dimanche 14 octobre 2018

Pauvre pour être riche...


 28e Dim T.O. B/1918
             
Cet homme était riche, il avait de grands biens. Matériellement, il était comblé. Moralement, il n'avait rien non plus à se reprocher : tous les commandements de Dieu, il les observe depuis sa jeunesse. C'est un bon pratiquant. Sa vie paraît réglée, codifiée une fois pour toutes. Pas de surprises possibles, ni matériellement, ni moralement.
             
Pourtant, semble-t-il, il a le sentiment de ne pas vivre. Derrière la question qu'il pose à Jésus : "Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?", on devine une inquiétude : Vivre, est-ce que cela consiste simplement à ne manquer de rien matériellement, et à se conformer au code de conduite prescrit par la société et la religion ? Est-ce cela la vie, la vraie vie ?
             
Jésus devine cette inquiétude et ces questions. Il en est tout heureux. Au contraire des scribes et des pharisiens toujours contents d'eux-mêmes, voilà enfin quelqu'un qui a soif de vivre pleinement !
             
"Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?".  Peut-être pense-t-il simplement à la vie éternelle après la mort ? N'est-ce pas également notre interprétation ?
Or, le Nouveau Testament ne cesse de nous dire que la vie éternelle, c'est maintenant qu'elle doit commencer ; de même, le Royaume de Dieu, c'est ici-bas, dès maintenant, qu'on est invité à y entrer. Jésus nous le dit : "Celui qui m'écoute et qui s'attache à moi a la vie éternelle… Dès maintenant, il est passé de la mort à la vie" (Jn 5/24). 
Et St Paul affirme, lui aussi, dans le même sens:  "Alors que nous étions morts, Dieu  nous a donné la vie avec le Christ… Avec lui, il nous a ressuscités"  (Ephes. 2/5).
La vie éternelle, comme le Royaume de Dieu, n'est pas à espérer dans un avenir plus ou moins lointain, mais à accueillir chaque jour ; c'est aujourd'hui, dans la vie quotidienne, qu'elle se vit. Il s'agit donc d'être des vivants qui vivent réellement, et non des gens qui font semblant de vivre.

Mais peut-être que l'homme de l'évangile avait bien pressenti que Jésus apportait le secret de la vraie vie, pour maintenant, et c'est à cause de cela qu'il est venu le trouver.
             
Toutes les paroles de Notre Seigneur avaient trouvé en son cœur et en son esprit un écho extraordinaire : "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie! Je suis la résurrection et la vie! Je suis venu pour qu'ils aient la vie, et qu'ils l'aient en abondance… Je suis le Pain de vie !" (le Pain qui fait vivre!). 
Et bien d'autres paroles de Notre Seigneur affirmaient cette réalité de la vraie vie ! - Oui, tout le message de Jésus est un message de vie. Il vient répondre à nos aspirations les plus profondes : VIVRE !
             
Mais qu'est-elle au juste cette vie que Jésus nous offre ? - L'Evangile nous la suggère par des images, propres au langage oriental :
La Vie, c'est comme l'eau pour celui qui a soif,
c'est comme le pain pour celui qui a faim,
c'est comme la santé pour le malade,
c'est comme la lumière pour l'aveugle,
c'est comme le retour à la vie pour un mort.
             
Qu'y-a-t-il en définitive derrière ces images ? -
Il y a tous ces appels de Notre Seigneur, et en particulier tous ces appels à aimer, à tout faire par amour pour lui et par amour des autres.
Il y a ses appels à aimer, et donc à accueillir, à partager, à échanger, à donner gratuitement et surabondamment, et même à risquer sa vie pour les autres…
Il y a tous ses appels à aimer et donc à sortir de soi-même, à ouvrir les yeux sur les autres,, à sortir de son individualisme et de son indifférence, à se vouloir solidaires des autres.
Il y a tous ses appels à aimer, et donc à bâtir une société plus équitable et plus fraternelle, où les rapports humains ne soient plus fondés sur la sélection - qu'elle soit physique, intellectuelle, commerciale... raciale -, mais sur le partage et l'épanouissement de chacun, quel qu'il soit.

Alors, quand on répond à ces appels de Jésus, la vie devient une aventure extraordinaire : on ne s'enlise plus dans les ornières du conformisme ou des interdits, mais on découvre avec enthousiasme la vraie vie, qui est don de soi, service des autres et liberté.
             
N'est-ce pas un peu tout cela qui avait attiré vers Jésus l'homme de l'évangile d'aujourd'hui ? Il pressentait en lui un maître de vie qui serait capable de le faire sortir de lui-même et de s'épanouir en plénitude.

Mais Jésus ne fait pas de miracle pour nous ressusciter et nous faire revivre de la vraie vie, malgré nous.
Quand il invite le jeune homme riche à briser ses chaînes et à se libérer : "Vends tous ce que tu as…", cet homme devient tout sombre et s'en va tout triste. - Jésus est consterné : "Comme il est difficile à ceux qui possèdent des richesses d'accueillir le Royaume de Dieu !".  Et avec humour il ajoute : "Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu !".
             
Pourquoi ? - Parce que, si vous êtes riches, quelle que soit la richesse - matérielle, intellectuelle, morale……etc  -, il est bien à craindre que vos richesses vous paralysent, qu'elles brisent vos plus beaux élans, qu'elles stoppent vos meilleures intentions.
Il y a grand risque alors de s'enfermer sur soi, de devenir sourd, aveugle, indifférent à tout ce qui se passe autour de soi. - Jésus est revenu souvent sur ce point : "Vous ne pouvez pas servir deux maîtres ; vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent… Heureux, en revanche, ceux qui ont un cœur de pauvre : le Royaume des cieux leur appartient !".
             
Oui, pour vivre en plénitude, pour découvrir et accueillir la vraie vie que Jésus nous propose, il faut avoir un cœur de pauvre, savoir partager joyeusement, savoir donner sans compter.
Jésus, lui, avait un cœur de pauvre : "De riche qu'il était, dit St Paul, il s'est fait pauvre, pour nous enrichir de sa pauvreté". C'est ce qui lui a permis d'être tout à tous, aussi bien avec les riches qu'avec les pauvres, avec les notables comme avec les gens simples.
Et c'est ainsi qu'il a pu tout donner, son amour, sa parole, son pardon, son corps et son sang, sa vie elle-même, jusqu'à l'extrême limite.
             
Et dans ce don total de lui-même, Jésus trouvait la joie, le bonheur d'aimer, le bonheur de vivre en plénitude : il a aimé les foules, il a relevé les malades, il a pardonné, il a rendu l'espérance aux malheureux, il a révélé l'amour de Dieu, il a toujours cru à la tendresse de son Père, même à l'heure de son agonie, de sa mort. Sa vie humaine fut d'une plénitude extraordinaire, parce que rien ne mettait un frein quelconque à son amour.

En se donnant à nous sous le signe du Pain de vie, il nous dit à chacun aujourd'hui, comme à l'homme de l'évangile:  "Il te manque encore quelque chose ! Je t'invite à accueillir la vraie vie, et à l'accueillir en abondance. Pour cela libère-toi, fais-toi un cœur de pauvre, mets-toi à mon école. La vie que je t'offre, on ne peut la décrire ; pour la découvrir, il faut la vivre, la vivre avec moi".

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