dimanche 22 septembre 2019

L"argent ! ! !


25e Dimanche T.O. 19/C

Comme chacun d'entre nous, Jésus "a eu affaire" avec l'argent !
D'abord, il en a eu besoin : il a donc accepté d'en recevoir, est-il écrit, d'un groupe de femmes qui le suivaient partout (Lc 8/3).
Il en a aussi distribué en aumônes, par la main de son intendant attitré que semble avoir été Judas (Jn 13/29).
Un jour, il a même voulu faire un miracle pour payer l'impôt au fisc impérial (Mt 17/26).
A ses yeux, semble-t-il, l'argent, en soi, n'était pas le péché. Ni plus, ni moins.

Mais comme chacun de nous aussi, Jésus a expérimenté le caractère ambigu de l'argent.
Il avait tout de suite discerné que les deux sous que donnait une pauvre veuve pouvait valoir infiniment plus que les espèces sonnantes de quelques riches orgueilleux (Mc 12/43).
Bien plus, l’annonce du Royaume de Dieu s’était, en quelque sorte, heurté au mur de l'argent : le mur qui s’était dressé, par exemple, entre lui et le jeune homme riche, au moment où il l'avait appelé à le suivre sans conditions (Lc 18/23).
Et Jésus finira lui-même par succomber à cause de l'argent, victime de la cupidité de l'un de ses propres disciples, de celui-là justement qui avait à gérer l'argent du petit groupe des disciples, celui qui trahira par cupidité pour trente deniers (Mt 26/15).

De cette ambiguïté foncière de l'argent, Jésus a gardé à la fois de bons et de mauvais souvenirs ; ces souvenirs se reflètent aujourd’hui dans l'évangile.

Il y a d'abord la parabole de l'intendant.
Cet intendant est plus avisé que malhonnête, Quoique, bien sûr… ! Dans sa gestion, il avait surtout fortement exagéré, en vendant les biens de son maître, la taxe, si je puis dire, qui lui revenait légitimement en tant que régisseur d’un grand domaine. La réputation de factures surévaluées courait de village en village. Et le maître du domaine avait été sans doute grandement agacé de voir son régisseur devenir aussi riche que lui-même. Aussi s’apprête-t-il à le congédier.

Apprenant cela, cet intendant réduit spectaculairement sa marge de bénéfices légitimes (il était plus voleur que malhonnête) afin de mieux assurer son avenir. Il s’assure, en quelque sorte, les bonnes grâces de certains débiteurs, pour le moment de sa disgrâce. Il est beaucoup plus habile, finalement, que foncièrement malhonnête.
Voilà pourquoi Jésus loue cet intendant peu délicat certes, pour engager ses disciples à être aussi rapides et intelligents en vue d’acquérir un autre trésor, celui du Royaume de Dieu : “Faites-vous des amis avec le malhonnête argent afin qu'au jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous reçoivent dans les tentes éternelles”.

Et Jésus semble insister : la situation est urgente, ne restez pas assis entre deux chaises, et dépêchez-vous de prendre les moyens pour entrer dans le Royaume de Dieu qui est là, imminent. Soyez aussi malins et rapides que ce monsieur -simple régisseur, sommes toutes -, dont on a tant parlé !

Et Jésus continue par une phrase un peu pessimiste : “Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière”.
Et puisqu'il s'agit d'argent, c'est le moment de s'apercevoir qu'on n'entre pas encombré dans le Royaume de Dieu : il faut faire le pas et partager généreusement. C'est la vraie manière de gérer l'argent et d'être digne de confiance pour Dieu.

Oui, finalement, aux yeux de Jésus, il n'y a qu'une seule façon de "sauver" l'argent : c'est de le partager. Jésus n'est dur que pour ceux qui se font les serviteurs et les esclaves de l'argent, ceux qui l'amoncellent pour eux seuls. Il en a tant de fois fait l'expérience : l'argent peut facilement devenir un mur entre Dieu et les hommes. Or, “nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent”. Tôt ou tard, un choix s'impose, pour que l'argent puisse fructifier en vue de Dieu et en vie éternelle : “Vendez vos biens, dit Jésus en un autre endroit, et donnez-les en aumônes. Faites-vous des bourses qui ne s'usent pas, un trésor qui ne vous fera pas défaut dans les cieux, où ni voleur n'approche, ni mite ne détruit”. Et Jésus ajoute : “Car, où est votre trésor, là aussi sera votre cœur(Mt 6/19-21).

Cette dernière précision citée par St Matthieu lève l'embarrassante ambiguïté qui s'attache à l'argent. Dans ce domaine, tout est finalement affaire de cœur : “Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur”. C'est comme si, par le biais de l'argent, de cet argent dont chacun de nous dispose, Jésus nous interrogeait : “Mais où donc est ton vrai trésor ? Où donc est ton cœur ? Qu'as-tu choisi en vérité ? Et si tu penses m'avoir choisi, moi, jusqu'où va ton choix ?”.

Rien d'étonnant alors si Jésus fait du renoncement à ce que l'on possède la condition pour être vraiment son disciple. Tôt ou tard, Jésus nous demande ce partage, celui de nos biens matériels ou spirituels, sous une forme ou une autre. Tôt ou tard, mais uniquement par amour pour lui, pour Dieu ! Parce que, en dehors de lui, nous n'aurons plus d'autre trésor.

En rassemblant ici des paroles que Jésus a sans doute prononcées en des occasions diverses, Luc les faufile subtilement sur les thèmes de l'argent, de la confiance, du partage, du service exclusif d'un maître. D'où l'impression que le régisseur est prsenté tantôt comme un modèle, tantôt comme un malhonnête gredin. C’est que Luc veut illustrer une seule idée : pour suivre Jésus, il faut être libre par rapport à l'argent, savoir le partager ou du moins le faire fructifier en faveur des frères d’un même Père, celui des cieux, afin de n'avoir pour maître que Dieu seul.

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