15e Dimanche
du T.O. 15/B
S'il est difficile de se faire accepter comme prophète
dans son propre pays, la difficulté n'est pas moindre quand on vient d'un pays
"frère" avec lequel on se trouve en conflit. C'est le cas en bien des
contrées où des chrétiens renouvellent l'expérience du prophète Amos.
C'était à l'époque du "schisme" d'Israël.
Originaire du Sud, Amos vint proférer des oracles d'une virulence rare contre
le Royaume du Nord qui avait acquis une remarquable prospérité économique, mais
au prix de grandes injustices et compromissions Ses violentes invectives contre
les nantis (il ira jusqu'à traiter les femmes de
la cours de plantureuses "vaches de Bashan" - rendez-vous compte !)
sont pour ceux-ci une intolérable provocation.
Ainsi, quand Amos s'en prend jusqu'au sanctuaire
local, le prêtre Amazias entre en lice. Il le dénonce au roi : "C'est un conspirateur du Sud infiltré
dans le pays. Il faut l'expulser !". Et sans attendre, il veut
intimider Amos par des termes méprisants : "Va-t-en
d'ici, avec tes visions !". Tu n'es qu'un exalté qui appelle "visions"
les élucubrations d'un esprit dérangé ! "Enfuis-toi
en Juda ; Là-bas tu gagneras ta vie en faisant ton métier de prophète".
L'ironie est cinglante : On ne se laisse pas prendre à tes paroles, homme
stipendié pour jeter le trouble parmi nous. Retourne en ton pays ! Là-bas, on te
paiera pour jouer ce petit jeu ! - Ces réactions sont de tout temps !
Amos répond simplement : "Je n'étais pas prophète ni fils de prophète ; j'étais bouvier et
je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m'a saisi..., et c'est lui qui m'a
envoyé : Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël". La réponse d'Amos est humble, mais
ferme. Non, il n'a rien à voir avec ces bandes d'extatiques, "faux
charismatiques" dirait-on, qui se répandaient à son époque autour des
sanctuaires. Il avait un métier dont il tirait sa subsistance : ce n'est ni le
besoin, ni l'appât du gain qui lui a fait quitter son travail. Il a été "saisi" par Dieu, arraché à
son troupeau et à ses champs de figuiers sans avoir pu opposer la moindre
résistance. - C'est cela un prophète :
il parle de Dieu non par des preuves du dehors, mais par sentiment intérieur et
immédiat. Il ne peut pas lui-même s'en empêcher. Rien ni personne ne peut
l'empêcher : une force d'en-haut l'habite !
Plus tard, Pierre et Jean exprimeront ce même
sentiment : "il nous est impossible
de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu" (Ac 4,I9-:2O).
Et c'est la même force intérieur qui fait parler St
Paul dans sa lettre aux Ephésiens : il ne peut pas ne pas dire, transmettre,
annoncer ! Sa lettre est un magnifique exposé sur le dessein de Dieu ("l'économie divine", disent les Orientaux),
arrêté de toute éternité, réalisé par le Christ et qui se
déploie dans l'Église ! Par le lyrisme employé, l'exposé captive d'emblée
et son intérêt ne se relâche pas un instant. - Le début est, dans
le texte grec, une longue et même phrase que le célèbre Loisy a qualifiée de
"somptueux galimatias", tant Paul veut tout dire et tout à la
fois !
L'apôtre
commence par une "bénédiction", une "action de grâce". C'est
là le fondement de toute spiritualité juive. Le croyant doit être sans cesse en
"action de grâce", en "eucharistie", vivre en un immense
"merci" pour tout ce que Dieu donne : "Béni soit
le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ... il nous a comblés de sa bénédiction
spirituelle en Jésus Christ".
Puisse
toute notre vie individuelle, ecclésiale, être, une louange à la gloire de
Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint ! "Si
tu savais le don de Dieu", nous dit Jésus comme à la Samaritaine.
C'est l'objet de toute "action de grâce" !
Et l'"action
de grâce" de Paul est suscitée par cette découverte : "nous"
sommes les purs bénéficiaires d'un acte de bonté de la part de Dieu.
"Il nous a bénis, choisis !". Ce "nous" n'est
pas, là, un pluriel d'auteur, ne concerne pas les seuls chrétiens, mais englobe
toute l'humanité... "Dieu a tant aimé le monde", dira
St Jean (Jn 3.16). Certes, seuls, les
chrétiens peuvent "bénir" étant seuls à comprendre ce don divin qui
suscite la bénédiction. Mais ce don divin ne leur est pas réservé. C'est
l'humanité entière qui est concernée. Et cela avant même "la fondation du monde" !
