement accompli
dans le temps "transcendé", "transfiguré" en ce
jeudi-Saint !
Avec Dieu,
le temps - qui pour les hommes est fuite
et limite - n'est plus un enfermement, mais la
mémoire d'un "passage divin" antérieur
qui fonde notre foi en la présence de Dieu toujours actuelle, et qui
annonce notre "éternité divine".
En Dieu,
la durée du temps explose, si je puis dire, pour nous projeter, déjà, dans
l'éternité ! On pourrait dire que l’Eucharistie, c’est se souvenir de ce
qui sera !
Peut-être
sommes-nous de ceux qui éprouvent jusqu'à l'angoisse cette fuite du temps qui
passe de plus en plus vite au fur et à mesure que l'on vieillit. Eh bien, voici
qu'à chaque Eucharistie nous est offerte la sérénité de l'éternité :
avec le Christ, "avec Lui, par Lui
et en Lui", nous avons le pouvoir de célébrer par avance, à travers
toutes nos morts
à nous-mêmes, notre propre mort physique dans l'imprévisible de ce qu'elle sera. Avec le
Christ, "avec Lui, par Lui et en Lui",
nous nous célébrons en même temps notre
résurrection chaque fois que nous acceptons de renaître.
Et Marie,
la Mère du Christ et la Reine du ciel, est là, avec nous !
Oui, avec
Marie, rendons grâce pour ce sacrement du Corps du Christ ! Ce n'est pas
fortuit si l'évangile de Jean, réputé pour être le plus mystique, s'ouvre par
ces mots : "Le Verbe s'est fait chair".
Il a pris corps !
- corps d'homme engendré dans le corps d’une femme, la
Vierge Marie.
- corps
mis au monde sans mépris aucun pour cette partie physique de notre être
humain !
- corps
mis au monde à Bethléem, mot qui signifie : “la Maison du Pain”.
- corps
donné sous le signe de l'Agneau pascal immolé, symbole de la nourriture qui
sauve.
- corps
crucifié et transfiguré dans le rayonnement de la gloire divine.
Oui, avec
Marie, rendons grâce, car le Corps du Christ que l’on reçoit afin d’en être
membre donne vocation à mon propre corps, au point de pouvoir affirmer :
Ceci est
mon corps pour qu’il soit donné en mission d’aimer.
Ceci est
mon corps pour qu’il devienne déjà temple de l’Esprit de Dieu !
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