16e Dimanche Ord. 15/B
St Paul, dit-on, est d’une lecture difficile. C’est
vrai, tant il veut toujours tout dire et tout à la fois. Il est pourtant
capital ce texte que nous avons entendu et que l’apôtre adresse à sa chère
communauté d’Ephèse ! Comme celui de dimanche dernier - c'était le début de sa
lettre - où l'apôtre, de façon un peu lyrique, décrivait
le dessein d'amour de Dieu-Père pour tous
les hommes, établi avant même la création
dessein déjà accompli parfaitement, "récapitulé"
disait l'apôtre, en son Fils, Dieu fait homme,
et dessein qui se poursuit aujourd'hui encore
comme un achèvement grâce à leur Esprit commun, Esprit d'amour, répandu dans le
cœur des croyants.
Dimanche dernier je me suis efforcé de commenter ce
dessein divin décrit par St Paul, un peu trop longuement. Aussi, je serai plus
court aujourd'hui !
Pour comprendre quelque peu notre texte, il faut se
souvenir que dans la mentalité biblique, (comme en la mentalité chrétienne,
d'ailleurs), un des problèmes fondamentaux est la division, conséquence
du péché de l’homme, division qui s'oppose fortement au dessein d'amour de
Dieu-Père pour tous les hommes :
+ Le péché a détourné de sa fin toutes les
complémentarités que le Créateur avait voulues fécondes : la différence de
sexe, de race, d'âge, de psychologie, etc. Ces différences complémentaires,
puissances d'unité voulues par le Créateur, sont devenues, par le péché,
puissances d’opposition, d’hostilité !
Et toute l’histoire biblique est une présentation
de cette division aux formes si variées :
* Division des frères devenus ennemis, fondée sur
l’envie (pensons à Caïn et Abel, à Esaü et Jacob, à Joseph et ses frères, etc.)
* Division des pays frères entre Israël et Ismaël,
entre Israël et l’Egypte, entre Israël et toutes les Nations.
+ Aussi, toute l’histoire du peuple de Dieu, c'est une
grande aspiration à la fin de la division, à la réconciliation, à la
paix, lorsque toutes les nations de la terre se béniront mutuellement par
le nom de la descendance d’Abraham. Et quand Paul parle d'Abraham, notre
"père dans la foi", il pense au Christ dont il est le "prototype"
!. Evidemment !
Tel est le cadre général de notre texte !
A y regarder de près, Paul fait état de deux réconciliations principales exprimées
par un passage de l’éloignement (“vous qui étiez loin”)
à la proximité (“vous qui êtes devenus proches”).
- La première réconciliation est celle des
“deux peuples” ("Israël et les païens").
Les voici, grâce au Christ, réunis en un seul corps ; ils forment désormais,
ensemble, un “Homme nouveau”, dit
l'apôtre.
- Et cette réconciliation contribue à la seconde
: la réconciliation entre les frères ennemis conduit à la réconciliation avec
Dieu. Et même, Paul semble dire que la première est préalable à la seconde !
N’est-ce pas, d’ailleurs, le sens de cette
supplication à nous transmise par le Christ : “Père, pardonne-nous, comme nous pardonnons”.
Et Jésus priait : “Qu’ils
soient un - en un premier temps si je puis dire - comme nous sommes un” !
Un Peuple, un Corps, un “Homme nouveau”. Cette unité des hommes conduit alors au
Dieu unique !
- Mais nous serions tentés de penser : si, pour
approcher de Dieu, être en union avec Lui, il faut nous réconcilier,
pardonner, faire union entre nous. etc…, nous faisons dépendre notre salut
de notre seul effort de réconciliation ! Certains l'ont pensé au cours des
siècles. C'est l'erreur du pélagianisme contre laquelle St Augustin a
beaucoup lutté. Ce fut encore l'erreur du jansénisme, plus proche de
nous. Et inconsciemment certains pensent de cette façon. Alors, est-ce nous
qui nous sauvons ou est-ce Dieu qui sauve ?
C’est ici qu’intervient, reprend St Paul, le “Christ, notre paix” ! Cette unité,
préalable à notre approche de Dieu, c’est Dieu lui-même qui l'a déjà faite
dans le Christ, Dieu fait homme. "Par sa chair
crucifiée !"
Le Christ a crucifié la “chair”, poursuit l’apôtre.
Et pour lui, la “chair”, c’est tout ce qui s’oppose
à l’Esprit, qui est Esprit d’unité, d'amour.
La “chair”, c’est la volonté de s’imposer soi-même,
de survivre pour soi, au détriment de l’autre ;
La “chair”, c’est la défiance envers l’amour ;
La “chair”, c’est désir de vengeance, volonté de
punir, la haine finalement !
Tout cela le Christ l’a mis à mort par le seul fait
qu’il ait accepté de mourir pour tous, en renonçant à la suprématie, à la
vengeance, à la haine, à l’égoïsme… !
Bref, tout ce qui sert aux hommes à diviser a
été crucifié en Jésus Christ !
Et pour autant, ce n’est pas une réconciliation
automatiquement effectuée par le Christ. Le Christ a bien mis à mort “en sa
chair”, tous les principes de division. Mais c’est dans la mesure où nous
accueillons à notre tour ce qu'il a réalisé en son mystère pascal de mort et de
vie, cette victoire de l’amour sur la haine, de la vie sur la mort, que nous
pouvons approcher de Dieu Père. C’est un pouvoir qui nous est donné par le
Christ et que désormais nous pouvons exercer avec lui en mettant à
mort en nous, à notre tour, tous les germes de division.
Et du même coup, les “uns et les autres”, devenus frères, nous pourrons regarder Dieu
comme "Notre Père" !
Oui, c'est le Christ qui nous aide à cette union.
Et cette union qui sera pleinement réalisée dans la
gloire du Christ est bien signifiée et se construit aujourd'hui par le mystère
de l'Eucharistie qui nous rassemble chaque dimanche (voire chaque jour), sacrement
qui ré-actualise pour nous le mystère pascal du Christ.
Le Concile Vatican II enseignait : "Par le sacrement de l'Eucharistie est représentée
et réalisée l'unité des fidèles qui, dans le Christ, forment un seul Corps.
A cette
union avec le Christ
qui est la
lumière du monde,
de qui nous
procédons,
par qui nous
vivons,
vers qui nous
tendons, tous les hommes sont appelés !" (L.G.
3).
Ils sont appelés, avec la grâce du Christ,
sous la mouvance de l'Esprit d'Amour, d'Union, à construire cette
unité qui sera parfaite en la gloire de Dieu-Père qui aime les
hommes de toute éternité !
Alors une seule question : allons-nous, par nos
attitudes, désavouer durant cette semaine, ce que nous célébrons solennellement
le dimanche ?
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