jeudi 9 avril 2020

Corps du Christ et notre corps !


Jeudi Saint – 20   

La table est mise. Les douze sont réunis. Jésus préside. Pierre et Jean avaient réservé la salle.
Mais qui nous dit que Marie n'a pas veillé à ce que tout soit prêt pour cette fête, la plus grande en Israël ? Rien n'interdit de supposer que la Mère de Jésus ait été invitée à la Cène.
Comment concevoir que la Mère de Dieu - vénérée comme reine des apôtres, figure de l'Eglise - ait pu être absente lors de cet événement fondateur de la Foi chrétienne : l'institution de l'Eucharistie ?

Jésus "qui a pris chair de la Vierge Marie" n'a-t-il pas voulu que sa Mère soit - au moins dans l'ombre - à ses côtés au moment où il se donne en nourriture pour le salut du monde ? La discrète et silencieuse présence de Marie paraît importante pour souligner le lien de continuité entre le corps physique de Jésus sur terre et ce même corps "mystique" de l'Eucharistie, présent selon un mode d'être sacramentel.

De plus, n'oublions pas le premier signe de Jésus à Cana.
St Jean, si soucieux de symbolique, précise : “Elle y était !”
Et ce n'est pas rien que Jésus ait laissé sa mère tenir le premier rôle en cette circonstance.  D'où lui est venue cette suprême autorité pour s'adresser aux serviteurs, sinon de la volonté de Jésus lui-même : “Faites tout ce qu'il vous dira !”
Puisqu'elle est à ce fameux banquet de Cana, première figure de l'Eucharistie, pourquoi ne serait-elle pas à la Cène, en cet instant sublime au cours duquel Jésus nous commande lui-même : “Faites ceci en mémoire de Moi !”

Oui, j'aime à penser que Marie fut présente à cette soirée inoubliable de la Cène, comme elle l'a été à un banquet d'alliance à Cana, comme elle le sera au matin mémorable de la Pentecôte, dans cette même pièce : le Cénacle !
Et elle nous invite à devenir des convives de l'Eucharistie toujours plus avides de mieux comprendre le sens de cette Alliance - entre Dieu et l'homme - que Jésus a déclarée "nouvelle et éternelle" !
Oui, avec Marie, rendons grâce pour cette alliance nouvelle, pour cette nouveauté de l’Eucharistie, nouveauté qui nous rend toujours contemporains de Jésus ; car sa présence au monde n’est pas seulement d’hier, mais, bel et bien à travers tous les siècles, d’aujourd’hui, présence réellement célébrée dans l'Eucharistie. Et Marie est là, elle aussi !

Et, avec Marie, rendons grâce, déjà, pour notre éternité !
Car si chaque Eucharistie fait mémoire et récapitule l'Alliance permanente de Dieu avec l'homme tout au long de l'histoire humaine, elle nous ouvre encore  à un devenir toujours possible !

C'est bien cela aussi qui est extraordinaire dans la célébration de toute Eucharistie : cette révélation que Jésus Christ fait du temps dans lequel nous sommes immergés.
En effet, à la Cène, Jésus célèbre par avance et sa mort et sa résurrection. Ce qui va se passer le Vendredi et le Dimanche, voilà ce qui est déjà parfaitement accompli dans le temps "transcendé", "transfiguré" en ce jeudi-Saint !  
Avec Dieu, le temps - qui pour les hommes est fuite et limite - n'est plus un enfermement, mais la mémoire  d'un "passage divin" antérieur qui fonde notre foi en la présence de Dieu toujours actuelle, et qui annonce notre "éternité divine".  
En Dieu, la durée du temps explose, si je puis dire, pour nous projeter, déjà, dans l'éternité ! On pourrait dire que l’Eucharistie, c’est se souvenir de ce qui sera !

Peut-être sommes-nous de ceux qui éprouvent jusqu'à l'angoisse cette fuite du temps qui passe de plus en plus vite au fur et à mesure que l'on vieillit. Eh bien, voici qu'à chaque Eucharistie nous est offerte la sérénité de l'éternité : avec le Christ, "avec Lui, par Lui et en Lui", nous avons le pouvoir de célébrer par avance, à travers toutes nos morts à nous-mêmes, notre propre mort physique dans l'imprévisible de ce qu'elle sera. Avec le Christ, "avec Lui, par Lui et en Lui",  nous nous célébrons en même temps notre résurrection chaque fois que nous acceptons de renaître.
Et Marie, la Mère du Christ et la Reine du ciel, est là, avec nous !
Oui, avec Marie, rendons grâce pour ce sacrement du Corps du Christ ! Ce n'est pas fortuit si l'évangile de Jean, réputé pour être le plus mystique, s'ouvre par ces mots : "Le Verbe s'est fait chair".  Il a pris corps !
- corps d'homme engendré dans le corps d’une femme, la Vierge Marie.
- corps mis au monde sans mépris aucun pour cette partie physique de notre être humain !
- corps mis au monde à Bethléem, mot qui signifie : “la Maison du Pain”.
- corps donné sous le signe de l'Agneau pascal immolé, symbole de la nourriture qui sauve.
- corps crucifié et transfiguré dans le rayonnement de la gloire divine.

Oui, avec Marie, rendons grâce, car le Corps du Christ que l’on reçoit afin d’en être membre donne vocation à mon propre corps, au point de pouvoir affirmer :
Ceci est mon corps pour qu’il soit donné en mission d’aimer.
Ceci est mon corps pour qu’il devienne déjà temple de l’Esprit de Dieu !

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