lundi 1 mars 2010

Véritable repentance et non hypocrisie ! - Carême 2 – Mardi - Is 1, 10... 20 - Ps 49 - Mt 23, 1-12

Pour Isaïe le contraire du blanc, ce n’est pas le noir mais le rouge ! « Si vos péchés sont comme l’écarlate, il deviendrait comme la neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine ».

Nous sommes toujours dans le thème de la repentance, thème qui convient en ce temps de Carême ! Sous des images très différentes de celles qu’employait Ezéchiel Vendredi dernier, Isaïe nous montre la puissance de la conversion. - La repentance, si elle est loyale, peut nous faire naître à une vie complètement nouvelle. Le pardon de Dieu, toujours total et gratuit, équivaut à une nouvelle création, inaugure une alliance nouvelle, débute une histoire d’amour plus belle encore que celle des fiançailles originelles.

C’est le prophète Osée qui a bien souligné cet aspect : “Elle (l’épouse de Dieu : le peuple d’Israël) m'oubliait ! C'est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. Là,…, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse… - Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde ; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur Dieu ! Il adviendra, en ce jour-là, que je répondrai à l’attente des cieux et eux répondront à l’attente de la terre…“. (Os 2, 15b-25).
Cette Alliance renouvelée devient dans le Cantique des cantiques : “Mon bien aimé est à moi et je suis à lui“.

La seule condition qui est mise à ce renouvellement radical est la loyauté et la sincérité. Jésus, dans l’Evangile, dénonce tous les pièges qui peuvent nous empêcher de profiter des “re-créations“ que Dieu propose à ceux qui trouvent les chemins de la repentance.
Il s’agit toujours d’échapper à la comédie humaine. Il s’agit de se situer sous le regard de Dieu qui voit dans le secret et sonde les reins et les cœurs :
  • ne pas agir pour être remarqué des hommes,
  • ne pas exagérer l’importance des signes extérieurs,
  • ne pas briguer les premières places dans les synagogues, les repas, les réunions en général… etc.
Mais, nous le savons, l’orgueil, l’amour propre se fourrent partout. Or, écrivait Montaigne (qui n’était pas spécialement un spirituel, mais qui s’y entendait en “caractères“) : “On ne parle jamais de soi sans perte !“. Pascal avait déjà signalé : “Le moi est haïssable… Il a deux caractéristiques : il est injuste en soi en ce qu’il se fait le centre de tout ; et il est incommode aux autres en ce qu’il veut les asservir“. D’ailleurs, comme on l’a dit, la vanité et la sottise sont souvent des compagnes inséparables !

Une remarque pour terminer : “Ne donnez à personne le titre de Rabbi ; ne donnez à personne le nom de Père“ ! Et pourtant, bien des personnes me saluent en disant “mon Père“. Et quand je suis rentré au monastère, j’entendais parler du “Très Révérend Père Abbé“, du “Père Maître des novices“. Je ne sais pourquoi et depuis quand la tradition de l’Eglise a véhiculé ces habitudes qui atteignent le sommet de l’Eglise quand on parle du “Très Saint Père“, le pape !

S’il y a une personne qui a refusé de jouer au notable, de centrer les regards sur lui, c’est bien l’apôtre Paul. Cependant il se présente aux chrétiens de Corinthe comme un “père“ qui les a engendrés dans la foi (cf. I Co. 4.15) (1). Métaphores ? Sans doute ! Mais c’est toujours pour lui une occasion de renvoyer à un autre, le Christ qui seul agit. Lui, Paul, n’est que serviteur : “Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui fait croître“. Et le Christ seul nous a révélé le nom de Dieu : “Père“, de sorte que nous pouvons dire ensemble “notre Père … !“.

Le catéchisme de l’Eglise Universelle fait une mise au point à propos du “Notre Père“ : « Avant de faire nôtre ce premier élan de la Prière du Seigneur, il n’est pas inutile de purifier humblement notre cœur de certaines fausses images de “ce monde-ci“.

L’humilité nous fait reconnaître que “nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler“, c’est-à-dire “aux tout-petits“ (Mt 11,25-27).

La purification du cœur concerne les images paternelles ou maternelles, issues de notre histoire personnelle et culturelle, et qui influencent notre relation à Dieu. Or, Dieu notre Père transcende les catégories du monde créé…“.

Transposer sur Lui, ou contre Lui, nos idées en ce domaine serait fabriquer des idoles, à adorer ou à abattre.

Aussi, il faut bien le souligner, nous ne pouvons dire “Notre Père“ que dans le Fils et dans l’Esprit Saint, traversant toutes les images paternelles et maternelles issues de notre histoire personnelle et culturelle.

Ce texte du catéchisme offre une bonne occasion de revaloriser cette appellation de “Père“ qui est un peu trop banalisé dans le langage humain et ecclésiastique.
“Vous êtes tous frères !“. Ainsi, quand vous vous adressez à un prêtre en l’appelant “Père“, [ce qui est contestable, soit, mais pas plus contestable que d’avoir un comportement très familier avec lui sous prétexte de fraternité - ce qui n’est d’ailleurs pas admis en d’autres contextes sociaux -]…, ce n’est certes pas à l’homme que vous vous adressez, à ce frère qui est exactement comme vous…[et qui a certainement tel et tel défaut que vous n’avez pas (évidemment) et que vous savez faire remarquer], … mais vous devez, là, plutôt manifester votre foi dans le Christ dont il porte le caractère sacerdotal, lui qui peut dire en la place du Christ : “Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang“. Vous devez seulement manifester votre foi dans le Christ qui, dans son apparence d’homme, disait : “Qui me voit, voit le Père !“.

Le grand St Augustin disait un jour à ses chrétiens : “Avec vous et comme vous, je suis chrétien. Et pour vous, je suis évêque !“. Il se considérait d’abord comme chrétien, au même niveau que les autres : nous sommes tous frères ! Et ensuite, étant donné la vocation particulière à laquelle il avait répondu, il se considérait comme “serviteur“ des autres, chargé d’une responsabilité à l’égard des autres, comme “lieutenant de Dieu-Père“.

Et quelle responsabilité ! Alors si vous dites “mon Père“ à un prêtre, que ce soit avant tout une prière à son intention, lui qui devra rendre compte de la charge qui lui a été confiée !

(1) aux chrétiens de Thessalonique comme une mère qui nourrit ses enfants.

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