samedi 11 juillet 2015

Prophète de l'"Economie" divine !

15e Dimanche du T.O. 15/B

S'il est difficile de se faire accepter comme prophète dans son propre pays, la difficulté n'est pas moindre quand on vient d'un pays "frère" avec lequel on se trouve en conflit. C'est le cas en bien des contrées où des chrétiens renouvellent l'expérience du prophète Amos.

C'était à l'époque du "schisme" d'Israël. Originaire du Sud, Amos vint proférer des oracles d'une virulence rare contre le Royaume du Nord qui avait acquis une remarquable prospérité économique, mais au prix de grandes injustices et compromissions Ses violentes invectives contre les nantis (il ira jusqu'à traiter les femmes de la cours de plantureuses "vaches de Bashan" - rendez-vous compte !) sont pour ceux-ci une intolérable provocation.

Ainsi, quand Amos s'en prend jusqu'au sanctuaire local, le prêtre Amazias entre en lice. Il le dénonce au roi : "C'est un conspirateur du Sud infiltré dans le pays. Il faut l'expulser !". Et sans attendre, il veut intimider Amos par des termes méprisants : "Va-t-en d'ici, avec tes visions !". Tu n'es qu'un exalté qui appelle "visions" les élucubrations d'un esprit dérangé ! "Enfuis-toi en Juda ; Là-bas tu gagneras ta vie en faisant ton métier de prophète". L'ironie est cinglante : On ne se laisse pas prendre à tes paroles, homme stipendié pour jeter le trouble parmi nous. Retourne en ton pays ! Là-bas, on te paiera pour jouer ce petit jeu ! - Ces réactions sont de tout temps !

Amos répond simplement : "Je n'étais pas prophète ni fils de prophète ; j'étais bouvier et je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m'a saisi..., et c'est lui qui m'a envoyé : Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël". La réponse d'Amos est humble, mais ferme. Non, il n'a rien à voir avec ces bandes d'extatiques, "faux charismatiques" dirait-on, qui se répandaient à son époque autour des sanctuaires. Il avait un métier dont il tirait sa subsistance : ce n'est ni le besoin, ni l'appât du gain qui lui a fait quitter son travail. Il a été "saisi" par Dieu, arraché à son troupeau et à ses champs de figuiers sans avoir pu opposer la moindre résistance.  - C'est cela un prophète : il parle de Dieu non par des preuves du dehors, mais par sentiment intérieur et immédiat. Il ne peut pas lui-même s'en empêcher. Rien ni personne ne peut l'empêcher : une force d'en-haut l'habite !

Plus tard, Pierre et Jean exprimeront ce même sentiment : "il nous est impossible de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu" (Ac 4,I9-:2O).

Et c'est la même force intérieur qui fait parler St Paul dans sa lettre aux Ephésiens : il ne peut pas ne pas dire, transmettre, annoncer ! Sa lettre est un magnifique exposé sur le dessein de Dieu ("l'économie divine", disent les Orientaux), arrêté de toute éternité, réalisé par le Christ et qui se déploie dans l'Église ! Par le lyrisme employé, l'exposé captive d'emblée et son intérêt ne se relâche pas un instant. - Le début est, dans le texte grec, une longue et même phrase que le célèbre Loisy a qualifiée de "somptueux galimatias", tant Paul veut tout dire et tout à la fois !

L'apôtre commence par une "bénédiction", une "action de grâce". C'est là le fondement de toute spiritualité juive. Le croyant doit être sans cesse en "action de grâce", en "eucharistie", vivre en un immense "merci" pour tout ce que Dieu donne"Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ... il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ".
Puisse toute notre vie individuelle, ecclésiale, être, une louange à la gloire de Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint ! "Si tu savais le don de Dieu", nous dit Jésus comme à la Samaritaine. C'est l'objet de toute "action de grâce" !

Et l'"action de grâce" de Paul est suscitée par cette découverte : "nous" sommes les purs bénéficiaires d'un acte de bonté de la part de Dieu. "Il nous a bénis, choisis !". Ce "nous" n'est pas, là, un pluriel d'auteur, ne concerne pas les seuls chrétiens, mais englobe toute l'humanité... "Dieu a tant aimé le monde", dira St Jean (Jn 3.16). Certes, seuls, les chrétiens peuvent "bénir" étant seuls à comprendre ce don divin qui suscite la bénédiction. Mais ce don divin ne leur est pas réservé. C'est l'humanité entière qui est concernée. Et cela avant même "la fondation du monde" !

