12e
Dim. Ord. 16/C
"Pour
la foule, qui suis-je ?", demande Jésus. Qui est ce Jésus de
Nazareth ? Cette question, vieille de plus de vingt siècles est aussi neuve
qu'hier et nous interpelle aujourd'hui. N'est-ce pas d'une importance capitale
que chacun d'entre nous, que tout homme puisse répondre, et y répondre selon la
vérité, tant elle est vitale.
Car il est vrai, comme au temps de Notre
Seigneur, que certains y répondent faussement, superficiellement et de façon
contradictoire. Chacun de donner son avis. Et si nous entreprenions un sondage
d'opinion, les réponses seraient multiples et bien diverses.
* Pour les uns, Jésus est un non-violent
qui chante la nature ;
* C'est encore le "doux rêveur galiléen" dont parlait Renan.
* Pour d'autres, Jésus est le révolutionnaire
qui s'est dressé - et très légitimement - contre les pouvoirs oppresseurs : les
Romains, Hérode et les prêtres de Jérusalem.
* Pour d'autres encore, Jésus est un
surhomme qui séduit les foules, accomplit des choses étonnantes et que ses partisans
ont "divinisé" après coup en bâtissant une Eglise qui a plus ou moins
trahi son souvenir et son message.
On pourrait allonger la liste des opinions
; mais il arrive un moment où il ne suffit plus de rapporter les réponses des
autres.
A chacun de nous, comme à Pierre, Jésus
pose la question essentielle : "Et
toi, que dis-tu ? Pour toi qui suis-je ?".
Et pour trouver la juste réponse, il nous
faut, comme Pierre, nous laisser envahir par la présence de Dieu, qui seule
peut nous faire découvrir le mystère de la personnalité du Christ : "Nul ne connaît le Fils, si ce n'est le
Père ; nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils l'a
révélé" (Mth
11.27).
Ce n'est qu'en étant tout accueillant à Dieu que l'on peut dire comme Pierre : "Tu es le Messie de Dieu, tu es le
Christ, le Fils du Dieu vivant".
Et en St Matthieu, Jésus ajoutera justement
en quelque sorte (Cf.
Mth 16.17 sv)
: C'est le Père qui t'a soufflé cette réponse car tu n'aurais pu la trouver
tout seul. "C'est pourquoi tu es Pierre",
tu es rocher, et sur toi, sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, cette
Communauté de tous ceux qui croient en moi comme Messie et Fils de Dieu. Aussi,
nul ne pourra me connaître vraiment et pleinement...
- sans être comme toi à l'écoute du Père qui
révèle...
- et sans faire un acte de foi, celle des
apôtres, celle de l'Eglise. Car cette conviction, on peut la ressentir vivement
en certains lieux, tels Jérusalem, Rome... ou en des circonstances de grands
rassemblements !
Aussi en redisant le "Credo" de
l'Eglise rassemblée autour de Pierre et des apôtres, aujourd'hui autour du pape
François et des évêques, nous proclamons notre attachement à cette Famille de
ceux qui savent grâce à un don de Dieu accueilli en notre cœur, qui partagent
cette grande vérité et qui veulent en témoigner : Jésus est le Messie, le
Fils du Père, venu parmi nous en prenant ma condition humaine pour
la sauver ! Et avec l'enthousiasme de Pierre à Césarée, nous affirmons que
cette vérité transforme le sens de notre vie, de nos joies, de nos peines, de
notre mort elle-même.
Et pourtant, comme Pierre, malgré notre
attention docile, nous ne sommes pas toujours prêts à cette révélation. Pierre
avait raison de dire : "Je crois que
tu es le Messie de Dieu", mais il s'était forgé du Messie une certaine
idée que Jésus va bousculer : Pierre, pouvait lui dire Jésus comme il peut le
dire à chacun de nous, je suis bien celui que tu proclames - le Messie,
l'Envoyé de Dieu -, mais je ne suis pas celui que tu attends.
Le Messie ne va pas triompher comme tu le
crois. Il va mourir sur une croix. "Il
faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté, qu'il soit
tué, et que le troisième jour il ressuscite !". Et il précisera
qu'il nous faut prendre sa croix à sa suite et perdre sa vie pour la sauver.
Une telle notion de Dieu, un tel programme, c'est le monde renversé ! Et comme
Pierre, le premier pape, résiste de toutes ses forces, il se fait traiter de
Satan.
Ne sommes-nous pas, nous aussi, comme
Pierre qui avait sa petite idée sur le Messie ! Nous aussi, nous avons nos
idées à nous sur Dieu, sur le Christ, sur l'Eglise et son œuvre.... Nous avons
notre logique d'après laquelle tout doit se régler - et Dieu lui-même -.
A l'exemple de Pierre, il nous faut souvent
réviser nos idées sur la conduite de Dieu, de Dieu qui aime l'homme et qui
l'aimera toujours.
- Jésus veut nous révéler la souffrance
de Dieu, d'un Dieu qui intervient non pour briser les pécheurs qu'il aime
comme ses fils, mais pour en recevoir les coups en plein visage, en plein cœur
: "Voici l'homme !", dira
Pilate. Et l'Eglise reprend : voici ton Dieu, un Dieu qui ne se met pas du côté
de ceux qui frappent ou même des "heureux" de ce monde, mais du côté
des victimes, des affamés, des pauvres : "Je
suis Jésus que tu persécutes", sera-t-il dit à Paul sur son chemin
vers Damas. Je suis Jésus qui souffre en ton frère. Aurions-nous vraiment
compris cela ?
- Certes Dieu est éternel : il ne peut
mourir. Et c'est vrai ! Mais voilà que le Fils de Dieu, en s'incarnant, devient
capable de mourir, d'être tué dans la nature humaine qu'il a prise. C'est le
renversement de la notion d'un Dieu tout-puissant qui anéantit ses adversaires
et qui triomphe d'eux en les éliminant. En prenant sur lui la peine de mort,
Jésus manifeste que Dieu n'a plus d'ennemis, mais seulement des enfants à
pardonner. Jésus, ainsi, nous révèle une tout autre puissance que la force qui
domine. C'est la puissance de l'Amour, un Amour qui se donne jusqu'au bout : "Il n'y a pas de plus grande preuve
d'amour que de donne sa vie pour ceux qu'on aime". Aurions-nous bien compris également cette
logique divine ?
Et nous pourrions trouver d'autres exemples
de cette conduite de Dieu qui souvent va à l'encontre de notre logique trop
remplie, souvent, de suffisance et d'orgueil humain et de cet orgueil
spirituel, le plus terrible, comme aime à le souligner le pape François.
A l'exemple de St Pierre, acceptons d'être
bouleversés dans nos petites conceptions orgueilleuses, acceptons de perdre nos
idées - souvent fausses - pour y substituer la connaissance que Jésus Christ
nous donne de son Père, de Dieu notre Père - Soyons prêts à suivre Jésus Christ
sur le chemin de la croix, à modifier tous nos rapports humains de domination
et de richesse, pour y mettre l'humilité, le service et la pauvreté de Jésus
Christ dans ses rapports avec ses frères.
Tel doit être l'enjeu du "Credo"
que nous allons proclamer : une foi vivante qui doit transformer totalement
notre vie et nos rapports avec Dieu et avec nos frères les hommes.
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