19e Dimanche du T.O.
18/B
"Lève-toi et
mange" !
Élie
! Un personnage historique à connaître ! Une stature légendaire, une figure de proue
dans la Bible : "surgit comme un
feu, est-il écrit, le prophète Élie
dont la parole brûlait comme une torche" (Si 48,I).
-
Mais
Elie est encore un homme fait de la même pâte humaine que nous. Il fuit
la colère de la reine Jézabel qui fit supprimer les prophètes. Il fuit en
disant, priant : "Je suis rempli
d'un zèle jaloux pour le Seigneur Dieu, parce que les Israélites ont abandonné
ton alliance, qu'ils ont abattu tes autels et tué les prophètes. Je suis resté,
moi seul, et ils cherchent à m'enlever la vie" (I R I9,I0).
Il
avait cru que la manifestation de la puissance du Seigneur lors du sacrifice
célébré sur le mont Carmel (I R I8,20sv),
que la fin de la sécheresse obtenue par son intercession (I R I8,4I-46), ramèneraient le roi Achab au culte
du Seigneur. C'était compter sans la reine Jézabel.
Le
danger est trop grand pour lui. Alors, Elie fuit au désert et marche
toute une journée, dans un désert géographique et aussi dans un désert
intérieur, jusqu'à ce qu'il trouve bonne l'ombre d'un buisson. Le
découragement l'envahit, avec le sentiment d'avoir échoué lamentablement: "Maintenant, Seigneur, ç'en est trop !
Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères". - "Il s'étend
sous le buisson et s'endort". Le sommeil aide à fuir, pour un temps,
les dangers ou le désarroi qui assaillent la vie.
Mais
un ange, c'est-à-dire un messager de Dieu, le tire de son sommeil et lui parle
: "Lève-toi et mange".
Se lever, c'est la position du vivant. Manger est signe que la vie est là ou
est en train de revenir. Alors, qu'il fuit la vie, Elie reçoit, au
désert, de quoi la recouvrer : un vrai pain et de l'eau, le minimum vital même
en temps de famine.
Une
deuxième fois, Elie se couche et s'endort. De nouveau le messager de Dieu le
touche et le fait se lever pour manger et pour boire, donc pour vivre.
Se lever, manger, boire et marcher sont les actes d'un vivant. Cette fois-ci,
plus de doute : c'est Dieu qui répond à son appel, mais en lui signifiant que
sa démission n'est pas acceptée : "Lève-toi
et mange ! Autrement le chemin serait trop long pour toi". Elie se
lève, mange et boit, puis "fortifié
par cette nourriture", repart d'un bon pied, pour une marche de "quarante jours et quarante nuits
jusqu'à l'Horeb, la montagne de Dieu", ce lieu où les ancêtres ont
déjà fait l'expérience de la rencontre de Dieu.
Ainsi,
en se levant, Elie a expérimenté dans son corps, dans sa chair, le passage, le
don de Dieu sous le signe d'une nourriture : le pain. Et c'est en marchant
qu'il poursuit sa recherche de Dieu. A maintes reprises, dans la bible, les
envoyés de Dieu, puis Jésus lui-même ont prononcé ce "lève-toi".
Toujours il est suivi d'une action, souvent la même : "lève-toi et
marche". Un jour, c'est Jésus lui-même que Dieu fera se lever
d'entre les morts, ressuscité, vivant pour notre vie. Et ce Jésus
nous dit : "Je suis le Pain
vivant" qui redonne vie ! "Pain livré pour nous !".
Certes,
nous serions tentés parfois de redire, nous aussi : "Maintenant, Seigneur, ç'en est trop !". Ce cri avait été
celui de Moïse ployant sous le poids de la charge que Dieu avait mise
sur ses épaules, comme il sera plus tard celui de Jérémie que la fidélité
à sa mission livrait aux sarcasmes et aux persécutions. Ce fut le cri d'Elie.