Et c'est
en comblant les hommes de "toutes sortes de bénédictions" que
Dieu révèle son identité de "Père". Certes,
il est "Père du Christ", ce Jésus que les croyants
confessent comme "Seigneur" ("Kurios" - Dieu) du fait de sa résurrection. Mais son action de "Père"
qui a sa source en lui-même, il l'exerce par l'Esprit-Saint (il s'agit de "bénédictions Spirituelles") en son Fils, le Christ, qui, dit
l'apôtre, récapitule tout, réunit tous les êtres en
lui-même ! Tout est "ramené
sous un seul Chef, le Christ !". Le Christ "récapitule"
"en sa chair" le dessein de Dieu qui se déroule d'un bout à l'autre
de l’Histoire. Par Lui, avec Lui et en Lui, toute la création - et notre vie elle-même - est remise entre les
mains de Dieu "son Père et notre
Père" ; tout, par le Christ, est "conduit
vers le Père" ! L'apôtre a même inventé un mot compliqué (ἀνακεφαλαιώσασθαι 1,10) pour exprimer cette mission : dans le
Christ, tous, "vous êtes
intégrés à la construction pour devenir demeure de Dieu, dans l'Esprit
Saint" ; dans le Christ, Dieu a "saisi l'univers entier, ce qui est au ciel et sur la terre
; il a tout "récapitulé sous un seul chef".
Finalement,
l'action de Dieu-Père, c'est tout l'Amour que s'échangent les Personnes de
la Sainte-Trinité - Famille de Dieu - et qui rejaillit, par pure bonté
divine, sur tous les hommes - Famille humaine -, sur tout le créé. Nous sommes
nés de Dieu-Trinité, déjà destinés à vivre en Dieu-Trinité, Père, Fils,
Esprit-Saint, à vivre en leurs liens d'amour divins, liens si forts qu'il n'y a
qu'un seul Dieu ! Et l'apôtre semble insister
: Bénir pour Dieu, c'est tout donner, se donner lui-même ! En
donnant son Fils, Dieu-Père, sous la motion de son Esprit d'Amour qui les unit,
donne tout, tout ce qu'il peut donner de lui-même à l'homme, à tous les hommes.
Nous comprenons dès lors que cet amour de Dieu-Père pour
tous les hommes, manifesté en son Fils Unique, et toujours à l'oeuvre
par leur Esprit commun - Esprit d'amour - est la "source"
de toute fraternité : Jésus dira : "Tous, vous êtes frères !" (Mth 23.8). Et St
Pierre nous exhorte à être des frères aimants, des "philadelphes" (I P. 3.8). St Paul
précisera : "C'est de Dieu lui-même que vous avez appris à vous
aimer !" (I Thess.
4.9).
Finalement tout vient de la vie trinitaire
manifestée en Jésus Christ ! Dieu, le Père, est à l'origine et au terme du
vaste mouvement dans lequel nous sommes insérés : "Il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous
soyons, dans l'amour, saints et irréprochables" ; "il nous a d'avance
destinés à devenir pour lui des fils".
Tel est son projet formé de toute éternité.
Et le Christ est toujours présent en cette œuvre du
salut qui part du Père !
"En
lui" que, "dans les
cieux", il en a élaboré ce plan d'amour et son déroulement.
"En
lui", Dieu "nous a choisis...,
"nous a destinés à devenir pour lui
des fils".
"En lui",
nous avons "écouté la parole de
vérité, la Bonne Nouvelle de notre salut" ; et, devenus croyants, nous
avons "reçu la marque de l'Esprit
Saint".
"Par
lui", il nous a rachetés et comblés de sa grâce.
"Par
lui", il nous a dévoilé "le
mystère de sa volonté".
"Par Lui, avec Lui, en Lui, à Toi, Dieu le
Père, tout honneur et toute gloire !"
Et en tout cela l'Esprit Saint est comme le
"moteur" de l'œuvre de Dieu. Aussi est-il toujours invoqué en des
moments solennels
- Pour un baptême : "Envoie ton Esprit pour enfanter les peuples nouveaux qui vont
naître pour toi de la fontaine baptismale" ;
- Pour la Confirmation : "Sois marqué de l'Esprit Saint, le don de Dieu'' ;
- Pour l'ordination : "Envoie sur lui, Seigneur, l'Esprit Saint pour qu'il remplisse
fidèlement son ministère'' ;
- Pour l'Eucharistie : "Sanctifie par ton Esprit les offrandes que nous apportons, pour
qu'elles deviennent le corps et le sang de ton Fils".
Oui, l'Esprit-Saint est toujours présent, actif
dans l'Eglise du Christ et dans le monde pour faire advenir le Règne de Dieu,
selon son dessin d'amour...
"Père
très saint, nous proclamons que tu es grand et que tu as créé toutes choses
avec sagesse et par amour..." (Préface
de la 4ème P.E.)
Voilà ce que St Paul, comme tout prophète, ne
pouvait ne pas dire. Voilà le témoignage que nous pouvons, devons porter !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire