dimanche 1 septembre 2019

A la bonne table ! ! !


22e Dim. T.O. 19.C 

Sans doute aurez-vous  ce midi une place à une table. Pas seulement un sandwich que l’on accorde à un mendiant de passage ! Pas seulement, je l’espère, l’assiette d’un solitaire ! Pas seulement un plateau, fut-il copieux, composé au libre-service ! 
Mais une vraie place à table : Quelque chose à manger et quelqu'un avec qui manger !

Jésus ne refusait pas les invitations à dîner, qu'elles viennent de publicains ou de pharisiens, au point que certains s'en scandalisaient  ; on le traitait parfois de glouton et d'ivrogne !
Et remarquons bien : il commence sa vie publique à Cana par un repas de noces et la finit par le repas douloureux, certes, mais étonnamment fraternel du Jeudi Saint.
Plus d'une fois, dans les paraboles principalement, il évoque le Royaume de Dieu comme un banquet où nous serons tous à ses côtés.Et l’un des auditeurs d s’exclamer ! "Heureux celui qui prendra part au festin du Royaume de Dieu !". Il en avait "l »eau à la bouche", si je puis dire !

La table d’un vrai repas est le lieu où la parole accompagne le pain, où les relations entre les personnes sont au moins aussi importantes que le menu qu'on y sert.
C'est un des lieux principaux où l'humanité se révèle en prenant ses distances avec l'animalité. Combien de fois, dans l’enfance et la jeunesse, ne nous a-t-on pas dit : “Tiens-toi bien à table”, c’est-à-dire : tiens-toi comme un homme, une femme et non comme un animal. Et si c'est là qu'on apprend à devenir des hommes, il n'est pas étonnant que Dieu s'y intéresse.

Aussi, Dieu pourrait nous demander :  "Quelle sera votre table tout à l'heure ?"
- Il y a le repas “habitué” des gens enfermés dans leur silence ou désormais fascinés par la télévision.
- Il y a le repas “tendu” où, pour éviter les heurts, on s'interdit toute allusion à la politique ou à d’autres sujets
- Il y a le repas “blessé” parce que certains qui auraient pu y trouver place ne sont finalement pas présents.
- Il y a le repas “calculé” où la gentillesse est affectée, la générosité intéressée, l'amitié hypocritement jouée.

Il n'échappe pas au regard de Jésus le manège de celui qui tente d'approcher les places d'honneur ou celui qui fuit la proximité d'un importun. C’est bien connu !
Lorsque, pour un repas de noces, la maîtresse de maison passe des heures pour établir un plan de table, elle saisit la complexité du tissu humain où l'âge, le sexe, la culture, la situation, les opinions tissent les multiples fils de l'humanité.
Très souvent, avant même que ne soit dit un mot, autour de la table, le respect et le mépris, l'ambition et la timidité, l'amour et la jalousie ont fait leur œuvre. Comme sous une loupe, la réalité de la société des hommes se révèle souvent dans les mondanités d'un repas.

Mais si le repas révèle la petitesse des hommes, il peut aussi révéler la grandeur du projet de Dieu. Il ne faut surtout pas oublier que c'est à un repas que, par le Christ lui-même, nous sommes invités en ce moment. C'est au cours d'un repas qu'il a donné sens à sa vie et à sa mort et, dans chaque repas eucharistique, il nous entraîne dans le don qu'il fait de lui-même. Il nous invite à sa table comme on invite des amis. Il nous invite à partager sa Parole et son Pain. Divinement, il est lui-même l'hôte et la nourriture.   Un repas paradoxal : on semble manger une bouchée de pain et c'est Dieu qu'on rencontre ! C’est Dieu qui vient à nous, en nous, comme si Dieu voulait encore "s’humaniser" par nous !

Certes, chaque dimanche, autour de la messe paroissiale, on retrouve plus ou moins le jeu des repas humains : la quête de certaines places, le choix des voisins, l'invitation refusée, l’étranger remarqué. Certains sont bien présents, mais sans un mot, sans un regard, sans un sourire pour les autres convives ; celui-ci vient avec son ambition  ; celui-là avec sa timidité…  Eh oui ! c'est bien, en ce sens, un repas comme un autre.

