mercredi 29 juin 2016

Marcher sur deux jambes !

Fête des Sts Pierre et Paul

Pierre et Paul sont parmi les êtres les plus étonnants et les plus surprenants de l'histoire. Ce qu'ils sont devenus et ce qu'ils ont réalisé fut tellement en contraste avec leur nature et leur passé qu'on déchiffre aisément la marque du Saint-Esprit dans leurs destins respectifs.
La nature les avait forgés d'une certaine manière ; la grâce les a recréés en vue du plan de Dieu, d'un plan dont le déroulement échappe radicalement aux prévisions humaines, mais dont le but fut incontestablement de faire de Pierre et de Paul les deux "colonnes" de l'Eglise !

Qui était Simon, qui s'appellera Pierre ?
Un brave homme tout simple, dont la culture se limitait au savoir-faire du métier de la pêche qu'il exerçait à Capharnaüm.
Mais un homme loyal et sans détour, dont les enthousiasmes et la spontanéité s'offraient tout naturellement à l'action de l'Esprit-Saint pour de surprenantes intuitions : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !", s'écria-t-il un jour à l'adresse de Jésus, alors que nul encore ne soupçonnait du Christ la mystérieuse nature !
Et pourtant, combien souvent cet homme, que la simplicité du cœur ouvrait aux valeurs d'en-haut, apparaissait-il peu accessible au sens et à la profondeur des propos de Jésus. C'est plus d'une fois que le Maître lui reproche son peu d'ouverture, ses illusions sur lui-même, sa bonne volonté inopérante et ses faiblesses.
Son amitié et son admiration pour le Seigneur étaient sans borne. Elles n'ont cependant su résister à cette faiblesse que nous connaissons tous, la peur ! Jésus savait que Simon le renierait. Il n'a pas pour autant hésité à l'appeler "Pierre" et à justifier ce surnom par la plus extravagante des promesses : "Tu es Pierre et sur cette pierre j'édifierai mon Eglise". Et Simon, perplexe, n'a sans doute guère réalisé, avant la Pentecôte, l'extraordinaire portée de cette vocation et de ce destin.

Engager ainsi un homme brave mais quelque peu rude, compromettre de la sorte un hésitant et un peureux à être le chef, le roc pour soutenir la cohésion du nouveau du peuple de Dieu, l'Eglise, est une initiative tellement étrange et tellement folle qu'elle ne peut être signée que de Dieu à qui rien n'est impossible.
Et Dieu ne se dédiera pas. Car Pierre, par la suite, et grâce à la puissance de l'Esprit-Saint, deviendra effectivement ce champion de la foi, de l'intelligence spirituelle, du courage et de l'unité, de toutes ces vertus qui mettront l'Eglise sur les rails de l'histoire.
Son admirable discours de Jérusalem, au lendemain de la Pentecôte, et son martyre à Rome seront les contremanifestations les plus apparentes de ses lourdeurs de jadis et de sa faiblesse au cours du drame de la Passion !

Entre Pierre et Paul, c'était comme le jour et la nuit. Face au visage du Galiléen rude, simple, rocailleux mais limpide, apparait la figure de Saul, appelé Paul, le judéen issu de Tarse, l'intellectuel compliqué, passionné et tourmenté, tiraillé entre le Juif et le Grec qu'il était tout à la fois, entre la "chair et l'esprit" que nous sommes tous (Cf Ephes. 6.12).
Mais sa radicale mutation fut aussi spectaculaire qu'a été surprenante la transformation de Simon-Pierre. 
Comment, en effet, ce pharisien légaliste, persécuteur acharné des disciples de Jésus au nom du particularisme le plus étroit, a-t-il pu devenir, en l'espace de quelques jours, le plus universaliste des Apôtres ? A peine Saul, terrassé sur le chemin de Damas, a-t-il reconnu en son adversaire d'hier la vérité vivante qu'il cherchait désespérément, à peine eut-il reçu de Jésus la folle mission d'aller évangéliser les nations païennes, que déjà "sans consulter la chair et le sang" (Gal 1.17), dira-t-il, c'est-à-dire sans recourir à ses seules forces humaines, il s'en va vers les horizons étrangers avec la même fougueuse énergie qu'il avait déployée à persécuter le Christ dans ses membres. Il ira annonçant "à temps et à contre temps" (2 Tim 4.2) ce Jésus qui a renouvelé sa vie, et cela jusqu'à l'extrême témoignage du sang.

St Pierre se perpétue en ses successeurs pour conduire l'Eglise à travers l'histoire et ses vicissitudes,
St Paul, lui, continue de nourrir le peuple chrétien de cette Parole vivante qu'il a reçue pour la transmettre par le relai de son intelligence miraculeusement éclairée et qu'il a si bien su exprimer dans ses lettres diverses.

Et si l'Eglise nous présente ensemble les deux visages de Pierre et de Paul, c'est parce que, ensemble, ils dessinent son propre visage aux traits contrastés :
- l'unité de l'Esprit agissant par Pierre dans la diversité des tempéraments, des charismes et des fonctions reconnus par Paul ;
- la stabilité du rocher - c'est Pierre - qui permet et garantit les développements de la Révélation, les élans prophétiques - voilà Paul ! - ;
- enfin la continuité dans l'histoire, assurée par Pierre, mais en vue d'épouser les époques successives comme aussi la diversité des langues et des cultures, ce qui fut le destin de Paul, l'apôtre des nations !

Dans sa traversée de l'histoire, l'Eglise a parfois privilégié Pierre à cause de l'ordre ou de l'unité ; parfois, elle s'est davantage inspirée de Paul pour fonder sa pensée et retrouver son souffle prophétique.

Malheureusement, en tout temps, comme encore aujourd'hui, il s'est trouvé des chrétiens pour engager entre eux, à coups de béquilles, un ridicule combat d'unijambistes ! L'Eglise de Jésus-Christ ne tient debout et ne peut avancer qu'en s'appuyant sur deux jambes : ce sont les deux "colonnes" qui s'appellent respectivement Pierre et Paul.

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