dimanche 27 janvier 2019

St Luc !


 3e Dimanche 2018/C
             
Nous commençons aujourd'hui l'évangile  selon St Luc, qui va se poursuivre tout au long de cette année.
Nous avons trop l'habitude de mélanger les quatre Evangiles en un seul. En fait, l'image de Jésus est une image diversifiée. Et il est très intéressant de regarder chaque Evangile avec ses particularités. Et puisque nous abordons Luc, essayons de relever les teintes dominantes de son œuvre : Jésus selon saint Luc.
             
Relevons d'abord une caractéristique très intéres­sante pour nous. Luc n'est pas un Juif d'origine. C'est un chrétien de la "seconde génération" qui n'a jamais vu Jé­sus de ses yeux de chair, comme Matthieu ou Jean. Avec lui, nous entrons dans un univers culturel nouveau.
Luc était un païen qui habitait une des plus grandes villes de l'Empire romain, Antioche. C'était un homme cultivé, dont la langue n'était pas l'hébreu ou l'araméen, mais le grec. Il était médecin, dit-on.
Il fut converti, adulte, sans doute par St Paul, après avoir vécu sans doute de Jupiter, de Vénus et surtout d'Esculape, dieu de la médecine… avant de dé­couvrir le Christ ressuscité, qu'il n'a jamais rencontré  visiblement,… comme nous ! Comme nous !
Il a été ébloui seulement par la lumière du Ressuscité, ce qui ne veut pas dire qu'il négligera ses aspects très humains. Car, étant proche des événements de Jésus, il a recherché le contact de ceux qui l'avaient connu. Il nous le dit lui-même : "Je me suis informé soigneusement auprès des témoins ocu­laires…".
             
Cependant, écrivant pour des Grecs, Luc expurge soigneusement de l'Evangile de Marc qu'il utilise, tous les usages juifs qui auraient été incompréhensibles à ses lecteurs. Ainsi parle-t-il non de "Gethsémani", mais du "jardin des olives"…, ce qui est compréhensible pour tous. Même le mot "Amen" est supprimé par Luc. Quand nous le trouvons en Matthieu ou Marc, il est gommé dans les passages parallèles de Luc.
C'est un très bon exemple que nous devrions  poursuivre aujourd'hui. Il faut que la "Bonne Nouvelle" du Christ soit dite dans toutes les langues et dans toutes les cultures. En ce sens, le récit de Luc est très "moderne". Il nous invite à continuer à «traduire» dans nos mots et usages actuels cet Evangile qui a d'abord vu le jour en milieu juif, puis en milieu hellénistique.
Puisse St Luc nous aider à "traduire" le message de Jésus dans notre propre langue, dans notre propre culture. Ce fut l'un des buts du Concile Vatican II.

Mais quelles sont les couleurs dominantes que Luc utilise pour peindre le portrait de Jésus ?
             
L'Evangile de St Luc est d'abord l'Evangile de la joie ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, Marc ne prononce ce mot qu'une fois, et Matthieu huit fois. Quant à Luc, vingt-neuf fois il écrit les mots "kairo", se ré­jouir, ou "kaira, joie!
Le premier mot de Dieu, dans l'Evangile de Luc, est adressé à Zacharie : "Ne crains pas, tu vas avoir un fils, il te donnera beaucoup de joie»"
Le deuxième mot de Dieu aux hommes, c'est à Marie: "Réjouis-toi, favorisée de Dieu !".
Et tout l'Evangile de Luc sera comme une traînée de joie. La joie sera encore son dernier mot : Alors que les Apôtres venaient de voir Jésus disparaître au jour de l'Ascension, il écrit : "Ils retournèrent à Jérusalem, pleins de joie".
Tout ceci n'est pas un hasard. Luc avait sans doute expérimenté cette joie dans sa propre conversion au Christ Ressuscité. Notre foi est-elle ainsi ?  Sommes-nous heureux de croire ? Voilà ce à quoi nous invite Luc.             
             