Et pourtant, ce repas, déjà, est signe du Royaume de Dieu. Non pas repas funèbre, vigile du Golgotha, mais repas de fête, un repas de noces célébrant, avec le Fils de Dieu fait chair, l'entrée de l'Homme dans la famille de Dieu. La lettre aux Hébreux (2ème lecture) nous le disait : “Vous êtes venus vers Dieu... Vous êtes venus vers Jésus, le Médiateur d'une Alliance nouvelle”.  La médiocrité de nos comportements ne doit donc pas gâcher la splendeur de l'événement

Tous les hommes sont attendus ! Ce n'est pas un repas de privilégiés. Tous, malgré leurs péchés, y ont leur place s'ils ne désespèrent pas de la miséricorde de Dieu. Tous sont espérés, mais qui ira leur porter l'invitation ?  Qui leur dira la route ?  Qui les accueil 

Tous sont invités à entrer dans la fête : alors, qui peut oser faire l’orgueilleux dans cette foule bigarrée ? Qui peut refuser une parole, un sourire, un signe amical au voisin inconnu ?

Jésus l’a fortement affirmé : la place d'honneur n'est pas celle de celui qui préside mais celle du serviteur qui lave les pieds des hôtes. C'est le maître qui sert et le serviteur qui passe à table. Qui peut se plaindre comme un client mécontent ? Qui oserait réclamer des honneurs ?

C'est son Esprit que Dieu nous partage en même temps que le Corps de son Fils. C'est une Jérusalem nouvelle de Justice et de Paix que Dieu a le projet de bâtir à partir du repas d'amour de Jésus.

Certes, la messe de chaque dimanche est encore dans l'histoire et le temps : elle ne rassemble que quelques croyants encombrés de leurs limites. Mais elle dessine et déjà esquisse le Banquet Éternel où nul ne restera sur sa faim, où le vin de la Joie ne sera refusé à quiconque, où toutes les générations de l'histoire portées par la grâce de Dieu s'arrêteront émerveillées devant le chef d'œuvre qu'elles ont  réalisé : le Corps du Christ ! "Si nous savions ce qu’est la messe !", disait le Curé d’Ars. Soyons fidèles à l’invitation du Seigneur.

Et, pour terminer, une dernière réflexion : au cours de ce repas  eucharistique, c’est le Christ qui vient à nous, qui veut prolonger réellement son incarnation. Il vient bien réellement !
Cela étonne au point que certains mettent en doute cette présence du Christ. Pourtant, "rien n’est impossible à Dieu" (Lc 1.37), affirmait l’ange Gabriel à la Vierge Marie au moment de l’annonce de la venue de Dieu en elle. "Y-a-‘t-il rien de trop merveilleux pour Dieu ?" (Gen. 18.14), demandaient les visiteurs divins à Sara (la femme d’Abraham) qui doutait de sa future maternité qu’ils annonçaient.

Dieu continue ses merveilles :
+ Dieu s’est fait homme, homme comme nous "excepté le péché", homme que l’on pouvait voir, toucher, entendre…
+ Arès sa résurrection, il s’est bien montré moult fois, mais il était moins perceptible à nos facultés humaines : il était présent subitement, traversant les murs du cénacle où se trouvaient les apôtres…  Et on ne reconnaissait pas toujours (disciples d’Emmaüs). Bien plus, très nettement, il dira à Marie-Madeleine : "Ne me touche pas !", c’est-à-dire : tu n’es plus capable de m’atteindre désormais comme tu le faisais naguère.
+ Et désormais, il se rend toujours présent à nous, humblement mais non visiblement, sous les apparences du pain et du vin. Les explications théologiques (celle de la "transsubstantiation", par exemple) peuvent aider la raison à appréhender cette présence du Christ. Mais c’est bien davantage la foi qui perce ce mystère, car "rien n’est impossible à Dieu" et "Y-a-‘t-il rien de trop merveilleux pour Dieu ?"

Et, en attendant le banquet éternel, si j’ose dire, passons à table ! Et que notre appétit de Dieu soit grand !  

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