dimanche 5 juillet 2015

Présence de Jésus


14ème Dimanche du T.O. 15/B

On m’a raconté - ou j’ai lu, je ne sais plus - une anecdote assez piquante. C’était aux temps des prêtres-ouvriers ! Dans un gros bourg de l'Ouest, l'un d’eux était facteur. Un jour, il célébrait un enterrement. A la sortie du cimetière, un ancien murmura à l'un de ses amis : “C'est incroyable ! Les prêtres ne veulent plus rien faire ! Voilà maintenant qu'ils font enterrer les morts par le facteur !” L'interlocuteur répliqua : “Mais c'est un prêtre... !” – “Allons donc, je vous assure que c'est le facteur, il vient me porter le journal tous les matins ; et d'ailleurs il est très gentil...”.

Jésus n'était pas facteur, il était charpentier. Le mot grec que l'on traduit par “charpentier” a un sens plus large : il désigne l'ouvrier qui travaille le bois, la pierre ou le métal ; en fait il s'agissait souvent du “constructeur de maison”. On a remarqué, d’ailleurs, que Jésus fait davantage allusion au travail de la pierre qu'à celui du bois. Jésus et Joseph construisaient de petites maisons simples, comme on peut en voir encore aujourd'hui en Palestine.

Et voilà le maçon du village qui prend la parole dans l'assemblée en prière ! Dans la synagogue ! C’est incroyable ! Il n'avait pas fait d'études particulières, il n'avait pas été formé par quelque grand maître. “D'où cela lui vient-il ?” Ses paroles sont empreintes de sagesse ; on dit qu'il a fait des miracles, et qu'il vient même de ressusciter une petite fille ! Mais c'est tout de même le maçon du village. On connaît sa famille ; ce sont des gens comme tout le monde. Ils n'ont rien d'extraordinaire !

Ainsi, on se hâte de ramener Jésus à l'humanité commune. On regarde vers les siens, vers le passé, plutôt que de se laisser “interpeller” par une parole, un événement, par le surgissement d'un possible avenir, tout neuf. Où se retrouverait-on, si on se laissait embarquer au large de la vie dite “normale” ?

L'évangile nous dit que Jésus ne put accomplir “aucun miracle” dans son village. Seulement quelques malades guéris en leur imposant les mains. “Il s'étonna de leur manque de foi”. Et il ajoute : “Un prophète n'est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison”.

A Nazareth, Jésus n'était que le maçon, le camarade, le cousin... Il ne lui était pas permis d'être autre chose. Il était réduit à sa situation professionnelle, à son rôle social, à sa place dans la famille, dans le clan. Que de fois des personnes sont emprisonnés par une étiquette, une épithète, une réputation.

Pour que Jésus puisse être autre chose que le gars du bâtiment ou le fils de Marie, il aurait fallu le regarder et attendre de lui quelque chose d'unique : avoir “foi” en lui ! C’est classique, n’est-ce pas ?

Or, Jésus vient toujours étonner les siens, et les déranger. On veut toujours - souvent du moins - l'enfermer dans des formules, des programmes, dans le merveilleux que l’on imagine. Or, pour lui, faire des miracles, c’est toujours pour bouleverser la vie, changer la vie, faire un retournement, une “conversion” des cœurs. Et cela de mille manières, souvent très discrètes. "Je fais toutes choses nouvelles", disait Dieu par le prophète Isaïe (43.19), comme le répètera St Jean dans son Apocalypse (ch.21).

Un Saint du 18ème siècle, le Père de Caussade, écrivait : “Le Christ se présente à nous sous un déguisement : les uns ne Le reconnaissent pas, les autres sont d'autant plus prévenants que le déguisement est plus minable”. Quels sont les déguisements de Jésus ? Oh, ce n’est pas toujours celui du facteur, mais plutôt 
un événement qui nous surprend, 
un visage qui lève vers nous son attente, 
un de ces petits “riens” qui font la trame de la vie et que l’on remarque soudainement...
A chacun de percer les “déguisements” de Jésus.

A chacun de reconnaître les prophètes de notre temps. Car à beaucoup – et à nous-mêmes -, Jésus dit soudainement comme à Ezéchiel : “Fils d’homme, je t’envoie…”, que ‘on soit facteur ou non ! Oh ! Certes, n’allez pas chercher très loin : 
ce peut être - ce doit être d’ailleurs - un mari pour son épouse et réciproquement. 
Ce peut être, soudainement et en un temps record, un ami, un compagnon de travail, un frère, une soeur... 

Oh, bien sûr, tous ceux-là, comme Paul, comme chacun de nous, ils portent en eux une écharde qui les rend faibles. Mais malgré cette faiblesse, ils portent en eux un trésor : le Christ qui vient à nous. Oui, disait encore St Paul, nous sommes comme des poteries fragiles qui portons un trésor en nous-mêmes.

En sommes-nous conscients ? Car Dieu nous envoie beaucoup de messages tout au long de nos jours. Mais, souvent, nous les enfermons dans un cadre trop insignifiant. Comme les gens de Nazareth, nous n’avons plus l’oreille assez attentive. Et si, en ce temps liturgique appelé "temps ordinaire", nous étions plus attentifs aux surgissements de la Parole de Dieu qui veut toujours faire des "choses nouvelles" et extraordinaires, en nos vies si banales apparemment ? 

Pour terminer, je souhaite désigner des prophètes - des porte-paroles - de Dieu qui, trop souvent, sont ignorés et qui, les premiers, peuvent répéter après St Paul : “C’est lorsque je suis faible que je suis fort de la force du Christ !” : ce sont les malades, les souffrants de toutes sortes ! Il y en a tant !

Le Christ est avec eux, lui qui a dit : “Je ne suis pas venu pour les bien portants, mais pour les malades”. Souvent très dépendants, ils ne jouissent pas des richesses de ce monde ; et c’est dans la pauvreté qu’ils manifestent la richesse du Christ. Souvent crucifiés en leurs souffrances comme le Christ en croix, ils ne cessent de désigner, silencieusement et pleins d’espérance, la maison du Père. "Laissez-moi aller dans la maison du Père", disait le pape Jean-Paul II, en son dernier jour d'agonie.

Je ne sais si aujourd’hui, il y a beaucoup de facteurs qui soient prêtres ! Ce que je sais, c‘est que nous sommes tous appelés à transmettre les messages et les lettres que le Seigneur veut adresser à chacun de nous.

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