dimanche 28 octobre 2018

Voir !!


 30e Dim T.O. B/1918
             
Une foule sortait de Jéricho derrière Jésus. C'est lui que l'on suit. Vraisemblablement, la foule n'est pas silencieuse. Les gens échangent sur ce qu'a dit Jésus, sur ce qu'il a fait… ; et on parle des événements, de ses préoccupations, et peut-être à la lumière de ce que Jésus a enseigné.

Cette foule qui entoure Jésus n'est-elle pas une belle image de l'Eglise en marche à la suite de Jésus ? Et pourquoi ne pas envisager que nous sommes dans cette foule ?
Nous faisons sans doute partie de ces chrétiens qui ne restent pas immobiles, à ne rien faire. Nous avons les uns et les autres des activités habituelles dans l'Eglise : nous assurons la propreté de l'église, la décoration de l'autel ; nous préparons les célébrations liturgiques ; nous assurons la catéchèse, nous visitons les malades… et que sais-je encore.

Bref, nous sommes généreux, mais nous sommes aussi comme tout le monde. Nous recherchons un minimum de confort chez nous, autour de nous, en toutes circonstances. S'il faut marcher avec l'Eglise, nous faisons ce qu'il faut pour que cette marche soit la plus agréable possible… Aussi, il y a des conversations que nous évitons d'aborder et, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous pouvons nous avouer qu'il y a des chrétiens actifs, eux aussi, avec qui nous ne parlons pas beaucoup. Ils sont ailleurs dans la foule…

Et voilà que du fossé jaillit un cri. Un hurlement ! Impossible de ne pas l'entendre. Un aveugle interpelle Jésus. Ce hurlement trouble les conversations et la circulation. Il met le trouble, le désordre au milieu des marcheurs. Les uns, absorbés en leurs pensées, continuent d'avancer. D'autres ont ralenti pour regarder. Et dans la foule, on se marche un peu sur les pieds.
Oui, c'est bien connu : un cri de l'extérieur et c'est la pagaïe dans la foule…, dans l'Eglise.

Un hurlement ! Et si c'était nous qui l'avions poussé ! Ce hurlement n'est-ce pas le cri de tel homme, de telle femme menacés dans leur vie, le cri d'un chef d'entreprise au bord de la crise économique, le cri de tel ménage en train de "craquer", comme l'on dit, ou encore le cri de ces jeunes trop seuls au milieu des lumières et des bruits artificiels de la ville…
Le hurlement de cet aveugle c'est la clameur de tous ceux qui aujourd'hui cherchent un peu de lumière, de tous ceux qui cherchent à voir les décisions importantes qu'il faut, qu'il faudrait prendre.
L'Eglise - nous-mêmes - va-t-elle se laisser interpeller ? Peut-on arrêter une colonne en marche pour un homme dans le fossé ?

On peut penser que Jésus n'aimait pas perdre son temps. Alors,eaucoup de gens interpellaient vivement l'aveugle pour le faire taire ; ce faisant, ils avaient sûrement conscience de rendre service à Jésus.

Jésus s'arrête ; et tant pis pour ceux qui, dans la circonstance, se bousculent.
Jésus s'arrête et dit : "Appelez-le !". Il aurait pu le faire lui-même. Mais des gens dans la foule (on ne sait qui) acceptent de quitter le cheminement de leur conversation pour répercuter l'appel de Jésus : "Confiance ! Lève-toi ! Il t'appelle ! !".

"L'aveugle jeta son manteau". C'est de l'inconscience ! Son manteau, c'est sa seule protection contre le froid, la pluie, le vent. C'est ce qui lui permet de tenir au jour le jour. C'est une maigre sécurité, mais c'est sa seule sécurité. Il l'abandonne et nous apprend qu'il n'y a pas d'acte de foi sans l'abandon de quelques-unes de nos sécurités. Devenir croyant, c'est entrer dans un monde nouveau. Nous perdons nos sécurités pour acquérir une certitude : la confiance en Jésus.

Alors, Jésus demande : "Que veux-tu que je fasse pour toi ?". Quelle étrange question ! Tout homme est un fouillis de désirs. Imaginons que le Christ nous pose la question ; en l'espace de deux ou trois secondes, quelle serait notre réponse ? Que nous connaissions Jésus à peine où beaucoup, qu'attendons-nous de lui ?

"Seigneur, fais que je voie !", demande le mendiant.

Pourquoi cet homme veut-il cesser d'être aveugle ? Il avait ses habitudes, ses bienfaiteurs attitrés. Il s'était fait à son petit monde ; il savait évoluer dans son univers. Certes, il avait des limites ; mais à l'intérieur de ces limites, il était peut-être à l'aise.
Se rend-il compte cet aveugle des risques qu'il prend en demandant de voir ? Il y a des choses que nous aimerions tellement ne pas avoir vues. Il est si confortable de pouvoir dire dans l'accumulation des désordres de ce monde : "Je ne savais pas, je n'étais pas au courant ; je n'ai pas vu, je ne suis pas responsable !".

"Seigneur, fais que je voie !".
Cet homme est allé à l'essentiel. Il aurait pu demander une aumône. Un mot de recommandation et toute la foule y serait allé de sa petite pièce. Quelle recette pour la journée ! Quelle sécurité pour les prochains jours!

"Seigneur, fais que je voie !", pouvons-nous crier, nous aussi.
Voir clair dans notre fouillis de désirs.
Voir clair dans les ficelles qui agitent les affaires de ce monde.
Voir clair dans tous les slogans qui nous intoxiquent en nous parlant de liberté.
Voir clair pour construire son avenir que l'on soit jeune ou moins jeune.
Voir clair pour distinguer l'argument solide de l'alibi publicitaire.
Voir clair dans les mécanismes de fonctionnement de notre société ; Voir comment ces mécanismes nous mettent du côté des gens à l'aise ou des pauvres sans avenir.
Voir les cheminements qui conduisent à un monde plus humain pour tous.
Et surtout, découvrir la mission, la vocation que Dieu me donne en cette vie !

"Seigneur, fais que je voie !",
Un cri qui est une prière audacieuse ; un cri qui débouche sur l'engagement de l'aveugle guéri à marcher à la suite de Jésus.

"Va ta foi t'a sauvé !", dit Jésus
Adieu le fossé et le bord de la route. Bonjour le risque de la responsabilité avec les autres ! Un manteau est resté sur la route, inutile. Un homme est entré dans la foule, reprend la louange de la foule et s'approprie la foi de l'Eglise et son engagement à suivre Jésus.

"Va ta foi t'a sauvé !"
Pour marcher réellement à la suite du Christ !
Pour entraîner les hommes vers le Royaume de Dieu, vers le Royaume de la vie, de la vie divine !

Alors, allons-nous crier, nous aussi : "Seigneur, fais que je voie !",

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