dimanche 19 juin 2016

Qui suis-je ?

12e Dim. Ord. 16/C

"Pour la foule, qui suis-je ?", demande Jésus. Qui est ce Jésus de Nazareth ? Cette question, vieille de plus de vingt siècles est aussi neuve qu'hier et nous interpelle aujourd'hui. N'est-ce pas d'une importance capitale que chacun d'entre nous, que tout homme puisse répondre, et y répondre selon la vérité, tant elle est vitale.

Car il est vrai, comme au temps de Notre Seigneur, que certains y répondent faussement, superficiellement et de façon contradictoire. Chacun de donner son avis. Et si nous entreprenions un sondage d'opinion, les réponses seraient multiples et bien diverses.
* Pour les uns, Jésus est un non-violent qui chante la nature ;
* C'est encore le "doux rêveur galiléen" dont parlait Renan.
* Pour d'autres, Jésus est le révolutionnaire qui s'est dressé - et très légitimement - contre les pouvoirs oppresseurs : les Romains, Hérode et les prêtres de Jérusalem.
* Pour d'autres encore, Jésus est un surhomme qui séduit les foules, accomplit des choses étonnantes et que ses partisans ont "divinisé" après coup en bâtissant une Eglise qui a plus ou moins trahi son souvenir et son message.

On pourrait allonger la liste des opinions ; mais il arrive un moment où il ne suffit plus de rapporter les réponses des autres.
A chacun de nous, comme à Pierre, Jésus pose la question essentielle : "Et toi, que dis-tu ? Pour toi qui suis-je ?".

Et pour trouver la juste réponse, il nous faut, comme Pierre, nous laisser envahir par la présence de Dieu, qui seule peut nous faire découvrir le mystère de la personnalité du Christ : "Nul ne connaît le Fils, si ce n'est le Père ; nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils l'a révélé" (Mth 11.27). Ce n'est qu'en étant tout accueillant à Dieu que l'on peut dire comme Pierre : "Tu es le Messie de Dieu, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant".
Et en St Matthieu, Jésus ajoutera justement en quelque sorte (Cf. Mth 16.17 sv) : C'est le Père qui t'a soufflé cette réponse car tu n'aurais pu la trouver tout seul. "C'est pourquoi tu es Pierre", tu es rocher, et sur toi, sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, cette Communauté de tous ceux qui croient en moi comme Messie et Fils de Dieu. Aussi, nul ne pourra me connaître vraiment et pleinement...
- sans être comme toi à l'écoute du Père qui révèle...
- et sans faire un acte de foi, celle des apôtres, celle de l'Eglise. Car cette conviction, on peut la ressentir vivement en certains lieux, tels Jérusalem, Rome... ou en des circonstances de grands rassemblements !

Aussi en redisant le "Credo" de l'Eglise rassemblée autour de Pierre et des apôtres, aujourd'hui autour du pape François et des évêques, nous proclamons notre attachement à cette Famille de ceux qui savent grâce à un don de Dieu accueilli en notre cœur, qui partagent cette grande vérité et qui veulent en témoigner : Jésus est le Messie, le Fils du Père, venu parmi nous en prenant ma condition humaine pour la sauver ! Et avec l'enthousiasme de Pierre à Césarée, nous affirmons que cette vérité transforme le sens de notre vie, de nos joies, de nos peines, de notre mort elle-même.

Et pourtant, comme Pierre, malgré notre attention docile, nous ne sommes pas toujours prêts à cette révélation. Pierre avait raison de dire : "Je crois que tu es le Messie de Dieu", mais il s'était forgé du Messie une certaine idée que Jésus va bousculer : Pierre, pouvait lui dire Jésus comme il peut le dire à chacun de nous, je suis bien celui que tu proclames - le Messie, l'Envoyé de Dieu -, mais je ne suis pas celui que tu attends.
Le Messie ne va pas triompher comme tu le crois. Il va mourir sur une croix. "Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté, qu'il soit tué, et que le troisième jour il ressuscite !". Et il précisera qu'il nous faut prendre sa croix à sa suite et perdre sa vie pour la sauver. Une telle notion de Dieu, un tel programme, c'est le monde renversé ! Et comme Pierre, le premier pape, résiste de toutes ses forces, il se fait traiter de Satan.

Ne sommes-nous pas, nous aussi, comme Pierre qui avait sa petite idée sur le Messie ! Nous aussi, nous avons nos idées à nous sur Dieu, sur le Christ, sur l'Eglise et son œuvre.... Nous avons notre logique d'après laquelle tout doit se régler - et Dieu lui-même -.

A l'exemple de Pierre, il nous faut souvent réviser nos idées sur la conduite de Dieu, de Dieu qui aime l'homme et qui l'aimera toujours.
- Jésus veut nous révéler la souffrance de Dieu, d'un Dieu qui intervient non pour briser les pécheurs qu'il aime comme ses fils, mais pour en recevoir les coups en plein visage, en plein cœur : "Voici l'homme !", dira Pilate. Et l'Eglise reprend : voici ton Dieu, un Dieu qui ne se met pas du côté de ceux qui frappent ou même des "heureux" de ce monde, mais du côté des victimes, des affamés, des pauvres : "Je suis Jésus que tu persécutes", sera-t-il dit à Paul sur son chemin vers Damas. Je suis Jésus qui souffre en ton frère. Aurions-nous vraiment compris cela ?
- Certes Dieu est éternel : il ne peut mourir. Et c'est vrai ! Mais voilà que le Fils de Dieu, en s'incarnant, devient capable de mourir, d'être tué dans la nature humaine qu'il a prise. C'est le renversement de la notion d'un Dieu tout-puissant qui anéantit ses adversaires et qui triomphe d'eux en les éliminant. En prenant sur lui la peine de mort, Jésus manifeste que Dieu n'a plus d'ennemis, mais seulement des enfants à pardonner. Jésus, ainsi, nous révèle une tout autre puissance que la force qui domine. C'est la puissance de l'Amour, un Amour qui se donne jusqu'au bout : "Il n'y a pas de plus grande preuve d'amour que de donne sa vie pour ceux qu'on aime".  Aurions-nous bien compris également cette logique divine ?

Et nous pourrions trouver d'autres exemples de cette conduite de Dieu qui souvent va à l'encontre de notre logique trop remplie, souvent, de suffisance et d'orgueil humain et de cet orgueil spirituel, le plus terrible, comme aime à le souligner le pape François.

A l'exemple de St Pierre, acceptons d'être bouleversés dans nos petites conceptions orgueilleuses, acceptons de perdre nos idées - souvent fausses - pour y substituer la connaissance que Jésus Christ nous donne de son Père, de Dieu notre Père - Soyons prêts à suivre Jésus Christ sur le chemin de la croix, à modifier tous nos rapports humains de domination et de richesse, pour y mettre l'humilité, le service et la pauvreté de Jésus Christ dans ses rapports avec ses frères.

Tel doit être l'enjeu du "Credo" que nous allons proclamer : une foi vivante qui doit transformer totalement notre vie et nos rapports avec Dieu et avec nos frères les hommes.

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