2e Dim. Pâques 20.A :
Au nom du
Père et du Fils… - A cause de la réciprocité parfaite des
relations entre le Fils et le Père, nous ne pouvons regarder le Christ, Fils de
Dieu, sans contempler en même temps le Père, tel que Jésus nous le
révèle quand il nous dit par exemple : “Lorsque
vous priez dites : Père !”.
“Père” est
un mot qui sonne étrangement aux oreilles de l’homme d’aujourd’hui facilement
imbu de certaines théories modernes qui considèrent la paternité comme
régressive et qui veulent promouvoir une société anonyme dirigée par des forces
impersonnelles…
Et
pourtant, le premier titre que Dieu s'est fait donner par Moïse sur le Sinaï
est celui de “Dieu de tendresse et de
miséricorde” (Ex
34,6) auquel fait écho la parole de St
Paul : “Dieu, Père des
miséricordes” (2 Co 1,3).
Le mot “miséricorde”, en hébreu, signifie un
sentiment qui monte des profondeurs des entrailles maternelles. Et bien,
Dieu-Père est “matriciel”, disait A. Chouraqui (né en Algérie, ancien maire-adjoint de
Jérusalem) qui n’hésitait pas à employer ce
néologisme. Il sent ses enfants comme une mère sent les siens, à tel point
qu'Origène, un des premiers Pères de l’Eglise, va jusqu'à dire : “Personne n'est aussi mère que Dieu Père”.
Cet amour de miséricorde, cet amour “qui a des
entrailles maternelles”, qui est “neuf
tous les matins” (Lm 3,23), que rien n'altère, court tout au long de la Bible et
arrache à l'homme ses cris les plus poignants en invoquant “le frémissement des entrailles divines” (Is 63,15).
Toute la
vie du Christ manifeste cette “bénignité” (Tt
3,4), cette inlassable miséricorde. On
comprend dès lors que St Paul ait invité les chrétiens à “revêtir les entrailles de miséricorde de Dieu” (Col 3,12).
Et depuis
le péché du premier homme, devant l’homme pécheur que nous sommes tous, l'amour
de Dieu s'est revêtu de l'habit de miséricorde, comme le montre le tableau de
Rembrandt : le père qui couvre de ses
mains son fils prodigue. Dieu ne peut plus aimer qu'en pardonnant ; aussi,
j'ose dire que la plus grande joie de
Dieu est de pardonner, puisque sa seule façon de nous aimer, d'être
éternellement fidèle à son amour créateur, c’est d'être miséricordieux en
pardonnant. Chaque fois que Dieu exerce sa miséricorde, c'est comme s'il
recréait l'homme, il le remet à l'état de fraîcheur primitive, avec la bonne
odeur des mains du potier qui l'avait façonné.
Quand
l'homme pardonne, il ne sait pas oublier. Dieu, lui, n'a pas de mémoire. Il
permet à l'homme de repartir tout neuf comme au sixième jour de la Genèse. St
Ambroise a une parole étonnante ; il cherche à comprendre pourquoi Dieu
Créateur ne s’est reposé que le septième jour : “Il a fait les cieux et je ne lis pas qu'il se soit reposé ; il a fait
la terre, et je ne lis pas qu'il se soit reposé... Mais je lis qu'il a fait
l'homme et qu'alors il se reposa, ayant enfin quelqu'un à qui il put pardonner
les péchés”.
Mais ce geste de l’éternel pardon divin n'est pas
toujours compris de ceux qui sont épris de justice humaine : ils ne supportent
pas la brûlure du baiser donné par la miséricorde à la justice. Nous le voyons
bien dans les pays qui commencent à panser leurs plaies ouvertes à l'occasion
de conflits fratricides…
Pourtant,
loin de s'opposer à la justice, la miséricorde l'exige. Mais elle va plus loin
que la justice. Certes, souvent, notre conscience réclame un jugement qui rétribue le
bien et sanctionne le mal. Cependant,
nous refusons, en même temps,
de nous laisser peser sur les balances les plus justes ; car nous sommes
convaincus que
la vérité de notre être ne peut être saisie que par l'amour de Dieu-Père, riche
en miséricorde.
Jean-Paul
II qui écrivit une encyclique sur la Miséricorde, disait : “Une terre d'où serait exclue la miséricorde
pourrait être juste, mais elle deviendrait vite irrespirable et les hommes y grelotteraient de froid…”. Et nous savons
comment ce Pape a manifesté cette miséricorde de Dieu-Père qui n’exclut pas la
justice, en pardonnant à son agresseur, en lui faisant visite en sa prison.
Et nous
savons également - autre
exemple – comment Ste Thérèse de Lisieux avait
une “espérance aveugle” en la miséricorde de Dieu-Père. C’était déjà
l’expression de Jean-Paul II : “une espérance aveugle…”.
Dans notre région, on connaît le nom de Marcel
Pagnol. Et bien savez-vous que ce grand auteur a écrit une pièce de théâtre sur
Judas (il serait bien à la mode au-ourd’hui !
). A la question qui le
tourmentait : “Selon vous, Judas
est-il en enfer ?”, avec humour, il fait dire au Christ lui-même : “Je ne peux pas répondre à votre question,
sinon les gens finiraient par abuser de mon indulgence”. Dieu riche en
miséricorde !
Et chose
curieuse encore : quand l'Église nous appelle à nous confesser, elle nous
appelle à confesser notre foi au travers même de nos péchés. Aller à la
confession ! Le mot “confession” primitivement servait à indiquer le
contenu de la foi. Alors, finalement, confesser Dieu et confesser ses péchés
vont ensemble, s'articulent l'un l'autre. St Augustin, qui s'y entendait en
“Confessions”, a exprimé cette idée avec force : “Pour louer Dieu, tu t'accuses : en effet, sa grandeur est de remettre
tes péchés. Cela fait partie de la louange de Dieu quand tu confesses tes
péchés. Et pourquoi ? Parce qu'on félicite le médecin d'autant plus que l'on
avait désespéré du malade”.
Confesser
ses péchés, sa misère, c'est confesser notre foi, car c’est célébrer la miséricorde
du Père. On comprend alors la formule par laquelle le pénitent se présente
normalement devant un prêtre : “Bénissez-moi,
mon père, parce que j'ai péché...”. Il faut bien entendre : Bénissez-moi
parce que j'ai péché et non malgré mes péchés ! Un comble, diront certains.
Non, c’est seulement la joie née du pardon. La joie du fils prodigue mais plus
encore du père qui invite tous à festoyer, comme le bon Pasteur qui déclare
qu'il y a dans le ciel plus de joie pour la brebis retrouvée que pour les
quatre-vingt-dix-neuf autres demeurées au bercail.
Et puisque Dieu s'est comparé aux entrailles
d'une mère, n'hésitons pas à nous tourner souvent vers sa Mère. Sur le seuil de
la maison d'Élisabeth, dans son Magnificat, Marie proclame que la miséricorde
de Dieu “s'étend d'âge en âge” (Lc
1,50). Au Père des miséricordes fait écho la
Mère de la miséricorde
Que la Vierge Marie, “mère de miséricorde”,
nous aide à dire souvent comme St Paul : “Béni
soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et
le Dieu de toute consolation ; il nous console dans toutes nos détresses, pour
nous rendre capables de consoler tous ceux qui sont en détresse” (2
Co 1,3).
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