En second lieu, l'Evangile de Luc est un Evangile social où les petites gens, les défavorisés de l'époque sont mis en valeur:  les femmes, les enfants, les pauvres, les pécheurs, les exclus. Jésus, selon Luc, est l'ami des pauvres, des petits, "l'ami des publicains et des pé­cheurs"  (Luc 7/34).
Et nous avons entendu comment, dans son premier sermon, Jésus déclarait : "L'Esprit de Dieu est sur moi… Je suis venu… pour libérer les opprimés, rendre la liberté à ceux qui sont en prison, dire une joyeuse nouvelle aux pauvres…".
Jésus, par Luc, nous demande de transformer la société dans laquelle nous vivons pour qu'elle améliore le sort des plus délaissés de nos frères. Cela signifie que l'Evangile a des implications profondes dans la société. Notre foi est-elle ainsi ? Sommes-nous attentifs aux plus pauvres ?

Une troisième caractéristique de l'évangile de Luc, c'est la miséricorde de Dieu. Bien sûr, tous les Evangiles nous parlent de cette tendresse inépuisable de Dieu pour les pécheurs.
Pourtant, c'est un fait, Marc ne nous raconte qu'une seule fois un "pardon de Jésus", et encore c'était à un homme paralysé qui ne demandait pas d'être pardonné.
Luc, lui, nous transmet neuf fois des "paroles de Pardon" de Jésus. Seul Luc nous rapporte la scène où Jésus pardonne à une prostituée (Luc 7/36-50). Seul Luc nous raconte la scène de Zachée, cet exploiteur public  qui se convertit dans la joie (Luc 19/1-10). Seul Luc nous dit que Jésus a pardonné au bon larron. Seul Luc nous rapporte trois paroles essentielles, comme si elles n'avaient pas frappé Matthieu, Marc et Jean, qui n'en disent rien : La Brebis perdue, la Drachme perdue, et l'Enfant prodigue. "Il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour un juste qui n'a pas besoin de pénitence". Avec Luc, nous savons que Jésus présentait Dieu comme ce merveilleux père qui accueille son enfant parti au loin vivre une vie de débauche.

Enfin, l'Evangile de Luc est l'Evangile de la prière. Marc ne nous montre que deus fois Jésus en train de prier : à la multiplication des pains et à la dernière Cène. Luc, lui, en plus de ces deux cas, nous montre Jésus en prière : - A son baptême -  Avant de faire le choix de ses apôtres - Au jour de la Transfiguration - Avant la Confession de Pierre à Césarée - Au retour des disciples de leur première mission - Avant de donner le "Notre Père"  - Au repas avec les disciples d'Emmaüs.
Pour Luc, la prière n'est pas d'abord un sujet dont Jésus "parle", c'est un "acte" qu'il accomplit. Quand Jé­sus parle de la prière, c'est à partir de sa propre expérience. La parabole de l'ami importun qui finit par obtenir ce qu'il demande, seul Luc nous la rapporte.

Ces quelques notations nous auront fait découvrir combien l'Evangile de Luc est original. Evangile de joie, de promotion sociale, de miséricorde et de prière…
             
N'est-ce-pas une extraordinaire invitation qui nous est faite de "traduire", à notre tour, à notre manière à nous, la "Bonne Nouvelle". Qui que nous soyons, nous avons à transmettre la "Bonne Nouvelle" de Notre Seigneur. il devrait y avoir mille et mille Evangiles : l'Evangile écrit par un médecin, comme Luc ; celui du païen converti, de la sténodactylo; de la mère de famille;  l'Evangile du conducteur d'engins, de l'étudiant, de l'agriculteur, du professeur, du commerçant  etc…

Que St Luc nous apprenne à dire l'Evangile avec toute notre vie… et avec nos mots, avec ceux de nos contemporains.

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