Et c'est en comblant les hommes de "toutes sortes de bénédictions" que Dieu révèle son identité de "Père". Certes, il est "Père du Christ", ce Jésus que les croyants confessent comme "Seigneur" ("Kurios" - Dieu) du fait de sa résurrection. Mais son action de "Père" qui a sa source en lui-même, il l'exerce par l'Esprit-Saint (il s'agit de "bénédictions Spirituelles") en son Fils, le Christ, qui, dit l'apôtre, récapitule toutréunit tous les êtres en lui-même ! Tout est "ramené sous un seul Chef, le Christ !". Le Christ "récapitule" "en sa chair" le dessein de Dieu qui se déroule d'un bout à l'autre de l’Histoire. Par Lui, avec Lui et en Lui, toute la création - et notre vie elle-même - est remise entre les mains de Dieu "son Père et notre Père" ; tout, par le Christ, est "conduit vers le Père" ! L'apôtre a même inventé un mot compliqué (ἀνακεφαλαιώσασθαι 1,10) pour exprimer cette mission : dans le Christ, tous, "vous êtes intégrés à la construction pour devenir demeure de Dieu, dans l'Esprit Saint" ; dans le Christ, Dieu a "saisi l'univers entier, ce qui est au ciel et sur la terre ; il a tout "récapitulé sous un seul chef".

Finalement, l'action de Dieu-Père, c'est tout l'Amour que s'échangent les Personnes de la Sainte-Trinité - Famille de Dieu - et qui rejaillit, par pure bonté divine, sur tous les hommes - Famille humaine -, sur tout le créé. Nous sommes nés de Dieu-Trinité, déjà destinés à vivre en Dieu-Trinité, Père, Fils, Esprit-Saint, à vivre en leurs liens d'amour divins, liens si forts qu'il n'y a qu'un seul Dieu ! Et l'apôtre semble insister : Bénir pour Dieu, c'est tout donner, se donner lui-même ! En donnant son Fils, Dieu-Père, sous la motion de son Esprit d'Amour qui les unit, donne tout, tout ce qu'il peut donner de lui-même à l'homme, à tous les hommes.

Nous comprenons dès lors que cet amour de Dieu-Père pour tous les hommes, manifesté en son Fils Unique, et toujours à l'oeuvre par leur Esprit commun - Esprit d'amour - est la "source" de toute fraternité : Jésus dira : "Tous, vous êtes frères !" (Mth 23.8). Et St Pierre nous exhorte à être des frères aimants, des "philadelphes" (I P. 3.8). St Paul précisera : "C'est de Dieu lui-même que vous avez appris à vous aimer !" (I Thess. 4.9).

Finalement tout vient de la vie trinitaire manifestée en Jésus Christ ! Dieu, le Père, est à l'origine et au terme du vaste mouvement dans lequel nous sommes insérés : "Il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables" ; "il nous a d'avance destinés à devenir pour lui des fils".

Tel est son projet formé de toute éternité.

Et le Christ est toujours présent en cette œuvre du salut qui part du Père !
"En lui" que, "dans les cieux", il en a élaboré ce plan d'amour et son déroulement.
"En lui", Dieu "nous a choisis..., "nous a destinés à devenir pour lui des fils".
"En lui", nous avons "écouté la parole de vérité, la Bonne Nouvelle de notre salut" ; et, devenus croyants, nous avons "reçu la marque de l'Esprit Saint".
"Par lui", il nous a rachetés et comblés de sa grâce.
"Par lui", il nous a dévoilé "le mystère de sa volonté".
"Par Lui, avec Lui, en Lui, à Toi, Dieu le Père, tout honneur et toute gloire !"

Et en tout cela l'Esprit Saint est comme le "moteur" de l'œuvre de Dieu. Aussi est-il toujours invoqué en des moments solennels
- Pour un baptême : "Envoie ton Esprit pour enfanter les peuples nouveaux qui vont naître pour toi de la fontaine baptismale" ;
- Pour la Confirmation : "Sois marqué de l'Esprit Saint, le don de Dieu'' ;
- Pour l'ordination : "Envoie sur lui, Seigneur, l'Esprit Saint pour qu'il remplisse fidèlement son ministère'' ;
- Pour l'Eucharistie : "Sanctifie par ton Esprit les offrandes que nous apportons, pour qu'elles deviennent le corps et le sang de ton Fils".

Oui, l'Esprit-Saint est toujours présent, actif dans l'Eglise du Christ et dans le monde pour faire advenir le Règne de Dieu, selon son dessin d'amour...

"Père très saint, nous proclamons que tu es grand et que tu as créé toutes choses avec sagesse et par amour..." (Préface de la 4ème P.E.)

Voilà ce que St Paul, comme tout prophète, ne pouvait ne pas dire. Voilà le témoignage que nous pouvons, devons porter !

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