C'est le nôtre aussi, même si nous ne sommes pas aux prises avec des
difficultés comparables. Aussi, Jésus nous redit aujourd'hui : "Lève-toi
et mange : je suis le Pain de Vie. Et ce Pain, c'est moi,
c'est ma vie donnée pour la multitude…"
Remarquons-le
également : c'est dans le désert que le pain venu d'en haut est donné à Élie
qui, fortifié par cette nourriture, peut marcher durant quarante jours pour
se rendre au rendez-vous de Dieu. Ce lieu et ce nombre font songer aux
années de l'exode pendant lesquelles les fils d'Israël mangèrent la manne, aux
quarante jours que Moïse passa sur le Sinaï en ne prenant que du pain et de
l'eau, au jeûne de Jésus réconforté, après quarante jours, par la visite
des anges.
La
vie de l'Église et
des croyants est un exode, un temps d'épreuve, souvent une
traversée du désert. Mais Dieu reste proche de ceux qui ne désespèrent pas de
lui, même lorsque le poids qui les accable leur fait dire : "Maintenant, Seigneur, c'en est trop
!". A nous aussi, il est dit: "Mange,
sinon le chemin sera trop long pour toi!"
A
propos d'Elie, j'ajouterai une notation qui peut être utile à chacun de nous.
Il est dit à ce grand prophète : "Va
dans le désert, monte sur la montagne. Le Seigneur va passer pour toi
!". Il va rencontrer Dieu. Et comment donc ?
Alors,
il y eut un ouragan qui fendait la montagne, brisait les rochers, mais le
Seigneur n'était pas dans l'ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans
le feu. Et après le feu, "le bruit d'une brise légère", "le
son d’un silence subtil". C’est le Seigneur Dieu qui passait ! -
La
traduction, là, est difficile. En mot-à-mot : Elie entendit “le son d’un silence pulvérisé”, "l'éclatement d'un silence" ou
encore : “le son d’une poussière de
silence”. C'est dire qu’il s’agit là, sans doute, d’un silence absolu,
c’est-à-dire “sans lien” avec quoi que ce soit, un silence totalement
libre de tout, ce qui convient parfaitement à Dieu. Cela ne veut pas dire que
le “silence” contient Dieu. Mais cette “poussière
de silence” peut être signe de sa présence, de sa seule présence !
C’est
pourquoi le silence dans notre relation avec Dieu (prière), le silence de
l’âme, ce silence qu'expérimentera, par exemple, St Jean de la Croix, disciple
du Mont Carmel où résidait Elie, St Benoît, St Bruno... et tant d'autres, ce
silence-là nous dispose à être présent au Seigneur, à correspondre au souffle
de son Esprit qui, souvent, se manifeste en notre âme comme "une brise légère" !.
Dieu,
nous l'entendons bien que dans un silence intérieur, comme dans un
"vide" de nous-mêmes en lequel l'amour de Dieu veut se déverser. St Grégoire de Nazianze avouait : "Le désert silencieux a été pour moi
source de progrès en Dieu, c'est-à-dire de vie divine en moi !". Et St
Bernard précisait : "Celui qui
désire entendre la voix de Dieu, qu'il se retire dans la solitude. Cette voix
divine ne résonne pas sur les places publiues... Un conseil secret exige une
secrète écoute !" C'est déjà
très vrai avec celle, celui que l'on aime. C'est d'autant plus vrai avec Dieu !
Je
sais bien - je sais trop et combien -
que la solitude, le silence sont, pour beaucoup, de très grandes
épreuves, surtout, par exemple, après un décès... Prions alors pour que ces
solitudes et silences deviennent, comme pour Elie, sources de la présence de
Dieu en lequel nous pouvons retrouver et ceux qui nous ont précédés et ceux qui
sont près de nous !
On
demandait un jour à Ste Thérèse de Lisieux : "Que dites-vous donc à
Jésus ?". Elle répondit : "Je
ne lui dit rien ; je l'aime !". Telle peut être, doit être la
plénitude du silence ! "En amour,
disait Pascal, un silence vaut mieux
(parfois) qu'un langage !"...
qui risque de n'être qu'un bavardage !
Cela
pour dire qu'en tout homme - il faut le savoir ! - se trouve une part de
solitude qu'aucune intimité humaine ne peut remplir. Mais c'est là que Dieu
veut nous rencontrer, qu'il nous permet, en Lui, de rencontrer tous nos frères.
Souvent,
on accuse Dieu à propos de notre solitude... ! Mais il faut se le dire, une
fois pour toutes : "Ce n'est pas
Dieu qui est silencieux ; c'est nous qui sommes sourds !". (P. Sertillanges)
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